Hommage au juriste drummondvillois Marcel Nichols

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Par Ghyslain Bergeron
Hommage au juriste drummondvillois Marcel Nichols
Me Raymond Clair et Renée Nichols tenaient à honorer la mémoire du juge Nichols. (Photo : Ghyslain Bergeron)

HOMMAGE. L’honorable juge Marcel Nichols est décédé le 24 septembre 2021, à l’âge de 93 ans. Sa fille Renée et Me Raymond Clair, avocat à la retraite, ont voulu honorer sa mémoire.

Né à Saint-Hyacinthe en 1927, l’avocat Nichols s’établit à Drummondville pour y fonder sa famille. Assermenté comme avocat en juillet 1953, il devient alors membre du Barreau et il intègre le bureau d’avocats de Me Bernard Pinard, alors député de la circonscription de Drummond. Il mène une carrière enviable.

Le juge Marcel Nichols est décédé le 24 septembre 2021.

Il exerce en pratique privée, mais il agit aussi comme procureur de la Couronne en matière pénale et criminelle, de 1953 à 1968.

Il s’est également impliqué dans la société en tant que maire de Drummondville-Ouest de 1962 à 1967. Il est à l’origine de la fusion de cette municipalité avec Drummondville. C’est en son honneur que le ponceau qui enjambe la rivière Saint-Germain, situé sur le boulevard des Pins, a été nommé.

Un jour, il reçoit un appel du ministre fédéral de la Justice qui lui offre d’être nommé juge à la Cour Supérieure. Sa réponse positive l’amène donc à la fonction de juge à la Cour Supérieure à l’âge de 40 ans. Il y siégera de 1968 à 1982, au début à Montréal, puis à Saint-Hyacinthe, Drummondville et dans d’autres villes à l’occasion.

Puis, il accède à la Cour d’appel du Québec où il siégera pendant 13 ans, après quoi, il acceptera des mandats spéciaux comme juge ad hoc et juge adjoint de la Cour Suprême du territoire du Yukon jusqu’en 1995.

À sa retraite, ses qualités de juriste font qu’il est sollicité pour agir comme avocat-conseil et arbitre de différends en matière civile et commerciale.

Il faut rappeler qu’il a présidé ce que plusieurs médias de l’époque qualifiaient de «procès du siècle», soit le procès de Paul Rose qui faisait face à l’accusation d’enlèvement, de séquestration et de meurtre de Pierre Laporte, ministre libéral du Travail et de l’immigration et qui avait été enlevé par le FLQ.

Me Raymond Clair se souvient : «Pendant plusieurs mois, dans un climat de tension où bien d’autres ont perdu tout sens de la mesure, il a présidé habilement ce procès historique en étant confronté à des difficultés qu’aucun autre juge n’avait rencontrées auparavant. Des gardes du corps devaient assurer sa protection. C’était du jamais vu.»

«En octobre 1970, une douzaine de soldats débarque chez nous sans avertissement pour assurer notre protection en vertu de la Loi sur les Mesures de guerre. Nous étions les trois enfants à la maison avec notre gardienne Réjane, car mes parents étant alors au Yukon pour le travail de papa. Ce furent des moments bouleversants», a confié Renée Nichols, sa fille.

Les événements auraient pu tourner au drame, car, selon ce que la famille a pu apprendre à l’époque, le nom du Juge Nichols figurait sur la liste des gens à kidnapper.

La famille a vécu un autre moment traumatisant alors que Me Nichols représentait la Couronne dans l’affaire (Moïse) Darabaner, que l’enquête policière reliait entre autres à des incendies criminels. Mme Nichols avait alors 5 ans, mais elle se souvient très bien des événements. «Six hommes armés nous ont cambriolés. Nous avons été ligotés et mon père a été blessé. Encore là, notre famille a reçu par la suite une protection policière.»

