Une école et un quartier impactés par une forte odeur de cannabis

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Par Lise Tremblay
Une école et un quartier impactés par une forte odeur de cannabis
Nathalie Melançon est la directrice de l’école primaire aux Quatre-Vents. (Photo : Ghyslain Bergeron)

ENVIRONNEMENT. Depuis la mi-août, une odeur s’apparentant à celle de la mouffette, mais qui est en fait celle d’un vaste champ de cannabis, incommode l’ensemble d’un quartier résidentiel de Drummondville, dont une école primaire.

Le 5 octobre au matin, la directrice de l’école aux Quatre-Vents, située sur la rue Saint-Laurent, avait le regard soucieux, s’inquiétant notamment de ses maux de tête causés selon elle par une plantation de cannabis située du côté ouest de l’autoroute 55.

Cette plantation est celle de l’entreprise Canna-Culture. Il s’agit, selon son site web, «d’une des plus grandes terres agricoles canadiennes en processus de certification biologique préparée et sécurisée pour la culture du cannabis». Elle exploite une terre de 30 acres de même qu’une plantation intérieure. L’entreprise est située en milieu rural, mais tout juste de l’autre côté de l’autoroute se trouve un vaste quartier résidentiel.

«Généralement, ces temps-ci, on sent une petite odeur de purin venant des champs de l’autre côté de l’autoroute, mais sans plus, indique la directrice de l’école Aux Quatre-Vents, Nathalie Melançon. Mais quand je suis entrée au travail en août, j’ai remarqué qu’il avait une drôle d’odeur dans le quartier, comme un effluve très marqué de mouffette. Je pensais que des jeunes en avaient capturé une ou qu’il y avait un nid quelque part, mais ça persistait. Je n’avais aucune idée qu’il y avait une usine de cannabis tout près. Ce n’est qu’un peu plus tard qu’une éducatrice nous a appris l’existence de cette plantation. Ça ne s’appelle pas l’école aux Quatre-Vents pour rien. Ici, il y a un vent dominant. Il vente toujours et on y goûte.»

En poste depuis 2019, Mme Melançon indique qu’elle se sent «prise en otage.» C’est que le ministère de l’Éducation oblige les directions à ouvrir portes et fenêtres pour ventiler les écoles, mais à l’extérieur actuellement, l’air sent tout sauf la rose.

«Aussitôt qu’on ouvre une porte, cette odeur entre. J’ai personnellement commencé à avoir des maux de tête et des enseignants m’en parlent aussi. L’autre jour, j’ai même eu un vertige. Je pensais que je commençais une labyrinthite», ajoute la directrice qui se questionne sur les effets que la situation peut causer sur la santé.

Au passage de L’Express dans cette école qui regroupe 640 enfants, l’odeur de cannabis était omniprésente dans le vaste couloir, le cœur du bâtiment.

Étant donné les commentaires de maux de tête ici et là, la directrice a acheminé y a quelques jours un courriel au Centre de services scolaire des Chênes pour l’informer de la situation.

«J’ai écrit à mon directeur général et aux ressources matérielles. Je leur ai dit qu’on vit une situation désagréable et peu commune aux Quatre-Vents. Personne n’était au courant de cette odeur nauséabonde et ils sont venus constater. Je ne sais pas quelles actions pourront être entreprises. Il faudrait voir avec la Ville. C’est vraiment sérieux. Je trouve bizarre qu’une telle plantation soit située près d’une école», insiste-t-elle.

En 2022, un montant de 45 000 $ a été investi pour ajouter une classe extérieure à la cour d’école. En raison du relent, aucun professeur ne l’utilise présentement, malgré le temps clément.

«L’odeur est partout»

Des citoyens habitant dans le quartier se plaignent aussi de la situation. C’est le cas de Frédéric Lepage, qui pilote des projets de réfection de centrales chez Hydro-Québec. Il habite entre la rue de la Commune et le centre funéraire J.N. Donais.

Carte de la plantation et du quartier. (Photo tirée de Google Map)
Carte de la plantation et du quartier. (Photo tirée de Google Map)

«Je ne suis même pas proche de la 55 et l’odeur est partout dans le quartier depuis juillet. C’est pire depuis le mois d’août, informe-t-il. Au début, je n’ai pas allumé, je me demandais c’était quoi, mais j’ai compris en circulant sur l’autoroute. J’ai vu la plantation. Je me demande si ça pourrait faire baisser la valeur de nos propriétés. Je me demande aussi à quel point un producteur peut avoir des droits sur des citoyens et comment fonctionne le processus d’attribution des permis de production de cannabis. A-t-on vraiment mesuré l’impact sur les citoyens autour? Est-ce que c’est vraiment l’image que la Ville veut? Une ville qui sent le pot partout!»

À la recherche de solutions

À la suite de nos demandes d’entrevue, l’entreprise Canna-Culture a choisi de réagir par courriel. La cofondatrice Julie Faucher écrit : «Nous entendons la demande des citoyens et nous sommes à l’étude de solutions pour atténuer cette problématique. Il est à noter que nous sommes en milieu agricole et nous avons tous les permis et autorisations municipales, provinciales et fédérales nécessaire pour ce type de culture. Il est important de comprendre que les odeurs sont présentes durant une période de 30 à 45 jours comme tout odeur en milieu agricole comme lorsqu’il y a épandage de fumier». Elle ajoute qu’en quatre ans, elle n’a jamais reçu un appel signifiant cette problématique.

Le quartier de la rue de la Commune est situé essentiellement entre le boulevard Jean-De Brébeuf et la rue Saint-Damase, à Drummondville.

Types d’odeurs

Une plante de cannabis libère de nombreuses molécules à l’origine d’odeurs lorsqu’elle passe d’une jeune plante à une plante mature prête à être récoltée. Selon Santé Canada, les principales molécules responsables des odeurs sont appelées terpènes. Elles peuvent être parfois décrites comme florale, fruitée, terreuse, de mouffette, âcres ou épicée.

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