«Je vis quelque chose de grand» – Gabrielle David

Jean-Pierre Boisvert
«Je vis quelque chose de grand» – Gabrielle David
Gabrielle David lors d’un entraînement à l’Auditorium de Verdun. (Photo : Ghyslain Bergeron)

SPORT. Gabrielle David arrive dans une ligue qui commence, elle n’est pas sûre de jouer à tous les matchs, ni même d’avoir sa place la saison prochaine. Vous la croyez malheureuse au milieu de ces incertitudes? Que nenni. La hockeyeuse drummondvilloise affiche un enthousiasme contagieux, bien consciente de son statut de joueuse professionnelle privilégiée.

Âgée de 24 ans, l’attaquante droitière a été repêchée en septembre dernier par l’équipe de Montréal de la nouvelle Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF) qui a débuté ses activités en janvier avec cinq autres formations (Ottawa, Toronto, Boston, New York et Minnesota). Au moment d’écrire ces lignes, les Montréalaises trônaient au sommet classement alors que, pour sa part, Gabrielle montrait une fiche de deux buts et une passe en 16 matchs.

C’est avec une attitude d’athlète comblée, souriante, qu’elle se présente à l’équipe de L’Express venue la rencontrer au terme d’un entraînement régulier à l’Auditorium de Verdun tout récemment.

La Drummondvilloise sur la glace à Verdun.(Photo Ghyslain Bergeron)

Dès le début de notre conversation, son bonheur est palpable. «C’est incroyable d’arriver dans une ligue nationale comme la LPHF, c’est du professionnel là, c’est pas juste pour le hockey et les entraînements, ça concerne aussi mon comportement en dehors de l’équipe. Chez moi, il faut que je mange bien, que je dorme bien, tout ça va ensemble, c’est vraiment une coche au-dessus de ce que j’ai connu jusqu’ici».

Le calendrier comprend 24 parties et un entraînement tous les jours, sauf pour une journée de congé durant la semaine. «Je ne cacherai pas que mentalement c’est plus difficile, j’ai un rôle différent ici», explique celle qui s’imposait comme buteuse durant ses quatre années à l’Université Clarkson et même avant avec le Cégep Limoilou. «Ici, je dois appliquer de nouveaux concepts de jeux. Mais je suis capable de m’adapter c’est une de mes forces».

Même si elle a atteint le niveau professionnel, elle ne se considère pas comme arrivée à destination. «C’est un travail et des efforts constants. Il y a plein de choses qui varient. Depuis le début de la saison, certaines joueuses doivent passer un tour. Ma place n’est pas garantie d’une partie à l’autre et même pour l’année prochaine».

Gabrielle a signé un contrat d’un an. Quelques-unes ont des contrats de trois ans, mais il y a un nombre limité. Le salaire moyen est de 55 000 $ américains par saison. «C’est ma première année, c’est la première année de l’équipe et c’est la première année de la ligue. Il y a beaucoup de nouveau, en quelque sorte on est toutes des recrues», dit-elle en riant.

Elle ajoute : «Dans des moments difficiles, je me dis que je vis quand même quelque chose de grand, parmi les meilleures joueuses au monde, et que je dois redoubler d’efforts pour avancer et progresser dans cette aventure».

Elle se considère chanceuse d’avoir été repêchée en neuvième ronde par l’équipe de Montréal alors que d’autres Québécoises ont été recrutées par les autres organisations. «C’est chez moi, ça se passe en français et en anglais, j’ai des amies sur les réseaux sociaux, mes parents viennent me voir à toutes les parties locales. J’aime vraiment l’équipe, les coachs, toute l’organisation est professionnelle. J’ai hâte que l’équipe ait un nom et un logo. Au début, je trouvais ça bizarre, mais, au bout du compte, je comprends qu’il y avait d’autres priorités à développer pour mettre sur pied cette nouvelle ligue et ces nouvelles équipes».

Marie-Rivier

La Drummondvilloise dans les bras de son père. (Photo collection personnelle)

À Drummondville, c’est à l’école secondaire Marie-Rivier qu’elle fait ses classes au sein du programme sport-études. C’était tout naturel pour elle d’aller tester son goût et ses aptitudes pour notre sport national. «Mon père jouait au hockey, mon grand-père aussi. En plus, mon père (Daniel) était concierge à Marie-Rivier. Aussi, j’ai suivi les traces de mon frère (Olivier), un an et demi plus vieux. Plus jeune, j’étais gardienne de but. J’ai appris assez vite que je devais être compétitive et je tenais à prouver que j’avais ma place parmi les gars». Cette force de caractère, la jeune Gabrielle l’a emportée avec elle au Cégep Limoilou où elle a joué trois ans tout en participant à des camps de sélection pour Hockey Québec et Hockey Canada. C’est à cette époque qu’elle a commencé à attirer l’attention, notamment de la NCAA. Son équipe a disputé des tournois au Vermont. C’est là que le coach de l’Université Clarkson l’a remarquée et plus tard embauchée. «À Clarkson, c’était plus sérieux, c’était bien structuré, l’équipement était fourni et tout. Les partisans de hockey venaient nous voir jouer, c’était populaire, et on se faisait même reconnaître au Walmart».