Si Me Clair rend hommage au juge Nichols, c’est qu’il a souvent plaidé devant lui, tant à la Cour Supérieure qu’à la Cour d’appel, et qu’il a été profondément influencé par cet homme qu’il qualifie d’exceptionnel. Il s’exprime en ces termes au sujet du juge et de l’homme qu’il a connu.

Le pont Marcel Nichols, du boulevard des Pins, a été nommé en l’honneur du juge drummondvillois. (Photo : Ghyslain Bergeron)

«Il est des gens que la vie a la générosité de mettre sur notre chemin. Il est des gens qui, sans le savoir, ont une influence sur leur milieu sans l’avoir cherché, simplement parce qu’ils sont de qu’ils sont. Il est des gens qui, grâce à leur talent, leur sagesse, leur façon de faire, provoquent les autres à la recherche de l’excellence afin de voir le monde sous un angle juste, mais jamais par suffisance. Il fut le premier à honorer notre jeune district judiciaire en atteignant les plus hautes fonctions judiciaires au Québec en accédant à la Cour d’appel. C’était le juge Nichols, témoigne Me Clair. Le respect de cet homme envers les avocats et avocates et les témoins mérite d’être souligné. Il lui était naturel de diriger les débats en manifestant son savoir sans que ses propos paraissent suffisants, mais plutôt comme une invitation à la réflexion pouvant conduire à une meilleure solution du problème. Ce juge m’a appris, et je crois qu’il en a été de même pour tous ceux et celles qui ont plaidé devant lui, m’a appris, dis-je, que le système judiciaire est là pour nous et non l’inverse. Il m’a ouvert les yeux, par ses réflexions et ses jugements, sur un principe simple que nous avons parfois tendance à oublier lorsque nos esprits s’échauffent : le droit doit nous aider à trouver des solutions aux difficultés de vivre en société, et non pas être utilisé de manière à empêcher les solutions des conflits ou encore pire, à en créer d’autres.

Le juge Nichols était d’une politesse jamais défaillante, ouvert aux nouveaux mécanismes, curieux d’explorer les chemins non traditionnels, à la recherche de la justice. Ce fut toujours un plaisir de travailler devant et avec lui. Car c’était ainsi que je le sentais percevoir sa responsabilité : gardien du droit, mais humaniste inconditionnel, son travail consistant à rendre service à ses semblables.»

Sa fille Renée se souvient du soin qu’il prenait à s’aérer l’esprit après ses longues journées de travail. Lors du procès de Paul Rose, elle le revoit partir pour de longues randonnées en raquettes le soir à son retour à la maison. «Mon père adorait la nature, et je vous assure que les gardes du corps avaient de la difficulté à le suivre. La forêt lui apportait la sérénité. Il aimait la chasse et la pêche. Mon père était un homme jovial, et il prenait plaisir à nous raconter les innombrables aventures de chasse et de pêche, et cela dans les moindres détails. Et certaines blagues qu’il avait apprises dès son jeune âge, et des tours parfois pendables joués à certains de ses amis. C’est ainsi qu’il nous a transmis, aux enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants cet amour de la nature.»

Renée Nichols tenait à rapporter cette anecdote véridique. Alors que son père entendait une cause pour excès de vitesse, l’accusé décida de rédiger un plaidoyer de culpabilité quelque peu inhabituel composé de huit strophes :

«Soit! Je plaide coupable

À Elisabeth Deux

Par la grâce du diable

Ou la grâce de Dieu…

D’un moment sérieux

Si j’en reste capable

Oui! Je plaide coupable

À Elisabeth Deux

(Signé) Gilles Vigneault

«Or, mon père vouait une grande admiration à ce poète extraordinaire qu’il avait eu le plaisir de rencontrer un jour alors qu’ils étaient à bord du même bateau qui menait à Natashquan.»

Manifestement, le juge Nichols fut un phare juridique pour Me Clair pendant sa carrière d’avocat, et il fut un père dont les qualités justifient l’admiration aimante de Mme Nichols.

Le Juge Nichols a rédigé en 2015 ses mémoires, Les empreintes du temps, publiée aux éditions Belle Feuille.

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