Des entrepreneurs en construction du CNIMI attendent d’être payés depuis 18 mois

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Par Lise Tremblay
Des entrepreneurs en construction du CNIMI attendent d’être payés depuis 18 mois
Le Centre national intégré du manufacturier intelligent (CNIMI) est situé sur le boulevard de l’Université à Drummondville. (Photo : Ghyslain Bergeron)

DRUMMONDVILLE. Soutenant n’avoir «jamais vu de tels délais», des entrepreneurs ayant participé à la construction du Centre national intégré du manufacturier intelligent (CNIMI) s’impatientent et réclament d’être payés, et ce, un an et demi après la traditionnelle coupe de ruban.

Construit au coût de 30 M$, le pavillon du CNIMI, le deuxième à lever de terre sur le campus universitaire à Drummondville, est source d’inquiétude, d’impatience et d’incompréhension.

Une dizaine d’entreprises d’ici comme d’ailleurs rongent leur frein et attendent leur chèque. Des milliers de dollars sont retenus et les choses vont de mal en pis, des entrepreneurs ayant décidé de prendre le taureau par les cornes en inscrivant carrément des hypothèques légales sur l’édifice appartenant à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Le mot «impasse» est d’ailleurs omniprésent dans les documents consultés par L’Express.

Uniquement à Drummondville, au moins cinq entreprises n’ont pas été entièrement payées, soit Vitrerie Smith, Courchesne et Fils, Groupe Cevec, Dumoulin Isolation et Marc-André Paysagiste. Des sous-traitants d’ailleurs au Québec se trouvent aussi dans le même bateau.

Selon nos informations, un montant de 2,1 M$ n’a pas été débloqué pour acquitter les différentes factures en suspens.

Les entreprises M.E. 2000 (Saint-Denis-de-Brompton) et Jimqui (Beauceville) ont chacune déposé un avis d’hypothèque légale pour les créances des personnes ayant participé à la construction de ce bâtiment. De Drummondville, la Vitrerie Smith et Marc-André Paysagiste ont fait de même. Il s’agit d’une action peu courante dans un tel contexte.

Joint par téléphone, Marc-André Lagacé, président de Marc-André Paysagiste, estime que la pandémie a peut-être nui à l’entrepreneur général qui a obtenu la responsabilité de ce chantier, soit Beauvais & Verret (Saint-Augustin-de-Desmaures).

«C’est la première fois en 35 ans que j’ai de la misère comme ça à me faire payer. Je pense que la pandémie a fait mal à l’entrepreneur général. Ça n’a pas été évident durant les travaux. Un moment donné, il me devait un montant de plus de 100 000 $. Ç’a traîné durant six mois. Ça n’a pas été un projet très rentable. Là, il nous doit 24 000 $. C’est triste, car c’était un beau projet. Il y a des hommes d’affaires qui ont swingué de l’argent là-dedans», a-t-il fait observer.

Le 12 avril dernier, la Cour Supérieure s’est penchée sur le dossier. Les entreprises M.E. 2000 et Jimqui poursuivent Beauvais & Verret pour les sommes dues.

Dans une décision rendue par la juge Line Samoisette, où il a été question notamment de transférer le dossier au palais de justice de Drummondville, on apprend que l’entreprise Jimqui est dans l’attente d’un montant de 381 883 $ tandis que M.E. 2000; d’une somme de 562 774 $ avant intérêts. Pour obtenir leur dû, elles demandent toutes deux le délaissement forcé de l’immeuble par l’UQTR pour vente sous contrôle de justice. De son côté, l’UQTR signifie «vouloir éviter la vente et faire valoir ses droits puisqu’il y a divergence entre elle et l’entrepreneur Beauvais dans l’interprétation du contrat qui est la source de leurs obligations respectives», peut-on lire dans le document.

