Une infirmière en santé préventive craint le pire

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Par Cynthia Martel
Une infirmière en santé préventive craint le pire
Le CLSC Drummond est situé sur la rue Saint-Jean. (Photo : Archives, Ghyslain Bergeron )

SANTÉ. Une infirmière en santé préventive du CLSC Drummond a «sourcillé» en lisant les explications du CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec dans l’article Une Drummondvilloise incapable d’avoir accès au service de dépistage des ITSS. Craignant le pire, elle souhaite exposer ce qu’il se vit et se passe à l’intérieur de l’établissement de la rue Saint-Jean.

Ces dernières semaines, le secteur de la santé préventive roule à 25 % du personnel en raison de plusieurs départs et d’arrêts de maladie. Il ne reste actuellement que deux infirmières scolaires; aucune n’assure la vaccination ni la santé sexuelle.

«Quand le CIUSSS a déployé son plan, il était prévu que 19 infirmières de la santé préventive travaillent une fin de semaine sur trois en CHSLD. Mais avec tous les départs et les arrêts de maladie, il n’y en a qu’une seule qui ira. Où sera la plus-value?», indique la professionnelle elle-même au repos forcé. Elle a requis l’anonymat.

«J’ai un peu sourcillé quand j’ai lu dans l’article que le CIUSSS dit regarder bonifier les services. Il n’y a plus d’infirmières, comment va-t-on y parvenir? On a déjà de la difficulté à rendre nos propres services», lance-t-elle, dépassée par la situation.

Elle a de la difficulté à concevoir comment le CIUSSS priorisera les interventions si pratiquement aucune professionnelle en soins n’est en poste.

«Ils ont dit qu’ils vont prioriser, mais à vrai dire, il ne reste qu’une infirmière retraitée qui va être là quatre jours en juillet pour les dépistages et le même nombre de journées pour faire des évaluations avant avortement. Elle aura le même horaire en août. C’est tout ce qu’il va y avoir.»

Concernant les dépistages des ITSS, elle confirme qu’ils ne sont plus accessibles à Drummondville, sauf pour une clientèle bien ciblée.

«Nous avons reçu une lettre hier précisant que seules les personnes dites vulnérables (hommes ayant eu une relation avec un autre homme, jeunes en difficulté, travailleuses du sexe et personnes qui consomment de la drogue) âgées de 15 à 24 ans pourront obtenir un rendez-vous à Drummondville. Les autres devront faire 45 minutes de route pour passer un test à Victoriaville. On s’entend que ce n’est pas tout le monde qui va prendre son véhicule pour y aller. Et ceux qui n’ont pas de symptômes, peut-être qu’ils se diront «Tant pis, je n’y vais pas». C’est un obstacle de plus pour ces gens et ça ne devrait pas, car c’est légitime vouloir se faire dépister», soutient-elle, soulignant que de nombreux traitements contre la chlamydia sont administrés chaque semaine à Drummondville.

La problématique est aussi sérieuse concernant la clientèle requérant le service d’interruption volontaire de grossesse.

«Les patientes sont directement envoyées à Victoriaville ou bien Trois-Rivières ou Sherbrooke, à part quand la retraitée sera disponible», fait-elle savoir.

L’infirmière se dit très inquiète des conséquences à long terme sur la santé de la population.

«En ayant un accès restreint au service de dépistage, on craint une épidémie. Et puisqu’on peine à offrir les tests et traitements, on doit mettre une croix sur les suivis. De plus, autant la chlamydia que la gonorrhée causent des problèmes à long terme si elles ne sont pas traitées, dont la stérilité et des douleurs pelviennes chroniques. En ce qui a trait aux interruptions de grossesse, trois infirmières sont requises pour assister le médecin chaque jour, mais il en manque… Comment va-t-on offrir les soins de façon sécuritaire? Et qu’est-ce qui arrivera avec tous ces gens? Ils vont se présenter à l’urgence et davantage réclamer leur médecin. L’objectif du plan du CIUSSS n’était-il pas de désengorger?» lâche-t-elle.

L’infirmière comprend mal la décision du CIUSSS d’avoir mis la hache dans les services préventifs alors qu’on doit en faire une priorité.

«Toutes les données probantes prouvent que c’est dans la prévention qu’on devrait investir en premier lieu, mais ici, on la coupe. En santé préventive, ça le dit, on prévient tellement d’affaires, mais le problème, c’est que lorsqu’on fait bien notre travail, tout semble beau», note-t-elle.

Celle-ci rejette également l’argument qu’il s’agit d’une mesure temporaire.

«Ce n’est pas vrai! Ils ont fusionné de façon permanente des secteurs d’activité. Et en septembre, toutes les mesures seront déployées à Victoriaville et partout ailleurs sur le territoire. Ça signifie que les services seront diminués là aussi et ultimement, que la population subira d’autres répercussions», se désole-t-elle.

«Même si on n’est pas un secteur 24/7, on est essentiel», insiste-t-elle, en guise de conclusion.

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