Récital de têtes de violon

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Par Lise Tremblay
Récital de têtes de violon
Les têtes de violon se retrouvent en abondance dans la forêt dès la mi-mai. (Photo : Depositphoto)

MAGAZINE. Elles sont d’un vert vivifiant et enroulées comme si elles étaient presque timides. Se frayant un chemin jusqu’à nos assiettes, les têtes de violon qu’on appelle aussi crosses de fougère s’avèrent encore aujourd’hui un légume méconnu du grand public alors qu’elles abondent dans la forêt.

Dans la région de Drummondville, on peut évidemment trouver des têtes de violon au supermarché ou au marché public, mais aussi dans la nature, notamment dans la Forêt Drummond, près de la rivière, des ruisseaux et des milieux humides. Non seulement seront-elles plus fraîches, mais elles seront synonymes d’un agréable moment passé dans la forêt, un «récital» durant lequel oiseaux, arbres et vent s’échangeront la note.

La Drummondvilloise Sara Boutin, 35 ans, connaît tous les secrets des têtes de violon. Elle en cueille chaque printemps, depuis plus de vingt ans. Jeune, elle accompagnait les membres de sa famille qui étaient considérés comme étant les plus importants cueilleurs au Québec. «On en ramassait du lever du soleil jusqu’au coucher. Physiquement, c’était très difficile, mais c’était un revenu. Nous en cueillions deux tonnes en saison, soit en deux semaines, dans la région de l’Estrie», raconte celle qui travaille aujourd’hui dans les services financiers et dans l’événementiel.

Afin de partager ses connaissances, elle a créé une page Facebook intitulée simplement «Têtes de violon» à partir de laquelle elle partage son savoir-faire et offre aux gens un service de cueillette, pour le plaisir.

De façon générale, les têtes de violon se trouvent en abondance vers la mi-mai, et ce, jusqu’au début de juin. On déniche ces beautés de la nature près des arbres morts, parfois dans le sable et très souvent dans l’environnement des orties, ces plantes feuillues urticantes qu’il faut éviter de toucher.

«Puisque les têtes de violon poussent souvent là où on retrouve aussi des orties, il faut porter des gants lors de la cueillette. On en voit un peu partout dans le bois, à condition qu’il y ait de l’eau tout près et de l’ombre», précise Sara Boutin.

Avant de les récolter, il importe de bien observer les plants, car ils ne sont pas tous comestibles.

«Les têtes de violon nécessitent une certaine prudence. C’est important de les cueillir au bon moment. Il faut s’assurer que le médaillon (la partie roulée) soit au moins de la taille d’une pièce de 2 $. Quant à la tige qui s’apparente à celle du céleri à cause de son creux, elle doit être assez grosse, un peu comme un crayon à mine ou un marqueur. Plus petit que ça, le plant est beaucoup trop jeune pour la cueillette», détaille la spécialiste.

Les plants noircis, qui présentent des taches de gel (de couleur vert foncé) ou qui sont recouverts d’un duvet blanc doivent impérativement demeurer au sol. Ils ne sont pas comestibles. «Aussi, il ne faut jamais prendre des têtes de violon qui ont commencé à se dérouler, même un peu. Elles deviennent alors toxiques», ajoute Mme Boutin, en précisant néanmoins qu’elles ne le sont pas au point de menacer la vie. Si on a fait des erreurs en les récoltant ou en les triant, des crampes abdominales et des nausées s’ajouteront au menu, les heures suivant la consommation.

Une fois qu’on a identifié des têtes de violon parfaites dans la forêt, on les récolte à la main en les mettant dans un sac de jute, un seau en plastique ou un petit panier.

«C’est vraiment agréable d’en cueillir en solo, pour sa consommation personnelle. C’est apaisant. C’est une connexion avec soi-même et un renouveau, car cette période marque la fin de l’hiver. Personnellement, ça me rappelle de beaux souvenirs. Peu d’équipement est nécessaire. Ça ne prend que des gants et des bottes. Et l’avantage d’en cueillir soi-même, c’est que ça ne coûte rien et que c’est très délicieux», exprime la passionnée de la nature.

Ayant un goût qui s’apparente un peu à l’asperge et à l’épinard, mais avec des notes boisées, les têtes de violon renferment des propriétés nutritionnelles étonnantes. Qualifiées de «superaliments», elles contiennent deux fois plus de composés antioxydants que les bleuets. En bonus, ces beautés vertes renferment aussi des protéines, des oméga-3 et constituent une excellente source de manganèse, de cuivre sans oublier les vitamines A et C.

Mais avant de penser à les ajouter dans son assiette, il faut prévoir une étape importante, celle du triage et du lavage.

«Pour laver un kilogramme à la main, soit environ 280 têtes de violon, ça me prend une heure environ. Quand j’arrive chez moi, je transvide ma récolte dans des contenants avec un peu d’eau. Ensuite, je mets les têtes de violon dans une passoire et je les lave à pression. Il faut enlever les petites écailles, couper le bout des tiges qui ont séché et enlever les têtes de violon qui ont noirci ou dont le médaillon a commencé à ouvrir. Comme pour n’importe quel légume, on doit les vérifier avant de les faire cuire», explique Sara Boutin.

Une fois cette étape complétée, il est nécessaire de faire blanchir ses légumes, c’est-à-dire de les faire bouillir 2 à 3 minutes puisqu’il ne faut jamais les manger crus. «L’eau va devenir brune. C’est normal, car tous les éléments de la terre vont ressortir. Il faut simplement bien rincer les légumes puis les mettre au frigo dans un bol d’eau froide fermée. Ils se congèleront très bien aussi».

À partir de là, les têtes de violon pourront être apprêtées de mille et une façons. Elles pourront être sautées, grillées, bouillies ou cuites à la vapeur. Elles s’additionneront aussi très bien à une salade ou à un potage. Bref, la seule limite sera celle de votre imagination!

Pour en savoir davantage, il suffit de joindre le groupe Facebook intitulé «Têtes de violon».

 

Fettucine aux têtes de violon au bocconcini

Ingrédients

  • 1 c. à soupe de beurre
  • 60 g de pancetta en dés
  • 2 c. à soupe d’oignon émincé
  • 1 c. à soupe de sauge fraîche hachée
  • 1 c. à soupe de jus de citron frais
  • 1 c. à soupe de bouillon de poulet
  • 1 c. à soupe d’huile d’olive extra vierge
  • 6 tranches de fromage Bocconcini canadien
  • Une poignée de têtes de violon fraîches cuites
  • 2 portions de pâtes de type fettucine fraîches cuites de 2 à 3 minutes (ou séchées, cuites al dente)

Faire revenir la pancetta et l’oignon dans le beurre. Ajouter la sauge, le jus de citron, le bouillon de poulet et l’huile d’olive puis faire réduire jusqu’à ce que la sauce ait légèrement épaissi.

Ajouter les têtes de violon et les faire chauffer. Ajouter les pâtes et les enrober de sauce. Incorporer le fromage Bocconcini canadien à la dernière minute avant de servir.

Préparation et cuisson des têtes de violon : immerger les têtes de violon dans un contenant d’eau froide et laver en faisant tourner. Égoutter et recommencer à quelques reprises. Amener une casserole d’eau à forte ébullition, y plonger les têtes de violon et les faire mijoter pendant 10 minutes. Bien égoutter et réserver. (Source : Recette reproduite avec l’autorisation des Producteurs laitiers du Canada) 

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