L’arrivée des Abénakis à la rivière Saint-François

Kévin Lampron-Drolet, collaboration spéciale
L’arrivée des Abénakis à la rivière Saint-François
Carte «Routes de migrations» réalisée par Luc Normandin, sans date. Outre le fleuve Saint-Laurent au nord, le territoire w8banaki (Ndakina) se limite à l’ouest au Lac Champlain et la rivière Richelieu, soit la frontière naturelle délimitant les terres mohawks. À l’est, le territoire s’étend au-delà de la Penobscot avant de rejoindre le territoire des communautés malécites. Puis finalement, au sud, la limite s’arrête environ à la hauteur de la ville actuelle de Boston, là où le territoire des Mahicans et des Pequots débute. (Photo : Source : Musée des Abénakis)

SOCIÉTÉ D’HISTOIRE DRUMMOND. La découverte de nombreuses sépultures anonymes d’enfants autochtones en juin dernier à Kamloops, suivi de milliers d’autres à travers le pays, nous pousse à vouloir nous sensibiliser davantage aux réalités des communautés locales.

Kévin Lampron-Drolet, collaboration spéciale

Nous croyons que cela passe par la compréhension et l’éducation. Dans l’intention de cultiver le respect, l’intérêt et la curiosité pour l’histoire autochtone, il nous semble pertinent de partager cet humble survol de l’histoire des W8banakiak, mieux connu sous le nom des Abénakis, afin de retracer le prélude de leur arrivée et de leur installation dans la région.

Dans la première moitié du XVIIe siècle, le territoire ancestral w8banaki, appelé Ndakina, fut largement réparti à travers la côte est de la Nouvelle-Angleterre ; principalement aux abords des rivières Androscoggin, Kennebec, Penobscot, Merrimack et Connecticut. Recouvrant une vaste terre, le peuple abénakis est composé de plusieurs communautés, notamment les Sokokis, les Norrigwocks et les Androscoggins. La vie se régule alors au rythme des saisons, profitant de la côte atlantique pendant l’été, et remontant au nord jusqu’à la rivière Saint-François pour la chasse durant l’hiver.

Œuvre illustrant le Fort Odanak vu de la rivière Saint-François, par l’artiste José Morin, sans date. (Source : Musée des Abénakis)

Les raisons poussant les Abénakis à abandonner progressivement ce vaste domaine sont plutôt complexes, mais peuvent sommairement se résumer aux guerres anglo-wabanakis (1675-1763), dont la plus importante est la guerre du roi Phillippe (1675-1678) qui fait rage autour de la colonie du Massachusetts et du Maine. Le roi Philippe est le nom donné par les Anglais au chef de la communauté wampanoag qui se trouve tout juste au sud du territoire des Abénakis, qui sont alors leurs alliés dans cette lutte. D’abord en leur faveur en 1675, le vent de la guerre tourne l’année suivante au profit des Anglais, forçant plusieurs communautés autochtones à migrer. La relation sympathisante entre Français et Abénakis depuis le pacte d’alliance franco-abénakis du milieu du XVIIe siècle oriente la migration des communautés vers la Nouvelle-France, notamment vers les missions de Sillery, Chaudière, puis Odanak. Tous ne vont pas dans ces missions cependant.

La rivière Saint-François est alors bien familière pour les Sokokis puisqu’ils y chassent l’hiver depuis plusieurs décennies déjà lorsque certains s’y installent vers 1663. Ce cours d’eau est alors connu sous le nom de «Alsig8ntegkw», signifiant «rivière où il n’y avait personne». La rivière Saint-Germain (autrefois rivière Noire) est désignée sous l’appellation «Nasgantegwantekw», où «Nasgantegwan» signifie noir en langue w8banakis, langage qui s’appelle en fait «aln8ba8dwaw8gan». Les chutes Hemmings quant à elles, sont désignées par le terme «Wigwahigansek», énonçant l’«endroit où l’on trouve la grosse écorce de bouleau».

Aquarelle illustrant des Abénakis, réalisée par artiste inconnu, Montréal, entre 1750 et 1780. (Source : Archives Ville de Montréal ; BM7, S2, SS1)

De plus, certaines sources indiquent qu’il y aurait eu la présence d’un village abénakis, nommé Makwapska, sur la rive ouest de la Saint-François, et ce, bien avant la fondation de la colonie de Frederick George Heriot. Nous ne savons ce qu’il est advenu de ce village, ou s’il a réellement existé, bien que quelques familles abénakises soient toujours présente dans les environs en 1805, dans le township de Durham. Ces derniers se voient attribuer un total de 8 900 acres de terrain à condition de ne jamais les aliéner de quelconque façon. Cette restriction ne fera pas long feu. Déjà en 1829, alors que les vétérans de la guerre de 1812 s’établissent pour fonder la colonie de la rivière Saint-François, dont le chef-lieu est Drummondville, une pétition circule afin de permettre l’achat de ces lots de terre que les Abénakis possèdent, mais avaient pour la plupart cédés en location pour une période de 20 à 99 ans. Le recensement de 1840 nous laisse tout de même savoir que cinq ou six familles abénakises y vivent encore à ce moment. Ce nombre continue cependant de diminuer au fil des années.

Cet extrait n’est hélas qu’un très bref résumé de l’histoire w8banaki qui reste encore à découvrir. C’est pourquoi il est essentiel d’encourager la recherche pour et par les Abénakis quant à leur histoire et leur culture. Une première initiative archéologique en 2011, visant à retrouver le Fort Odanak, a pu être menée à terme avec la participation des jeunes de la communauté abénakise, donnant lieu à une exposition virtuelle sur le site du Musée des Abénakis. Ce n’est donc que le début puisque plusieurs autres sites de fouilles d’un grand potentiel ont été relevés le long de la rivière Saint-François, par exemple, à la Pointe Allard (L’Avenir), où nombre d’artéfacts furent retrouvés.

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