La grande transformation

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Par Lise Tremblay
La grande transformation
La Ville de Drummondville se donne jusqu’en 2040 pour mettre en oeuvre l’ensemble des actions qui figurent dans son plan d’action sur la mobilité durable. (Photo : Ghyslain Bergeron)

MOBILITÉ DURABLE. Drummondville rêve grand. Drummondville rêve de mobilité durable. Elle se donne vingt ans pour transformer la majeure partie de son réseau routier et convaincre la population de faire le choix du transport actif. Un ambitieux projet qui permettra tant aux automobilistes qu’aux cyclistes et aux piétons de se partager la route sécuritairement.

Armé d’un plan d’action de 70 pages, le maire de Drummondville, Yves Grondin, Clyde Crevier, surintendant à la circulation routière, et le chargé de projet Philippe Cantin ont présenté à L’Express la grande transformation qui s’amorce dès cette année en matière de mobilité et qui s’échelonnera jusqu’en 2040.

À partir de maintenant, chacune des nouvelles rues qui seront construites et celles qui feront l’objet d’une réfection majeure incluront les lignes directrices de ce plan.

«Ce plan arrive à un très bon moment. Le changement de mentalité et de perspective nous amène à ouvrir de nouvelles avenues dans tous les sens du mot : des avenues routières et des avenues de vie. Le plan de mobilité durable va faire en sorte que toutes nos actions vont maintenant se tenir», met en contexte le maire Yves Grondin.

C’est qu’auparavant, l’ajout d’une piste cyclable à une rue, par exemple, n’était pas discuté d’emblée. Si un espace piétonnier ou cycliste était ajouté à l’aménagement, c’était souvent parce que des voix s’étaient élevées.

«Les décisions étaient prises ponctuellement, soit parce que des citoyens parlaient très fort ou que des conseillers avaient le tour de faire passer leur point. Il n’y avait pas de vision d’ensemble. Pour donner un exemple, les dos d’âne étaient encore tabous et les avancées de trottoir étaient pratiquement inexistantes. Et peu à peu, on a commencé à voir apparaître certains aménagements à Drummondville. Et on s’est aperçu que la façon de faire les rues était aussi une manière de communiquer avec les gens et de leur dire qu’à cet endroit, il n’y a pas que des voitures, mais aussi des cyclistes et des piétons», explique M. Grondin.

À certaines occasions au cours des dernières années, il y a eu des débats «épiques» au conseil municipal concernant certains aménagements. Entre autres, il y a celui qui a amené les élus municipaux à ajouter, à la dernière minute, un trottoir à la rue des Communes puisqu’elle constitue une rue collectrice dans ce quartier très prisé par les jeunes familles. Idem lorsque la Ville, sous la gouverne de l’ex-mairesse Francine Ruest-Jutras, a choisi de créer une bande cyclable incluant des luminaires plus modernes sur la rue Cockburn, dans la section située entre le boulevard Saint-Joseph et la Maison des arts. À cette époque, des citoyens du secteur avaient décrié la situation à tout vent. Pourtant, aujourd’hui, piétons et cyclistes sont nombreux à y circuler quotidiennement.

«Il y a une expression qui dit construisez-le et les gens vont venir. C’est exactement ce qu’on va faire», exprime le premier magistrat.

Un long apprentissage

Plusieurs projets se sont donc concrétisés au fil des ans sans ce réflexe de la cohabitation citoyenne.

«Pour montrer à quel point ç’a été un apprentissage au cours des 10 à 15 dernières années, quand on a refait la rue Saint-Pierre il y a quelques années à peine, l’orientation à la base était de faire une rue à deux voies étant donné sa bonne largeur. Au départ, on n’avait pas envisagé la piste cyclable. Finalement, ce que je veux dire, c’est que notre réseau n’était pas réfléchi en fonction de l’utilisation qu’en font les humains», exprime le maire Grondin.

D’ailleurs, même les pistes cyclables n’étaient pas aménagées en fonction des besoins réels des utilisateurs.

«Notre premier réseau de pistes cyclables était surtout pensé en fonction d’une approche récréative. Maintenant, on le pense en fonction du transport actif, du fait qu’on peut se déplacer en vélo pour aller faire des commissions et aller au travail. Ce n’est plus la même perspective. Les gens veulent aller du point A au point B par le chemin le plus court possible. Ç’a un impact important sur nos décisions.»

