Vendre à l’international comporte des défis surprenants

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Par Jean-Pierre Boisvert
Vendre à l’international comporte des défis surprenants
Louis-Philippe Lussier, directeur du développement international chez Soprema. (Photo : Jean-Pierre Boisvert)

Vendre à l’international n’est pas une simple affaire de marketing. Cela exige du doigté, de la souplesse et du respect pour les cultures étrangères où l’on souhaite solliciter une nouvelle clientèle. Les défis sont surprenants.

Un directeur du développement international, comme l’est Louis-Philippe Lussier chez Soprema, doit non seulement connaître les produits de son entreprise, en l’occurrence ici des produits d’étanchéité, mais il lui faut savoir comment aborder et discuter avec ceux et celles que les affaires pourraient rapprocher.

«Dans les rencontres que l’on organise avec des gens d’affaires dans différents pays, dit-il, on perçoit autant de différences dans les formalismes. Chacun a ses particularités. En Amérique latine, les relations d’affaires sont plus chaleureuses alors qu’au Moyen-Orient elles sont plus formelles. En Asie, l’aspect linguistique demandera de porter attention davantage à l’interprétation et ses subtilités. Le respect des hiérarchies et des titres est de mise en tout temps», fait remarquer Louis-Philippe Lussier, un Drummondvillois qui est revenu au bercail après un début de carrière chez Deloitte dont les fonctions l’ont amené à séjourner durant plusieurs années à New York et à Madrid.

Chez Soprema, où il est arrivé il y a trois ans, sa tâche est à la hauteur des responsabilités de l’entreprise qui, bien qu’étant une filiale de la société française basée à Strasbourg, a trois régions sous sa gouverne : l’Asie-Pacifique, le Moyen-Orient et l’Amérique latine. Ce fait est assez inusité dans les organigrammes de l’économie.

Aéroport de Chengu, en Chine : des fondations à perte de vue!

«Mon rôle est de superviser ces trois régions, ce qui n’est pas une mince tâche si l’on considère qu’elles sont en croissance continuelle et qu’elles ne cesseront pas de l’être avant de nombreuses années. Les marchés traditionnels, telles l’Europe et l’Amérique du Nord, sont saturés tandis que les grands projets d’infrastructures abondent dans les marchés émergents comme la Chine, le Brésil, le Mexique, l’Inde et l’Indonésie. L’économie mondiale se transforme, en particulier l’Asie et l’Amérique latine qui prendront des places prépondérantes. Pour donner un exemple, l’Asie, qui revendiquait le tiers du PIB mondial en 2000, en retiendra la moitié en 2040. En Chine, il y a plus de 230 projets d’aéroports prévus entre 2016 et 2025. Nous participons à au moins un projet par année et en avons fait trois récemment. Voilà pourquoi nous ciblons ces marchés et chaque année nous ajoutons de nouveaux pays», de faire valoir M. Lussier.

Les équipes dites locales, qui sont mises sur pied dans des villes comme Dubaï, Abou Dabi, Sao Paulo et tout récemment Mexico, bien que supervisées depuis Drummondville, doivent apprendre les particularités de leurs nouveaux marchés.

Contact privilégié avec les architectes

Musée Soumaya, ville de Mexico. Complexité de l’étanchéité vu la forme originale du bâtiment.

«Il faut déterminer quels produits vendre dans telle ou telle région. Ça va selon le climat, selon l’infrastructure envisagée et selon les normes en vigueur, qui diffèrent d’un pays à l’autre. À Dubaï, qui est une ville construite sur l’eau, en dessous du niveau de la mer, nos produits de vente ne concernent que les fondations et il a fallu innover pour tenir compte, entre autres, des pressions hydrostatiques. Dans les pays émergents, où les cultures de prix ne sont pas les mêmes, on cherche souvent à payer le moins cher possible sans se soucier de la qualité du produit. C’est à nous de faire comprendre que, dans la construction d’un toit par exemple, il est préférable d’investir un peu plus pour avoir un produit qui durera beaucoup plus longtemps au lieu d’avoir à faire des réparations à de multiples reprises. Pour bien faire comprendre notre argument, nous développons un contact privilégié avec les architectes qui, eux, sont en mesure d’exiger un produit de qualité supérieure et d’influencer l’investisseur. Une autre stratégie consiste à convaincre les gens de hausser les normes. C’est le cas en Chine où Soprema siège à l’institut de normalisation des normes. Pour nous c’est une question de crédibilité. Dans notre domaine, ça peut prendre cinq, dix ou même vingt ans pour constater que le travail a été bien fait. Pour être sûrs d’arriver à cette conclusion, nous tenons à appliquer un produit haut de gamme», précise-t-il.

Pour monter une équipe dite locale à l’étranger, la confiance est un atout. «Dans certains marchés, des Québécois sont mandatés pour intégrer ces équipes, mais il faut aussi embaucher des gens locaux. Par exemple, en Chine, il était important pour nous d’établir un pont culturel. La culture de Soprema ne doit pas être noyée dans celle du pays hôte, ni le contraire. À 6000 kilomètres de distance, on a beau superviser, avoir les meilleurs produits et la meilleure stratégie, mais si tu n’as pas d’excellents employés locaux, intègres et engagés, tu es condamné à l’échec. Le succès est toujours lié à la présence des bonnes personnes», donne à entendre Louis-Philippe Lussier.

Royal Atlantis Resort, Dubaï, Émirats arabes unis : 250 000 mètres carrés de produits pour fondations.
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