La Maison Habit-Action accompagne les plus démunis, un à la fois

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Par Claude-Hélène Desrosiers
La Maison Habit-Action accompagne les plus démunis, un à la fois
L’équipe de la maison Habit-Action de Drummondville en compagnie de quelques résidents. (Photo : Claude-Hélène Desrosiers)

COMMUNAUTAIRE. La Maison Habit-Action de Drummondville héberge des jeunes de 18 à 35 ans en difficulté ou sans-abri. Chacun arrive avec son bagage de vie, ses défis et ses aspirations. Les intervenants de cet organisme affilié au Regroupement des Auberges du cœur accompagnent ces jeunes. Le manque de financement, la crise du logement et la santé mentale leur rendent la vie dure.  

L’endroit fourmillait d’activités au passage de l’Express, le 8 mars dernier : c’était jour de touski. À chaque repas, chaque fois qu’il y a des restes lors des repas, des portions individuelles sont congelées. Aujourd’hui, c’est la distribution des restants à d’anciens résidents.

Dans la dernière année, 62 jeunes ont été hébergés à la Maison Habit-Action et 93 demandes ont dû être refusées par manque de place. «On peut héberger 9 jeunes à la fois. Nous offrons un hébergement qui peut durer jusqu’à 6 mois, mais la durée moyenne des séjours est de 37 jours. La durée tend à augmenter», explique Joanie Côté, directrice de l’intervention. En effet, les jeunes ont tendance à rester plus longtemps parce qu’il n’y a pas de logements libres. Drummondville est une des villes où il y a le moins de loyers à louer : le taux d’inoccupation est de 0,4 %. Difficile pour un jeune de tirer son épingle du jeu, malgré l’envie pressante de vivre ses propres expériences. La crise du logement est un enjeu central pour se sortir de l’itinérance.

La Maison Habit-Action offre aussi un soutien post-hébergement, c’est-à-dire que le soutien se poursuit quand la personne quitte l’auberge. «Notre mission, c’est vraiment de la réinsertion socio-économique, mais également de favoriser l’autonomie et de briser la désaffiliation sociale. On a les mains liées à cause des logements», se désole Mme Côté.

Louis-Cédric Gilbert réside à la Maison Habit-Action. Le jeune homme qui vient de Sherbrooke a commencé l’automne dernier des études au Cégep de Drummondville. Par un concours de circonstances, il a perdu le logement qu’il habitait. Depuis, il ne cesse de rechercher un toit. Cela lui cause un tel stress qu’il a manqué plusieurs cours cette session. Louis-Cédric Gilbert a été grandement affecté devant tant de pression et d’anxiété. Sa deuxième saison est en jeu. Il aimerait rencontrer un médecin afin d’avoir un appui pour justifier ses absences, mais il n’arrive pas à avoir un rendez-vous. Arrivant au bout de son hébergement à la Maison Habit-Action, il ne peut pas poursuivre ses études, qu’il aime pourtant. Il ne peut pas davantage travailler, se faisant dire d’avoir un logement avant d’aller porter des C.V.

Le jeune homme de 23 ans et son intervenant font une recherche assidue d’un loyer. Il n’y a qu’un seul appel qui a abouti à une visite qui se déroulera dans les prochains jours. Le temps presse pour lui. «Si ma visite de la semaine prochaine ne donne pas de résultats, je vais devoir cesser mes études et retourner dans la région de Sherbrooke. Je suis venu pour mes études et aussi pour faire une coupure avec mon passé».

Louis-Cédric Gilbert soutient qu’il n’a pas eu un passé facile et qu’il aurait besoin d’un petit coup de pouce pour poursuivre ses études et aller sur le marché du travail.

 

Des services importants

Comme le mentionne le Regroupement des Auberges du cœur du Québec : «On manque de tout, sauf de cœur». Le besoin financier est criant, comme dans la plupart des organismes à but non lucratif. Le manque de financement fait en sorte que des services sont coupés, et que les salaires des intervenants ne sont pas attirants. «On ne laisse personne tomber, on en fait tous un peu plus que ce qu’on est censés faire, mais un financement adéquat nous permettrait de les accompagner davantage», explique Joanie Côté.

À la Maison Habit-Action, les intervenants ciblent les besoins du jeune avec lui. Il est important de pouvoir prendre le temps d’accompagner chacun d’entre eux, parce qu’il y en a qui partent de loin. Comme l’explique Mme Côté : «Il y en a qui n’ont aucune expérience de la vie courante. Je me souviens d’un jeune qui ne savait pas se faire des rôties. Encore moins comment faire son lavage!» Chaque personne a des besoins différents et il faut les accompagner là où ils sont rendus.

Pendant leur séjour, tout dans leur quotidien est matière à les rendre plus autonomes. «On ne fait jamais les choses pour eux. C’est l’approche motivationnelle; on va les aider, on les fait réfléchir, on les accompagne», précise Mme Côté. Par exemple, une éducation alimentaire est offerte. La cuisinière les implique dans l’achat de la nourriture et leur explique pourquoi choisir tel produit plutôt qu’un autre. Elle les aide à réaliser une recette, tout en leur montrant comment couper des aliments sans se blesser.

On n’arrive pas à la Maison Habit-Action parce que ça va bien, évidemment. Lors de leur arrivée, les jeunes rencontrent de grandes difficultés, à un moment de transition important vers la vie adulte. Chaque personne a un bagage différent, mais on parle de ruptures familiales, de grande pauvreté, de dépendance, de problèmes de santé mentale, par exemple.

En effet, les problèmes de santé mentale sont un enjeu qui devient de plus en plus important. « Prenons l’exemple d’un jeune hébergé dans une ressource de la DPJ. Le jour de ses 18 ans, il perd tous ses services : plus de médecin, plus de psychiatre, plus de suivi de médication. Ce qui risque d’arriver, c’est que le jeune arrête sa médication, ce qui peut amener une grande désorganisation, voire des comportements violents. Quand ils veulent recevoir de l’aide, il y a des mois d’attente, ce qui décourage la personne qui a besoin d’aide sur-le-champ », décrit Joanie Côté. Elle ajoute que les jeunes fréquentant la ressource ont une immaturité émotive. En franchissant le cap des 18 ans, il se retrouvent avec une liberté trop grande.

 

Aller au-delà des préjugés

«L’itinérance n’est pas une cause très populaire», affirme sans hésitation Joanie Côté. Elle invite tout de même les citoyens à faire preuve d’ouverture à la différence. Il est aussi important d’éviter les préjugés, comme de penser que ces jeunes n’ont qu’à se prendre en main.

Les jeunes adultes qui reçoivent les services de la Maison Habit-Action sont avant tout des êtres humains, qui se sentent souvent isolés. Il faut penser qu’on ne connait pas leur histoire. En effet, ce n’est pas tout le monde qui a un bon départ dans la vie.

 

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