Entre planches et madriers : la scierie Campbell MacLaurin (1908-1940)

Gabriel Cormier
Entre planches et madriers : la scierie Campbell MacLaurin (1908-1940)
Scierie Campbell MacLaurin Lumber Co. Limited, Drummondville, vers 1910. (Photo : Société d’histoire de Drummond, Fonds Famille Ovide Brouillard; P189, D9, P024.)

SOCIÉTÉ D’HISTOIRE DE DRUMMOND. Drummondville, 9 septembre 1921, 8h00. Le sifflement du train se fait entendre.

C’est le signal pour les hommes qui se dirigent vers la voie ferrée du Canadien National traversant la cour. La locomotive s’arrête finalement quelques minutes plus tard, grinçant sous le poids de plusieurs centaines de massifs billots de bois équarris. Les ouvriers travaillent d’arrache-pied pour décharger le tout et l’entasser, en piles, dans la cour. Ce pin, cette épinette et cette pruche deviendront ainsi le labeur de leur prochain jour, eux qui devront les scier pour en faire du bois d’œuvre, notamment des madriers et des planches. Ceux-ci seront ensuite chargés sur les prochains wagons qui les achemineront vers leur destination suivante. C’est là le quotidien de la scierie Campbell MacLaurin Lumber Co. Limited, incorporée à Montréal en 1907, et établie à Drummondville depuis 1908.

Plans d’assurance-incendie de la scierie Campbell MacLaurin, Drummondville, 1934. BAnQ Rosemont-La Petite-Patrie.

Dès la fin de l’année 1907, la maison-mère de la Campbell MacLaurin annonce son intention d’ouvrir une succursale à Drummondville qui procurera, à son apogée, du travail à près de 125 hommes. À son ouverture en 1908, la compagnie occupe un vaste terrain entre le troisième rang (l’actuel boulevard Saint-Joseph), la voie ferrée de l’Intercolonial Railway (devenue celle du Canadien National à partir de 1919), la rue du Couvent (aujourd’hui la rue Marchand) et le chemin de fer du Canadien Pacifique. Près de seize millions de pieds de bois de construction s’entassent régulièrement dans la cour de la compagnie, de part et d’autre du chemin de fer, en attendant d’être transformé ou expédié vers les marchés urbains, toujours par train. La Campbell MacLaurin devient ainsi rapidement une cliente très appréciée des compagnies ferroviaires dont elle dépend.

En plus d’offrir un salaire respectable aux hommes qui y travaillent, la Campbell MacLaurin profite d’une réputation enviable et du dévouement de ses employés, notamment grâce au gérant local de la compagnie, le respecté Elmer D. McCallum. Ce dernier fait preuve d’une grande générosité à l’égard du personnel lors du temps des Fêtes, distribuant plus de 15 000 livres de bonbons aux enfants des employés en l’espace de trente ans, soit environ 500 livres par année. McCallum ne s’arrête toutefois pas là. À partir de Noël 1936, le gérant offre une boîte de denrées d’une valeur de 5-6$ à chacun des ouvriers. McCallum se charge alors lui-même du magasinage, ainsi que de la distribution des cadeaux aux domiciles. Ajoutons à cela que la compagnie facilite l’établissement de ses employés en leur vendant des terrains et du bois de construction au rabais, 90% d’entre eux étant propriétaires d’une maison en 1940.

Intérieur de la scierie Campbell MacLaurin, Drummondville, vers 1910. Société d’histoire de Drummond, Collection Abbé Jean-Noël Laplante; P78, S2, D02, P01.

Après plus de trente ans d’activité, la manufacture drummondvilloise de la Campbell MacLaurin annonce la cessation de ses opérations en mars 1940. Plusieurs facteurs sont en cause, dont l’éloignement des sources d’approvisionnement en bois, jumelé aux taux de fret qui ont doublé depuis 1914. La consommation du bois de construction a également fortement diminué, remplacé par des matériaux de substitution. Ainsi, depuis 1930, l’entreprise n’opère qu’à 45% de sa capacité, rendant les dépenses prohibitives pour une si petite production. Après avoir disposé de tout le bois qu’elle avait en main, la scierie ferme finalement ses portes en octobre de la même année, démolissant ses bâtiments et vendant son outillage. Il ne subsiste alors qu’un bâtiment, toujours situé au 265 de la rue Brouillard, et qui servait jusque-là de bureau pour la compagnie. Le reste du vaste terrain initialement occupé par l’entreprise est alors divisé en lots de 50 par 100 pieds, lesquels sont vendus au rabais pour la construction de résidences, hormis une bande de terrain réservée à l’élargissement du troisième rang. Les rues Melançon, Garceau et Brouillard sont alors aménagées au sein de l’espace laissé vacant par la défunte scierie. Le sympathique Elmer D. McCallum devient, quant à lui, vice-président de la maison-mère située à Montréal.

Scierie Campbell MacLaurin, Drummondville, vers 1910. Société d’histoire de Drummond, Collection régionale; C1-2.4i33.

 

 

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