MAGAZINE. Corder son bois de chauffage, réaliser des travaux de terrassement, sabler son plafond… de son fauteuil roulant. Rien n’est à l’épreuve de Daniel Mailhot, paraplégique en raison de la poliomyélite.
Daniel Mailhot avait 37 ans lorsqu’il a contracté la maladie causée par le poliovirus, un virus qui s’attaque au système nerveux. Mais l’homme aujourd’hui âgé de 63 ans n’est pas du genre à voir le verre à moitié vide.
«J’ai seulement les jambes paralysées. Il y en a des pires que moi. Et j’ai de bons bras, je suis capable de faire beaucoup d’affaires. Je n’ai jamais voulu être un fardeau. Je me suis continuellement lancé des défis. Je regardais mes limites. Ce que j’étais capable de faire, je le faisais», dit-il.
Dans sa maison, où il vit avec sa conjointe, Daniel Mailhot veille aux tâches quotidiennes, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Il lave le plancher, racle la cour, jardine, effectue les changements d’huile sur son véhicule. Étant émondeur dans son ancienne vie, il a même abattu un arbre sur son terrain. Il a installé seul sa clôture et placé une vingtaine de dalles de béton à l’extérieur pour y circuler.
«De mon tripoteur, j’ai sorti une à une les dalles de béton de mon véhicule pour les mettre sur mes genoux et les transporter. Je les ai déposées au sol, puis j’ai débarqué de mon triporteur pour les placer, avec mes sacs de poussière de roche, mon niveau et ma pelle. Ce n’est pas parce que tu es en fauteuil roulant que tu ne peux rien faire», commente-t-il.
Et lorsqu’il y a un obstacle, il use de créativité. «J’ai acheté un tracteur à pelouse et je l’ai adapté à l’aide d’un manche de pelle. J’ai patenté quelque chose et ça fonctionne. Il y a toujours une solution à un problème, lance-t-il. D’ailleurs, je réfléchis encore à un moyen pour aller sur ma toiture et changer les lumières au plafond!»
Acteur du changement
Au-delà de ses accomplissements personnels, Daniel Mailhot milite depuis plusieurs années pour les personnes handicapées. Depuis 22 ans, plus précisément, à titre de directeur de l’Association des personnes handicapées de Drummond (APHD).
«Quelque temps après avoir terminé ma réadaptation, j’étais prêt à retourner sur le marché du travail. À ce moment-là, l’Office des personnes handicapées et le Centre local d’emploi ont fait un partenariat. J’ai suivi un cours intensif en bureautique pendant un an. Je connaissais l’APHD parce qu’une personne était venue chez moi me présenter des activités de loisirs. De fil en aiguille, je suis devenu membre, puis j’ai rejoint le conseil d’administration. Dans le cadre de mon attestation, je devais faire un stage. Je l’ai fait à l’APHD que je connaissais et j’ai ensuite été engagé comme secrétaire pendant un peu plus d’un an», raconte-t-il.
Lorsque la directrice de l’organisme de l’époque a quitté, Daniel Mailhot a accepté le poste laissé vacant. À la tête de l’organisme qui regroupe aujourd’hui quelque 180 personnes sur le territoire de la MRC de Drummond, il savoure plusieurs petites victoires.
«En 1989, l’APHD avait travaillé sur une politique d’accessibilité universelle avec la Ville de Drummondville, mais c’était tombé à l’eau. Avec des jeunes qui avaient rejoint le conseil d’administration, on a présenté une nouvelle politique d’accessibilité universelle à la Ville en 2008, qu’elle a acceptée et prise sous son règne», souligne-t-il, à titre d’exemple. Par cette politique, Drummondville s’est engagée à réduire les obstacles et à rendre accessibles les équipements, les parcs, les bâtisses, les infrastructures et les services municipaux sur son territoire.
Pour sensibiliser à la réalité que vivent certaines personnes handicapées, Daniel Mailhot a invité différentes personnes à troquer leurs espadrilles pour un fauteuil roulant au cours des dernières années. Citoyens, élus municipaux, futurs policiers et enfants ont accepté son invitation à travers différentes activités. «L’objectif est de faire connaître ce qu’est un fauteuil roulant et de leur faire essayer. Après, quand ils en voient un, ils se disent qu’ils ont eu du plaisir au lieu de se demander c’est quoi cette bibitte-là. Ça apporte un autre regard», remarque-t-il.
Malgré les avancements observés dans les dernières décennies, le combat est loin d’être gagné pour les personnes vivant avec un handicap, notamment en ce qui concerne l’amélioration du service de transport adapté et de l’accessibilité des édifices commerciaux et publics sur le territoire. «Il va toujours rester du travail à faire. C’est toujours à répéter. C’est pour ça que j’aime sensibiliser les jeunes. Ils vont grandir en ayant ça en tête», soutient-il.
À travers ses différentes implications, sa plus grande réalisation est, à ses yeux, d’avoir fondé le Club de basketball en fauteuil roulant du Centre-du-Québec. «Quand je vois des enfants handicapés qui s’émerveillent là-dedans, c’est une fierté», témoigne-t-il, ajoutant que l’équipe des Vikings est aussi constituée de personnes n’ayant pas de handicap.
Aujourd’hui, l’œil pétillant, Daniel Mailhot est tout sauf un homme qui s’apitoie sur son sort. Avec son fauteuil, il ne fait qu’un. C’est ce qui le porte, depuis nombre d’années, par une cause plus grande que lui.
À propos de l’Association des personnes handicapées de Drummondville
L’APHD a comme mission de favoriser l’intégration sociale des personnes handicapées adultes de la MRC de Drummond et de leur assurer une meilleure qualité de vie. En plus de faire la promotion des droits des personnes handicapées, l’organisme offre divers services, comme des rencontres individuelles ou en groupe, de l’accompagnement et des formations. Des activités récréatives, associatives et de sensibilisation sont aussi proposées aux membres.
Daniel Mailhot occupe la direction de l’APHD depuis près de 22 ans. Il est aussi président de l’Association régionale de loisir pour personnes handicapées du Centre-du-Québec et est impliqué au sein de différents regroupements qui touchent entre autres le transport adapté et la défense des droits des personnes handicapées.
