Un référendum à tenir sur la gestion des déchets dans la région (Tribune libre)

Un référendum à tenir sur la gestion des déchets dans la région (Tribune libre)
(Photo : L'Express)

TRIBUNE LIBRE. La compagnie multinationale Waste Management (WM) veut agrandir le site d’enfouissement des déchets à Drummondville, secteur Saint-Nicéphore (SN) pour une période additionnelle de 20 ans afin d’y enfouir 9 millions de tonnes de déchets de plus. Forte des décisions des instances politiques et judiciaires, WM fait valoir que les instances gouvernementales régionales et nationales concernées sont bien aux faits de son projet d’agrandissement du site SN, qu’elle se conforme aux règlements établis par les autorités concernées et qu’elle travaillera en concertation avec la population locale pour réaliser le nouveau site d’enfouissement.

Réaliser une étude indépendante

Par souci de faire une reddition de comptes transparente, ne serait-il pas opportun de confier à une firme spécialisée le mandat de réaliser, de façon indépendante, une étude en profondeur actualisée sur un ensemble de problématiques environnementales relativement au site d’enfouissement secteur Saint Nicéphore (SN)? Cette étude permettrait de faire le point 1- sur la protection de l’environnement et de la santé humaine durant la période active d’enfouissement au site de SN. Par exemple, un tel diagnostic permettrait à la population de connaître avec précision si les mesures de sécurité environnementale ont fait en sorte que les lixiviats (liquide s’écoulant à travers les déchets) et les biogaz formés au cours du processus de décomposition des matières organiques n’ont pas eu d’impacts néfastes sur les écosystèmes et sur la santé humaine.

Cette étude permettrait aussi de faire le point 2- sur la période où toute activité d’enfouissement aura cessé, 3- sur les préparatifs de fermeture finale du site de SN, incluant l’éventuelle couverture finale à installer sur ce site et 4- sur les plans d’entretien établis pendant et après la fermeture du site SN pour garantir l’intégrité et la sécurité à long terme des lieux. Bref, avoir un état de situation actualisée et des recommandations.

WM veut faire du site de SN un lieu d’enfouissement de grande taille pour enfouir 9 millions de tonnes de déchets afin de rentabiliser la coûteuse mise en place de normes et d’infrastructures de sécurité des sites d’enfouissement. À cet effet, WM a déposé des études scientifiques auprès du gouvernement québécois pour appuyer sa volonté d’agrandir le site de SN. Mais, les citoyens savent pertinemment que les gros sites d’enfouissement entraînent davantage d’impacts négatifs : la difficulté accrue de faire le suivi d’une grande quantité de déchets; la multiplication des lieux de provenance des déchets (ex. camions plaqués USA), les odeurs, les activités de camionnage, la poussière, les bruits, etc.

La population n’est-elle pas en droit de connaître les raisons qui ont poussé le gouvernement du Québec a « avalisé » l’agrandissement du site de SN « sans apparemment » réduire le tonnage de 9 millions de tonnes de déchets demandé par WM? L’option de l’agrandissement est-il privilégié afin de rediriger des déchets vers le site de SN, sachant que bientôt plusieurs sites d’enfouissement atteindront leur capacité d’enfouissement maximale et donc fermeront?

Tenir des audiences publiques

Le but premier du Bureau des audiences publiques sur l’environnement (BAPE) est de permettre, en premier lieu, une rencontre entre l’État et les dynamiques locales afin cerner les vrais enjeux du projet d’agrandissement du site d’enfouissement des déchets à SN? N’est-ce pas en ce sens que le citoyen a un certain pouvoir d’influence sur les décisions politiques en matière de gestion des matières résiduelles? Or, l’attitude du ministère de l’Environnement et du BAPE n’incite-t-elle pas à penser qu’ils ont agi dans le but d’éviter une crise de gestion des déchets? Pour effacer l’impression forte que la consultation publique et la participation citoyenne ont été escamotées dans ce dossier, ne serait-il pas pertinent que le BAPE tienne des audiences en région dans les meilleurs délais?

Autonomie régionale et zéro enfouissement

Ne peut-on pas dire que l’agrandissement du site d’enfouissement à SN a, jusqu’à un certain point, déresponsabilisé la région face à la gestion de ses déchets? Dans la perspective d’une démarche alternative à l’enfouissement (qui est encore le mode de gestion prépondérant au Québec) est-ce que tout est mis en œuvre pour que la région adopte une bonne réglementation au sujet de la récupération, du recyclage et de la sécurité environnementale en faveur de la régionalisation? Pour que la région dispose de façon adéquate des infrastructures d’élimination des déchets? La région est-elle en marche vers une forme d’autonomie régionale environnementale? Sommes-nous en marche vers le seuil de zéro enfouissement?

Pour atteindre les objectifs de l’autonomie régionale environnementale et du zéro enfouissement, il est certes nécessaire de se tourner vers la « valorisation thermique » des déchets : décomposition chimique des déchets par la chaleur ou encore la gazéification ou la production d’électricité. Mais, surtout, il faut générer moins de déchets et donc, une diminution des matières recyclables et compostables enfouies. Le choix de l’option zéro enfouissement aura pour effet d’éviter de construire des installations trop grosses eu égard à nos besoins réels, qui vont coûter plus cher et qu’il faudra continuer de « nourrir » lorsque la quantité de déchets diminuera.

Les citoyens de la région reconnaissent qu’ils ont un rôle central à jouer dans la réduction de la quantité de déchets envoyés à l’enfouissement, notamment en recyclant les matières qui peuvent l’être au lieu de les jeter à la poubelle. Cette diminution des déchets s’accélèrera lorsque le gouvernement du Québec accentuera sa part de responsabilités dans le traitement des déchets afin de préserver l’environnement.

Rappelons certaines solutions avancées : 1- élargir le système québécois de consigne à tous les contenants de boissons, alcoolisées ou non, de verre, de métal et de plastique, surtout en ce qui a trait aux produits de la Société des alcools du Québec; 2- forcer l’écoconception, c’est-à-dire légiférer pour réduire la quantité d’emballages, notamment au moyen de tarifs dissuasifs, mais aussi pour interdire carrément certains matériaux qui ne sont pas recyclables au Québec; 3- allonger la liste des produits assujettis au concept de « responsabilité élargie des producteurs » rendant ceux-ci responsables de recycler ce qu’ils mettent en marché (ex. recyclage des produits électroniques); 4- doter le Québec d’un mode de traçabilité et de contrôle de la qualité de ce qui sort des centres de tri, etc.

Réaliser un référendum

Tenir un référendum sur comment la région veut gérer ses déchets représente un enjeu important : tout projet doit recevoir une acceptabilité sociale et reposer sur le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique.

Dans le contexte actuel où l’option de l’agrandissement du site d’enfouissement de SN proposé par WM semble retenir l’attention du gouvernement et du BAPE, la tenue d’un référendum constitue la manière populaire pour démarquer l’option zéro enfouissement de celle de l’option de l’agrandissement du site SN. Un référendum permettrait de se solidariser autour d’objectifs du développement durable dans la région et il inciterait les acteurs régionaux à aligner leurs interventions sur la mise en œuvre efficace d’un plan de gestion des matières résiduelles résolument orienté vers l’autonomie régionale environnementale et aligné sur l’objectif du « zéro enfouissement».

Réjean Côté, consultant international

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