Un hôpital «régional», c’est quoi? (Tribune libre)

Un hôpital «régional», c’est quoi? (Tribune libre)
(Photo : L'Express)

TRIBUNE LIBRE. Depuis le début de la crise sanitaire à Drummondville, madame la mairesse Stéphanie Lacoste et maintenant le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre-Plamondon, demandent au gouvernement du Québec de construire un nouvel hôpital «régional» à Drummondville. À quoi pourrait ressembler un hôpital «régional»?

Il faut bien voir que le qualificatif «régional» n’existe pas dans le jargon du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec. Bien que certains hôpitaux se disent «régionaux» comme l’Hôpital régional de Saint-Jérôme, l’Hôpital régional de Rimouski, l’Hôpital régional du Grand-Portage ou le Centre hospitalier affilié universitaire régional de Trois-Rivières, ils sont classés dans la catégorie «centre hospitalier de soins généraux et spécialisés». L’autre catégorie du MSSS est le «centre hospitalier de soins psychiatriques».

Un hôpital à caractère régional

Ce que notre mairesse et le chef du Parti québécois semblent souhaiter, c’est que la population du Centre-du-Québec cesse de faire des centaines de kilomètres pour avoir accès à des services de santé souvent de base. Ils travaillent pour la population et ils voient grand pour la région du Centre-du-Québec.

Un hôpital «régional» fait référence à un hôpital qui offre un ensemble de services spécialisés toujours en affiliation avec un centre universitaire (Université de Sherbrooke), en plus d’assurer des services médicaux de première ligne et l’ensemble des services préventifs et sociaux inhérents. Ces services spécialisés doivent bénéficier de moyens diagnostiques et thérapeutiques essentiels comme des laboratoires de biochimie et d’hématologie. Il faut également prévoir l’ajout d’un «pet scan» (tomographie par émission de positions) et éventuellement un service de radiothérapie, etc.

Dans le cadre d’un hôpital «régional», dans une région autonome, il faut prévoir un nouveau plan clinique pour une desserte «régionale» en complémentarité avec les partenaires régionaux. Il faut planifier l’arrivée de cardiologues, pneumologues, neurologues, gastro-entérologues, néphrologues, oncologues, hématologues et urologues, etc. Ces spécialités viendront renforcer l’excellente offre de services actuels comme la radiologie d’intervention, la chirurgie colorectale, etc.

Bien sûr, il y aura des questionnements de la part des décideurs :

* Est-ce que ça prend au moins une population de 400 000 personnes pour qu’un hôpital ait ce type de spécialistes et s’identifie comme étant «régional»?

Le Centre-du-Québec possède une population suffisante pour un hôpital «régional». Plusieurs centres hospitaliers au Québec desservent moins de 400 000 personnes et offrent ces services : Saint-Hyacinthe, Rimouski, Saguenay, etc. La position géographique de Drummondville permettrait à une population de plus de 600 000 personnes d’avoir un accès facile à de tels services. De plus, un hôpital «régional» à Drummondville pourrait être en mesure de collaborer avec les centres hospitaliers de Sherbrooke et de Trois-Rivières dans un objectif d’accélérer l’accès aux soins spécialisés au Québec.

* Ils manquent de ressources médicales et infirmières actuellement au Québec. Est-ce qu’un hôpital d’envergure ne viendrait pas ajouter à la pénurie?

Une telle volonté de desserte se prépare avec la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke et les cégeps de la région. Actuellement un haut pourcentage des infirmières quitte l’hôpital par dépit annuellement et si on leur offre un milieu attrayant et rempli de défis, elles resteront et les jeunes de notre région n’hésiteront plus à s’inscrire dans des programmes leur permettant d’avoir un emploi à l’hôpital.

* Un hôpital «régional» exige plus de lits de courte durée. Est-ce que le Québec a besoin de plus de lits?

Il y a actuellement 16 500 lits de courte durée au Québec. Seulement pour atteindre la moyenne du Canada, soit 2 lits par 1000 habitants, il faudrait ajouter au moins 4 000 lits au Québec. Il faut rappeler que le Canada se situe malheureusement au 25e rang sur 26 quant à la moyenne de lits par 1000 habitants. Pour notre région, il faudrait immédiatement ajouter plus de 100 lits. Pour un hôpital «régional», il faudrait tendre vers les 350 à 400 lits à Drummondville d’ici 2040.

* Le modèle médical de l’hôpital de Drummondville actuel est-il adapté pour un hôpital à caractère régional?

Au cours des années 1970, 1980 et 1990, la région de Drummondville comptait environ 50 000 personnes et la présence d’une équipe en médecine interne polyvalente et compétente était la meilleure organisation pour l’époque. Le développement démographique de Drummondville et du Centre-du-Québec nous conduit nécessairement vers un modèle complémentaire par l’ajout de différents spécialistes, tel que mentionné ci-dessus. La présence à Drummondville d’un plus grand nombre de spécialisations médicales permettrait aux gens du Centre-du-Québec de cesser de devoir se rendre dans d’autres régions pour recevoir des traitements.

* L’hôpital de Drummondville est situé à l’extrémité de la région du Centre-du-Québec. Les patients de Victoriaville, de Plessisville, de Nicolet ou de Bécancour voudront-ils se rendre à Drummondville et faire 50 kilomètres? Ils préféreront peut-être aller à Trois-Rivières, quitte à attendre de 12 à 18 mois pour avoir accès à un médecin.

Par exemple, l’hôpital «régional» de la Mauricie est situé à Trois-Rivières et l’hôpital «régional» de Chaudière-Appalaches est situé à Lévis, soit à l’extrémité de leur région respective. Si c’est bon pour minou, ça doit être bon pour pitou?

*Vous ne pouvez pas avoir un hôpital «régional», parce que vous n’êtes pas une région sociosanitaire et, sauf pour Montréal et Québec, il n’y a jamais deux hôpitaux régionaux dans une même région. Vous rendez-vous compte que la Capitale de la région actuelle est Trois-Rivières et non pas Drummondville?

Ça pourrait être l’argument massue, parce que c’est vrai que nous sommes une succursale de Trois-Rivières et que toutes les décisions sont prises à Trois-Rivières et en faveur de Trois-Rivières. Nous sommes dans un contexte de Sonia Lebel/Jean Boulet vs Sébastien Schneeberger/André Lamontagne…

Comme le disait récemment le chef du Parti québécois : «Il faut une région sociosanitaire pour le Centre-du-Québec pour avoir un hôpital « régional». Faudra-t-il attendre encore deux ans?

Pour le gouvernement actuel, la création de Santé Québec et les économies générées par une division efficiente des deux régions (sud et nord) représentent un moment exceptionnel dans un contexte de restrictions budgétaires pour au moins les deux prochaines années.

Pierre Levasseur, Msc

René Roux, M.D.

 

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