SANTÉ. La colère gronde toujours autant, sinon plus, chez les infirmières. Irritées par les propos de Natalie Petitclerc, présidente-directrice générale du CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec dans son bilan annuel, elles tiennent à remettre les pendules à l’heure et présenter le réel portrait de la situation des soins dans la région.
Les infirmières ne démordent pas de leur position : les mesures implantées en février à Drummondville n’ont aucunement amélioré la situation. Pire, ça s’est aggravé. Anxiété, démissions, congés de maladie. Le portrait est très sombre selon le syndicat des professionnelles en soins de la Mauricie et du Centre-du-Québec qui a tenu une conférence de presse mercredi.
«Dans les départements où la direction a implanté des fusions ou des fermetures partielles pour l’été, très peu de quarts de travail ont été faits par les infirmières contraintes de changer de département alors qu’un nombre beaucoup plus grand de quarts de travail a été perdu en raison de départs ou d’absences directement reliées aux mesures de l’employeur», souligne la présidente par intérim du FIQ-SPSMCQ, Patricia Mailhot.
À titre d’exemple, sur les 20 infirmières de la santé préventive s’étant vu imposer un week-end sur trois à Frederick-George-Heriot, seulement deux sont demeurées en poste. Total des quarts travaillés au CHSLD : sept durant tout l’été.
«Pas certaine que j’ai sauvé le monde en travaillant quatre fois…», laisse tomber une infirmière rencontrée il y a quelques jours dans les bureaux de L’Express en compagnie de deux autres professionnelles. Celles-ci ont requis l’anonymat.
«Pour ma part, j’ai eu cinq journées de formation pour une seule journée de travail en pédiatrie sur toute la période de l’été. C’est tout», renchérit sa consœur.
Selon les données du syndicat, le CIUSSS prévoyait combler 128 quarts de travail au Centre famille-enfant avec ces mesures, mais dans les faits, l’aide des employés de la santé communautaire du CLSC a été requise seulement 11 fois tout au long de la saison estivale.
Toujours selon les chiffres du syndicat, 18 infirmières auraient démissionné au cours des derniers mois ou sont actuellement en congé de maladie.
«Imaginez le nombre de quarts de travail qu’on s’est privé, ça représente plus de 1400. Et pendant ce temps-là, les soins à la population ont grandement diminué pour les enfants 0-5 ans et toute la clientèle qui requiert des services en santé sexuelle. Ce n’est pas ce que j’appelle de l’optimisation», déplore Mme Mailhot.
Rappelons que depuis le début de l’été, les dépistages des infections transmises sexuellement et par le sang (ITSS) ne sont plus accessibles à Drummondville, sauf pour une clientèle bien ciblée. De plus, les femmes requérant une interruption volontaire de grossesse doivent maintenant se rendre à Victoriaville, Trois-Rivières ou Sherbrooke pour recevoir le service, à l’exception des rares journées de disponibilité de l’infirmière retraitée.
«Je ne cesse de m’imaginer une adolescente de 15 ans qui n’a pas de voiture, qui habite dans un village, qui vit peut-être dans une famille où on n’aborde pas la sexualité ni la contraception, qui n’a pas accès à une pharmacie ou le CLSC et pire, qui n’a pu accès à l’infirmière scolaire. Elle fait quoi si elle veut une pilule du lendemain? C’est impensable de savoir que les femmes n’ont plus accès à de tels services, alors que c’est un droit. Et c’est d’autant plus incompréhensible maintenant que nous sommes une métropole!» se désole une des infirmières rencontrées.
Ce n’est pas tout. La vaccination des bébés de 12-18 mois a été au ralenti ces trois derniers mois. Aucun enfant de 18 mois n’a été vacciné.
«Pendant que les infirmières attitrées à la vaccination des tout-petits se faisaient former et allaient aider, nous avons accumulé un retard important. L’ABCdaire, cette évaluation qui permet de dépister tôt les problématiques, n’a également pas pu se faire. Plusieurs parents ont déposé des plaintes. Suite à ça, certaines infirmières d’autres centres et des gestionnaires ont fait du temps supplémentaire pour faire du rattrapage», déplore la représentante syndicale.
Les professionnelles sont d’avis qu’il n’y a eu aucune plus-value pour la population. Elles reprochent à Natalie Petitclerc de porter des lunettes roses.
«À la lumière de ces informations, comment est-ce que Mme Petitclerc ose se targuer de « courage managérial » et s’autolancer des fleurs sur la place publique? Non seulement elle accélère la chute du navire, mais elle se donne le titre de capitaine de l’année. C’est aberrant!» peste Mme Mailhot.
Elle ajoute : «Au sujet des temps supplémentaires, Mme Petitclerc a fait savoir qu’il y a eu une bonne diminution par rapport à l’année dernière. Mais elle s’est basée sur la période entre le 6 février et le 17 juin. Il va falloir m’expliquer comment on parvient à justifier que les mesures ont contribué à la diminution du TS et du TSO alors que les infirmières n’étaient même pas encore déplacées. Et en 2022, je peux dire qu’il y avait beaucoup plus d’hospitalisations et encore bon nombre de cas de COVID, ce qui engendrait des heures supplémentaires.»
«Mme Petitclerc soutient qu’elle est redevable à la population, mais ceux qui fréquentent les services 24/7, c’est une petite partie. La prévention, ce dans quoi on a coupé, n’était-ce pas une priorité dont on parle souvent? Mais ce n’est pas quantifiable comme des lits d’hospitalisation, donc il est plus facile de mettre la hache là-dedans, je suppose. Mais si je fais un suivi serré auprès d’un patient hypertendu, si je l’ai bien contrôlé tout au long de sa vie, il est beaucoup moins à risque d’infarctus. Tout ça a des répercussions sur le système de santé plus tard. Mais ça ne semble pas important pour l’instant», observe une infirmière.
Des «pions interchangeables»
Par ailleurs, dans un sondage réalisé par le syndicat il y a quelques semaines, on y apprend que 6 infirmières sur 10 ont songé à changer de poste ou démissionner au cours des six derniers mois.
«Avant février dernier, la santé publique se portait bien. C’était un département où les postes étaient quand même convoités. Si elle est décimée maintenant, c’est en raison de la fusion avec le CHSLD. Deux milieux qui n’ont aucun lien. Les gens ont quitté car ça ne convenait plus, ils avaient peur, étaient à bout. Ils ne seraient pas partis si rien de tout ça n’était arrivé», affirme convaincue une infirmière.
«Avant de faire mon quart de travail en pédiatrie, j’ai nommé aux gestionnaires tout le stress ressenti. Je ne sentais pas que j’avais la capacité d’aller dans ce département. C’était à l’encontre de mes valeurs. On m’a répondu : « Tu peux toujours démissionner ou aller voir le médecin pour un arrêt »», raconte-t-elle, encore dépassée par cette réponse.
Les trois professionnelles se sentent comme des «pions interchangeables».
«Avec le comportement du CIUSSS MCQ envers les professionnelles en soins de la région et les offres patronales présentement sur la table en vue du renouvellement de notre convention collective, il va falloir que quelqu’un se réveille et remette nos dirigeants dans le droit chemin!» soutient en guise de conclusion Chantal Boucher, vice-présidente responsable organisation du travail et pratique professionnelle de la FIQ MCQ.
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