En se donnant des lignes directrices, la Ville de Drummondville souhaite donc répondre davantage aux besoins de mobilité de sa population.

Une rue est complète à partir du moment où tout le monde a sa place, selon le chargé de projet Philippe Cantin. (Photo Ghyslain Bergeron)

«On veut créer des milieux de vie à échelle humaine où tout le monde a le droit de circuler, dit-il. La rue, ce n’est plus que pour les voitures. On se doit de la partager de façon efficiente et confortable. On veut vivre la ville autrement en respectant les principes de développement durable. C’est un niveau d’urbanisme très fin, très proche des gens.»

À terme, le plan permettra de réduire les iniquités, car ce n’est pas tout le monde qui peut acheter une voiture, puis contribuera à la lutte contre les changements climatiques.

«Les nouvelles rues vont d’ailleurs inclure la plantation d’arbres. Il y aura moins d’emprises bétonnées. On l’a fait notamment sur la rue Cormier où 200 arbres ont été plantés», rappelle Yves Grondin.

«Ambitieux» projet

Qualifié «d’ambitieux», le plan de mobilité durable comporte 64 actions différentes. Car au-delà des pistes cyclables, il y a aussi toute la question du transport en commun, des aires de stationnement et même de l’infrastructure souterraine, puisque des bandes végétalisées contribuent à diminuer l’écoulement des eaux dans le réseau pluvial.

«On voit maintenant la ville en quatre dimensions : ce qui se passe au-dessus et en dessous. On parle d’un changement de paradigme. Si on veut changer notre empreinte écologique, ça va passer par le domaine du transport (…) C’est du progrès social», explique Philippe Cantin, chargé de projet pour la Ville de Drummondville.

Objectif avoué, la Ville espère que les gens seront plus nombreux à opter pour le transport actif puisque 90 % de la population se déplace en auto-solo. Évidemment, l’aspect de la sécurité est aussi primordial.

«On veut des rues complètes autant que possible. À nos yeux, une rue est complète à partir du moment où tout le monde a sa place», précise Philippe Cantin, sans être en mesure de quantifier le nombre de rues «complètes» que la Ville compte aménager d’ici 2040.

Le plan a aussi donné l’occasion à la Ville de statuer sur la largeur des rues. C’est connu, certaines rues de Drummondville sont surdimensionnées par rapport à d’autres.

«On n’a pas besoin d’une rue de 16 mètres pour circuler en voiture. On reconnaît maintenant que pour une rue résidentielle, 8 ou 9 mètres de large suffisent. Et la différence d’asphalte, on la met pour créer une bande cyclable ou un trottoir. En termes de coûts, c’est presque l’équivalent», fait valoir Clyde Crevier.

Premiers gestes

Déjà, de premiers gestes ont été posés en regard du plan de mobilité durable. À titre d’exemple, la Ville a annoncé il y a quelques jours à peine qu’elle avait ciblé 21 emplacements où le virage à droite est dorénavant interdit, pour des questions de sécurité des non-automobilistes. C’est le cas notamment de l’intersection du boulevard Lemire et de la rue Saint-Pierre, considérée comme dangereuse.

Vingt-cinq dos d’âne seront aussi construits cette année (pour un total de 115 sur le territoire drummondvillois) pour ralentir la vitesse des véhicules moteurs. Pour les piétons, la Ville ajoutera 2,5 kilomètres de trottoir, entre autres sur les rues Vivaldi et Grande-Allée puis sur le boulevard Saint-Joseph Ouest et ajoutera des passages spécialement conçus pour eux. Et pour les cyclistes, 6,6 kilomètres de voies cyclables seront nouvellement aménagés en 2020, dont sur la rue Saint-Georges.

De nouveaux feux de piéton (ou sonores) et d’aménagement surélevés, dont à proximité de l’école Jean-Raimbault, sont aussi dans les cartons de la Ville de Drummondville.

Coût de la facture pour l’année en cours : 1,2 million de dollars.

D’autres actions suivront au fil des ans (voir autre texte) et toucheront notamment le transport en commun.

En terminant, soulignons que de nombreuses personnes – des élus, des partenaires et des citoyens – ont travaillé à la mise en œuvre du plan de mobilité durable. «Il y a réellement un consensus entre les élus. On peut faire mieux en posant les gestes les plus structurants», termine le maire de Drummondville, Yves Grondin.

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