Outre ses deux petits chats à la maison, tout tourne autour de sa carrière au hockey et le potentiel qu’elle a à développer. «Tout ça a pris une ampleur que je n’attendais pas. Il y a eu les deux ligues formées ces dernières années. Elles ont été abandonnées au profit de la LPHF, qui a fait des premiers pas de manière solide. On voit maintenant que les parties sont disputées devant des salles combles, la popularité du hockey féminin est grandissante. On parle même d’aller jouer au Centre Bell», avance-t-elle avec du feu dans les yeux.

Parmi ses idoles, il y a bien sûr Marie-Philip Poulin, sa capitaine. «Son éthique de travail, pas seulement offensivement, mais aussi sa façon de jouer en défensive, son bâton est toujours bien placé. De la voir jouer, pour moi c’est un modèle».

(Photo collection personnelle)

Sur la patinoire, Gabrielle remarque que le jeu est de plus en plus physique à mesure que la saison avance. «Le contact est permis, mais pas les bagarres. Toutes les joueuses portent la grille. Moi, ça ne me dérange pas, j’ai toujours joué avec ça.»

Notre fière Drummondvilloise est diplômée en biologie. «Je n’écarte pas de retourner mes études éventuellement, confie-t-elle. J’aimerais être kinésiologue, ça me donnerait l’opportunité de travailler avec des athlètes.»

Voilà au moins quelque chose qui ressemble à une certitude.

Ce qu’elles en disent

– Danièle Sauvageau, directrice générale de l’équipe montréalaise :

Danielle Sauvageau. (Photo Ghyslain Bergeron)

«Gabrielle est rapide, elle a une bonne vision du jeu et de bonnes mains. Ce qui est intéressant, c’est qu’elle gradue à peine du circuit universitaire, c’est un niveau complètement différent. Un peu comme quand on passe du cégep à l’université. Elle arrive à faire sa place, même si au début c’était plus difficile. Elle ne doit pas oublier ce pour quoi on a décidé de la choisir : sa vision, ses mains, sa rapidité, son enthousiasme. C’est une joueuse qui est facile à coacher, qui apprend vite. Elle doit capitaliser sur ses forces pour l’amener ailleurs. Ses faiblesses, elles vont par la bande s’améliorer», précise celle qui fut jadis entraîneur-chef de l’équipe canadienne de hockey féminin.

«Peu importe si une joueuse évolue sur le premier trio ou parmi les réservistes, elle doit garder la confiance».

La plupart des joueuses de la LPHF ont dû signer des contrats d’un an seulement. «Ce n’est pas l’idéal. Elles doivent se battre continuellement. Et pour nous, à la direction, c’est difficile aussi. Ce serait bien sûr préférable d’avoir toutes les joueuses signées pour deux ou trois années. Mais je rappelle souvent aux joueuses et au staff : où étiez-nous il y a six mois?», clame-t-elle en laissant la question en suspens, sachant bien que la réponse est évidente. «On doit regarder en avant, gravir la prochaine marche et, dans dix ans, on va être ailleurs. Je suis convaincue que Gabrielle, dans dix ans, va dire : oh mon Dieu, je ne faisais pas ces salaires-là. Pour moi, l’une des bonnes valeurs, c’est l’appréciation, non pas de se contenter de ce qu’on a, mais de réaliser tout le chemin que nous avons parcouru, même si c’était un petit pas à la fois».

– Marie-Philip Poulin, capitaine de l’équipe avec quatre participations aux Jeux olympiques où elle a remporté trois médailles d’or :

Marie-Philippe Poulin. (Photo Ghyslain Bergeron)

«J’apprécie beaucoup Gabrielle. Nous nous sommes entraînées ensemble l’été dernier. Elle a toujours un sourire et demeure très compétitive. Ce qui est bien avec elle, c’est qu’elle veut continuellement apprendre. C’est une bonne étudiante de la game. Sur la glace, elle est rapide et elle est comme une étincelle au sein de l’équipe».

Nancy Drolet. (Photo d’archives)

– Nancy Drolet, ancienne joueuse de l’équipe nationale, six fois championne du monde en hockey féminin, médaillée olympique et officière de l’Ordre de Drummondville.

«Si j’avais un conseil à lui donner, ce serait de profiter du moment. C’est un beau privilège qu’elle a de vivre cette étape historique dans le hockey professionnel féminin. Gabrielle est dans un bon environnement pour développer, à temps plein, son potentiel. Je l’encourage à garder le focus sur les petites choses qui vont lui permettre de s’améliorer. Là où elle est rendue, la préparation mentale et physique est d’une importance cruciale. C’est une discipline qui va lui servir toute sa vie, bien au-delà de sa carrière de hockeyeuse. C’est difficile d’arriver à obtenir un statut de joueuse professionnelle, mais c’est encore plus dur d’y rester.»

«C’est formidable de voir que l’équipe de Montréal est première au classement, qu’elle joue devant des salles combles et que les parties sont diffusées à RDS. Dans mon temps, on jouait à 23 heures le soir, il n’y avait pas des milliers de spectateurs. Nous étions des pionnières et Gabrielle l’est aussi à sa manière. J’aurais le goût de lui dire : nos bras meurtris vous tendent le flambeau, à vous de le tenir bien haut».

 

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