Briller, presque malgré soi

Photo de Claude-Hélène Desrosiers
Par Claude-Hélène Desrosiers
Briller, presque malgré soi
Lucille Grenier Béland. (Photo : Ghyslain Bergeron)

MAGAZINE. Lucille Grenier Béland est une artiste-peintre drummondvilloise à la carrière prolifique, malgré une grande timidité. Poussée par son mari, elle a su être une véritable exploratrice de l’art, au gré de ses intérêts.

On ne pourrait jamais lui donner les 86 ans qu’elle ne fait pas du tout. Celle qui a été affectée rudement par la Covid-19 le mois dernier n’a pour l’instant pas l’énergie pour peindre, mais ce n’est pas faute d’idées. Un projet en cours l’attend.

Lucille Grenier Béland a créé près de 800 toiles depuis ses débuts en autodidacte, vers l’âge de 37 ans. Au départ, elle peignait pour décorer les murs de sa maison. Rapidement, elle s’est mise à vendre.

Déjà, enfant, elle avait du talent. «J’ai dessiné beaucoup dans ma jeunesse. À l’école, c’était la seule chose dans laquelle j’étais bonne. La maîtresse de la 6e année m’avait envoyé en 9e année montrer un de mes dessins», se souvient-elle. Les religieuses recommandent qu’elle parte étudier les beaux-arts à Montréal, mais la famille n’en a pas les moyens.

Son père travaillait à la Eagle Pencil Company de Drummondville. On y fabriquait des crayons. «Naturellement, il en amenait à la maison. J’ai toujours eu beaucoup de couleurs». Un jour, il rapporte de la peinture de la manufacture. La jeune Lucille peint sur toute sorte de matériaux : carrés de carton servant à faire des plafonds suspendus, planches de bois…

Vers 18 ans, elle demande la permission de faire une murale au sous-sol de la maison familiale. On pouvait y voir un puma sur une branche attendre un cowboy. «Papa trouvait que je n’allais pas assez vite; il avait peint les jeans du cowboy», se remémore-t-elle en riant.

Elle rencontre ensuite celui qui devient son mari, militaire de profession. «Il a eu un transfert en Europe dès le début de notre mariage. Nos enfants, des jumelles, avaient 9 mois. On a fait un gros 6 ans là-bas. On est allés en France, puis en Allemagne». C’est là qu’elle a un grand coup de cœur. «Là-bas, on vivait sur la base militaire américaine. Quand on entrait là, il y avait des artistes qui s’étaient installés sur le bord du chemin avec leurs chevalets. J’ai aperçu une toile que j’aurais aimé avoir. J’ai demandé à mon mari pour l’avoir, mais fraîchement mariés, on n’avait pas de moyens», raconte-t-elle.

L’image reste imprimée dans son esprit. Un jour, elle tombe sur celle-ci dans un catalogue Eaton, en petit format. Lucille Grenier Béland entreprend de la reproduire. «J’en ai braillé un coup! Je suis venue à bout de passer à travers». C’était là sa toute première toile.

Autre mandat, cette fois en Belgique, où ils habiteront trois ans. La peintre se met à l’œuvre pour de bon. Elle expose à l’OTAN. Elle y vendra 133 toiles. «Ça a été une très belle expérience. On a demandé une année d’extension, mon mari a même refusé une promotion pour pouvoir continuer, mais ils n’ont pas voulu».

Une oeuvre de Lucille Béland. (Photo : Ghyslain Bergeron)

Une peintre timide

Lucille Grenier Béland a toujours été gênée. «Si ça n’avait pas été de mon mari, je ne serais jamais sortie de la maison. C’est lui qui a commencé à montrer mes toiles à son travail, un peu partout. Il m’en a vendues! Il partait au boulot, il revenait les mains vides. C’est comme ça que ça a débuté. J’ai fait ma toute première exposition dans la caisse populaire de la base militaire de Saint-Hubert, puis dans un presbytère.».

Puis, son mari l’encourage à faire des symposiums. «Mon Dieu! Tu aurais dû me voir, la première fois, j’aurais aimé mieux être 6 pieds sous terre! Ç’a toujours été lui qui me poussait, tout le temps, pour sortir de mon cocon, pour montrer mes affaires». Se mettre sous les feux des projecteurs n’est visiblement pas sa tasse de thé. Une année, au symposium, sa belle-mère invitait les passants à venir voir les toiles. Mme Grenier Béland, mortifiée, s’est levée et est partie.

Explorer

L’artiste a fait beaucoup de choses différentes dans sa pratique artistique. Animaux, portraits, paysages… «Tout ce qui me plaît à l’œil, j’aime le mettre en peinture», explique-t-elle.

Attachée à ses tableaux, il lui a été difficile de se départir de certains, comme son œuvre préférée, une nature morte. C’est un collectionneur qui la voulait vraiment qui l’a achetée à coup de plusieurs chèques postdatés.

Ses toiles lui donnent parfois du fil à retordre, comme celle qui orne maintenant sa chambre à coucher. Elle est restée trois ans sous son lit. C’est lors d’une visite dans un musée qu’elle aperçoit cette scène qui lui plait tellement qu’elle décide de la reproduire. Il lui aura fallu beaucoup de temps et d’efforts pour la terminer. «Je n’arrivais pas à mettre le doré du blé au soleil. Une fois de temps en temps je la ressortais, je me réessayais».

Pendant quelques années, elle a pu s’installer au Village québécois d’antan pour y peindre et y exposer. «Il y a des sujets à peindre comme ce n’est pas possible là-bas! Ça a pris un bon 3-4 ans avant que je commence à vendre. Mais quand ça a commencé, c’était comme des petits pains chauds tout juste sortis du four!».

Lucille Grenier Béland a pris sa retraite en 2018, ne pouvant plus exposer au Village québécois d’antan, dû à de nouvelles façons de faire. «C’était le seul endroit qui était intéressant pour moi. Avoir pu y retourner, je serais encore là».

C’est à cette époque qu’elle se sent moins à la mode. «Je n’avais plus d’endroit où je trouvais que j’avais ma place, tant au niveau du style que du format».

Dernièrement, elle s’est mise à peindre des signets à la main. Elle en possède quelques 300 unités différentes.

Dans son bureau, l’ébauche d’un épouvantail attend sur son chevalet que l’énergie lui revienne.

Lucille Grenier Béland est assurément une femme discrète, mais la passion étincelle dans ses yeux, peut-être malgré elle.

On peut admirer quelques toiles de Lucille Grenier Béland sur les murs de la Résidence Jazz où elle vit.

 

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