Après un an d’expérience, le permis de travail du Français Jérémy Spérini est refusé

Après un an d’expérience, le permis de travail du Français Jérémy Spérini est refusé

Opérateur-mécanicien chez Recyc PHP depuis un an, où il donne entière satisfaction à son employeur, le Français Jérémy Spérini a vu son permis de travail être refusé pour des raisons bureaucratiques et doit, avec sa conjointe Kelly Thomas, coiffeuse au salon d’Annie Charland, organiser en catastrophe la vente de leurs autos et de leurs meubles et quitter le Canada ce 4 mars 2014.

Le travailleur de 31 ans est dans un sacré pétrin. Après avoir obtenu l’an dernier un visa, bon pour un an, grâce au Programme Vacances-Travail (PVT) du gouvernement français, Jérémy Spérini est embauché par Daniel Fortin, pdg de Recyc PHP, une petite entreprise de cinq employés située sur le site de l’ancienne Celanese, spécialisée dans le traitement des rejets industriels de produits d’hygiène personnelle.

Peu après, Daniel Fortin procède à l’achat d’un densificateur, une machine dispendieuse qui permet, notamment, de fabriquer des granules d’absorbant et de transformer le film de plastique. Et c’est sur ce projet que M. Spérini a su démontrer son expertise. «Non seulement il est excellent à faire fonctionner la machine, il la connaît et peut la réparer en tout temps, mais il a surtout une très bonne attitude. Il a l’esprit d’opérateur, quelque chose qui ne s’apprend pas à l’école. Ce n’est pas facile de trouver un homme comme lui», raconte M. Fortin.

L’automne dernier, l’employeur fait la demande pour obtenir le permis de travail pour Jérémy Spérini, mais, par une lettre lui parvenant au début du mois de février, la demande est rejetée par les gouvernements d’Ottawa et de Québec.

Les raisons du refus sont de plusieurs ordres: la capacité de payer et le risque que l’entreprise ne puisse pas garantir un travail à M. Spérini pour les trois prochaines années; manque d’efforts raisonnables de recrutement pour employer ou former des résidents du Québec; la personne ne répond pas aux exigences de l’expérience demandée; et, enfin, le salaire offert n’est pas de nature à attirer des Québécois. Dans une lettre de réplique, Daniel Fortin fait savoir au ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles et à Ressources Humaines et Développement des compétences Canada/Service Canada qu’aucune de ces raisons n’est valable sur le plan pratique.

«Nous sommes une entreprise novatrice et des partenaires financiers, dont un banquier, nous font confiance. On défriche dans ce domaine. Qui connaît l’avenir? Nos procédés sont uniques et il est impossible de trouver un employé ayant de l’expérience avec nos équipements. Nous avons participé au Défi Emploi. Nous avons formé deux opérateurs qui font fonctionner l’équipement sur une base régulière. Les mécaniciens rencontrés n’étaient pas intéressés au poste car il comportait une portion d’opération, et je tiens à ce que la personne choisie sache opérer la machinerie pour mieux la développer. Quant au salaire, il correspond à la capacité de payer de l’entreprise», a écrit essentiellement M. Fortin, disant trouver inconcevable que ce poste d’opérateur-mécanicien n’entre pas dans une case prédéfinie dans les papiers du gouvernement. Tout le problème est là, selon lui.

«Je ne comprends pas pourquoi je ne peux pas garder Jérémy, c’est pourtant zéro problème pour la société. Au contraire, c’est un plus, un plus pour tout le monde. Lui et sa conjointe ont trouvé du travail à Drummondville. Ils ont développé un bon réseau d’amis et ils se sont totalement intégrés. C’est l’exemple parfait du couple qui a réussi à s’engager dans sa société d’adoption. Ils ont choisi le Canada, j’espérais les aider à réaliser leur rêve».

Pour M. Spérini, c’est le néant. «Je ne sais pas quoi faire. Je dois vendre les meubles, les autos, résilier un bail de location d’une maison. Faire une demande de prolongation, ça coûte cher et il y a des délais. J’ai besoin de garder mon argent pour déménager. On perd tout ce qu’on a construit, moi et Kelly, depuis un an dans une ville qu’on adore. C’est épouvantable. Là je dois faire une demande de prorogation de statut (visiteur)… »

Annie Charland est désespérée pour son employée Kelly Thomas. «Ils se sont fait promettre des choses, ils ont investi et tout s’écroule. C’est la deuxième coiffeuse française que j’engage et c’est la deuxième qui est dans l’obligation de partir. Tout ça est très décevant», commente-t-elle.

À la Société de développement économique de Drummondville, Alex Bussières, commissaire à l’emploi et à l’immigration, connait bien le dossier. «Le PVT permet à 7000 jeunes Français, par tirage au sort, de venir au Canada pour un an et Jerémy fut choisi en compagnie de son copain Kevin Scupien. Les deux jeunes se sont présentés à moi et j’ai vu que Kevin Scupien avait les compétences que recherchait Daniel Fortin. Celui-ci l’a engagé en même temps que Jérémy. Scupien est parti mais Jérémy est resté, sachant bien qu’au bout d’un an la demande d’un permis de travail ne serait pas gagnée d’avance. Il y a bien sûr un drame humain derrière ça. La bonne nouvelle c’est que Jérémy a gagné des points en venant ici et il sera un très bon candidat pour obtenir sa résidence permanente», a-t-il expliqué.        

La seule porte de sortie pour le couple français est celle qu’ouvriront les parents de Jérémy dans un coin de la Lorraine.

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