Ballet juridique

Pris maintenant dans un ballet juridique malgré eux, les entrepreneurs en construction, qui ont mis au monde ce bâtiment de prestige sur le boulevard de l’Université, ne peuvent maintenant qu’espérer que le dossier évolue rapidement.

«À la base, c’était un projet chaotique en raison du temps d’exécution et la gestion de l’entrepreneur. Il y a des paiements d’extras qui ont été approuvés, mais nous n’avons rien reçu. J’ai l’impression que le fait que des entreprises aient mis des hypothèques légales cause ces délais», a exprimé Guillaume Boislard, directeur général de l’entreprise de peinture Courchesne et fils. Il attend une somme de 40 000 $ et déplore par le fait même le manque de communication dans le dossier.

Le CNIMI est le deuxième bâtiment du campus universitaire de Drummondville. (Photo : Ghyslain Bergeron)

Mario Dumoulin, président de l’entreprise Dumoulin Isolation de Saint-Cyrille-de-Wendover, y est allé dans le même sens. «D’habitude, on nous paye dans les 90 jours. Là, je ne sais pas où et pourquoi la chaîne a débarqué, mais on n’a jamais été payés. J’attends une somme de 50 000 $. Il s’agit d’un montant considérable dans ma situation. Une chance que mon entreprise va bien actuellement.»

Située sur la rue Janelle, la Vitrerie Smith a pris en charge la fenestration abondante du CNIMI. Comme les autres, elle attend une somme considérable, mais elle n’a pas été précisée.

«On se sent pris entre l’arbre et l’écorce. On pourrait placer cet argent-là ailleurs. On est vraiment dans le néant», a communiqué le vice-président M. Larochelle.

L’Université du Québec à Trois-Rivières a refusé notre demande d’entrevue en raison du processus judiciaire en cours. Néanmoins, Jean-François Hinse, conseiller en communication et relations avec les médias, a expliqué : «Le litige se trouve entre l’entrepreneur général et ses sous-traitants. Dès que nous avons été informés de la situation de défaut de paiements chez certains sous-traitants, vers le début de l’année 2021, nous avons offert à l’entrepreneur général de payer nous-mêmes les montants dus, ce qui a été refusé de sa part. Nous déployons tous nos efforts pour élaborer une solution pour les entreprises touchées par ce litige, mais la situation ne pourra se régler qu’avec la collaboration de l’ensemble des parties impliquées.»

Quant à l’entrepreneur général, le président de Beauvais & Verret, Martin Boiteau, a relayé notre demande d’entrevue à son avocate tout en promettant de briser le silence «lorsque toute cette saga sera terminée».

«Parce que le dossier est judiciarisé, je n’émettrai pas de commentaire sur ce qu’il s’est passé, ou sur la raison derrière le fait qu’il semble avoir beaucoup de sous-traitants qui sont encore impayés à ce jour. On travaille sur ce dossier et on essaie de dénouer l’impasse le plus tôt possible», a communiqué Suzie Laprise, avocate au cabinet KSA situé dans la région de Québec.

Dans son exposé sommaire de défense, un document que L’Express a pu consulter au palais de justice, Beauvais & Verret fait état «d’un écart entre le coût des travaux projetés et ceux qui lui ont été dénoncés». L’entrepreneur général plaide que l’UQTR était la «seule partie qui avait tous les renseignements nécessaires».

Inauguré en juin 2022, le CNIMI a reçu l’appui financier de 19 donateurs privés pour un total de 8,1 M$. Le Groupe Canimex et le Groupe Soucy ont versé 1,5 M$ chacun. Le gouvernement du Québec a investi 19 M$ et Développement économique Canada y a consacré 2,2 M$. Le bâtiment est doté d’une douzaine de laboratoires. Il accueille environ 140 étudiants.

Soulignons en terminant que le CNIMI soutient les entreprises du milieu manufacturier à entreprendre leur transition numérique en encourageant notamment le partage de connaissance. On y offre aussi de la formation en génie mécanique.

 

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