Des jumelages qui font toute la différence

Claude-Hélène Desrosiers
Des jumelages qui font toute la différence
Suzanne Bonenfant et Francine Paradis. (Photo : Ghyslain Bergeron)

BÉNÉVOLAT. Parmi la panoplie de services offerts par le Centre d’action bénévole (CAB) Drummond, des visites d’amitié permettent de briser la solitude chez les aînés. Un jumelage est fait avec un bénévole qui accepte de s’engager à visiter la personne une heure par semaine. L’Express a rencontré deux dames ainsi que leur bénévole attitrée.

Francine et Suzanne

Elles sont jumelées depuis 8 ans, depuis qu’un infarctus a terrassé Francine Paradis. Toutes les semaines, c’est le même programme. Suzanne Bonenfant part à la marche chercher Mme Paradis chez elle. Elles vont au rythme de cette dernière, aidée d’un déambulateur, puis vont boire un café au Tim Hortons. Parfois, au retour, elles arrêtent au magasin faire quelques courses.

Suzanne Bonenfant et Francine Paradis. (Photo : Ghyslain Bergeron)

C’est évident : Francine Paradis, 75 ans, a une relation privilégiée avec Suzanne Bonenfant, qui n’a que quelques années de moins qu’elle. Elle n’a que de bons mots : «Elle est patiente, elle a une bonne écoute, elle est souriante…» Et la liste s’allonge.

Mme Bonenfant, forte d’une expérience de 40 ans en bénévolat, affirme que c’est la première fois qu’elle peut dire qu’elle a développé une réelle amitié dans le cadre d’un jumelage. Les deux sorteuses s’entendent bien. «Francine voulait quelqu’un pour sortir. C’est merveilleux, parce que moi j’adore être dehors», laisse-t-elle tomber.

À la suite d’un infarctus, la fille de Mme Paradis contacte le CAB, parce qu’elle se sent seule. Son entourage prend soin d’elle, mais elle a besoin de plus de contacts sociaux pour garder le moral.

«Après mon infarctus, j’ai perdu mon sens de l’équilibre. Je ne marchais plus. Je n’osais pas, j’étais insécure. Je me suis dit que je n’avais pas le choix de le faire. Si je ne marche pas, je ne pourrai pas garder ma maison». Elle tient à rester dans ses affaires.

Et qu’est-ce que ça apporte, un jumelage comme celui-là? «L’amitié! Déjà, l’amitié, c’est pas mal!», s’exclame-t-elle. «Si elle n’était pas là, je m’ennuierais».

Aux personnes qui voudraient tenter l’expérience du bénévolat, Suzanne Bonenfant leur dit : «laissez parler votre cœur».

Flore et Juana

Juana Elustondo et Flore Desmarais. (Photo : Claude-Hélène Desrosiers)

Madame Desmarais porte le joli prénom de Flore et ne fait surtout pas ses 97 ans (et demi, dit-elle). Vive d’esprit et indépendante, elle cuisine plats et desserts et fait son ménage.

Jusqu’en avril dernier, elle conduisait encore sa voiture. Avec des rendez-vous médicaux et les enfants installés à l’extérieur, c’était plus compliqué. Ses enfants l’incitent alors à trouver des ressources d’aide, voire à envisager un déménagement dans une résidence pour personnes âgées. Elle y pense, puis s’imagine mal quitter son logis. «Je vais rester chez moi tant que je vais pouvoir», dit-elle posément.

Cependant, au quotidien, elle est isolée. «Cette semaine, j’ai retrouvé un petit carnet dans mes tiroirs. Je regardais ça et tous les gens du carnet étaient morts. Tous décédés», répète-t-elle.

La bénévole qui lui rend visite depuis cet été s’appelle Juana Elustondo. À sa première visite, elles s’installent dans la balançoire et parlent pendant trois heures. «Il fallait faire connaissance!», s’exclame Mme Elustondo. Ensemble, elles parlent de tout.

Juana Elustondo est agronome de formation. Flore Desmarais est une ancienne enseignante qui a passé une grande partie de sa vie adulte à Montréal. «Je suis revenue dans le coin parce que je viens de Saint-Pie-de-Guire et que mon mari vient de Saint-Cyrille. J’avais de la parenté dans la région», explique-t-elle.

Comme elle est en forme, le duo joue aux cartes, au Scrabble; il leur arrive aussi de faire une sortie. Quand il lui prend une envie de ketchup aux tomates rouges fait maison à la fin de l’été, Mme Elustondo l’aide à en faire. Le duo apprend l’une de l’autre. «Ces rencontres, c’était pour meubler la solitude. C’est un plus dans ma vie.» Elle affirme que le plus dur quand on avance en âge c’est de devoir demander, d’être obligée d’attendre après les autres. «C’est l’apogée de la vieillesse. Tu as beau te faire dire par ton médecin que tu n’es pas malade, mais ton corps ne suit pas le reste. Tu es obligée d’abandonner bien des activités. Ce sont des deuils à faire l’un après l’autre».

Mme Desmarais reçoit aussi un appel automatisé du CAB chaque matin. Elle a l’option d’indiquer qu’elle va bien, ou de raccrocher. Dans ce cas, de l’aide est envoyée.

Juana Elustondo, jeune retraitée, apprécie la personnalité de Mme Desmarais, qu’elle trouve allumée. Celle qui était enfant unique a souvent été entourée de personnes âgées durant sa vie; elle a une certaine facilité à entrer en contact avec elles.

Ça tombait bien, car Flore Desmarais était un peu isolée. «Je ne connais même pas mes voisins. Les gens ne se parlent pas beaucoup. Les relations humaines en ont perdu, je pense». N’étant pas restée dans la région durant longtemps, elle se sent à part dans les regroupements où les personnes se connaissent depuis longtemps. Elle déplore aussi les clans qu’elle retrouve dans tous les groupes, qui isolent encore plus une personne seule.

«L’aide que je reçois du CAB est un grand réconfort. Il faut que je laisse mes enfants vivre leur vie. Il ne faut pas que je sois comme une enfant gâtée», dit-elle.

Juana Elustondo, de son côté, a l’impression d’apprendre. «Ça nous aide à nous préparer nous aussi à un âge plus mature. Ce sont de beaux exemples de vie pour tout le monde. C’est quand même très valorisant», termine-t-elle.

Le Centre d’action bénévole Drummond

Présent dans la MRC de Drummond depuis 1979, le centre contribue au bien-être et à la sécurité des personnes aînées recevant ses services tout en apportant du soutien aux personnes proches aidantes. Les adultes et les enfants requérant ses services sont également accompagnées.

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