Jessica Dubé se confie sur sa boulimie

Jessica Dubé se confie sur sa boulimie
Dans le documentaire Pression, Jessica Dubé se confie sur son trouble alimentaire. (Photo : gracieuseté Pression)

PATINAGE ARTISTIQUE. Jessica Dubé brise le silence. Derrière l’éclat de son sourire et la brillance de ses paillettes à l’époque où elle rivalisait sur la scène internationale du patinage artistique, se cachait une réalité beaucoup plus sombre. Le documentaire Pression lève le voile sur ce sport qui n’est peut-être pas aussi scintillant et sans fautes qu’on le laisse paraître.

Disponible depuis quelques jours sur Club Illico, ce grand reportage donne la parole à un groupe de sept patineurs de haut calibre qui ont accepté de se confier sur les nombreuses épreuves auxquelles ils ont fait face durant leur carrière. L’obsession du corps idéal et les troubles alimentaires font partie des sujets abordés par Jessica Dubé, qui révèle avoir souffert de boulimie durant plusieurs années.

Pour l’olympienne originaire de Saint-Cyrille-de-Wendover, le dévoilement de ce secret fait partie intégrante de son cheminement.

Jessica Dubé lors d’un spectacle au Centre Marcel-Dionne en 2011. (Photo d’archives, Ghyslain Bergeron)

«Ça me permet de tourner la page et d’enfin passer à autre chose. J’avais déjà commencé à en parler à des amis ces dernières années. Je voyais que ça me faisait du bien. Quand on m’a approché pour participer à ce documentaire, j’ai vu ça comme un signe de la vie. Je me suis dit que c’était le temps de m’ouvrir là-dessus, en espérant aider plein d’autres athlètes», explique Jessica Dubé en entrevue téléphonique.

Pour atteindre les standards corporels imposés dans sa discipline, Jessica Dubé a donc mis sa santé en péril. Celle qui est aujourd’hui âgée de 33 ans aura toutefois mis des années avant d’en prendre pleinement conscience.

«C’était une grosse pression que je n’arrivais pas à gérer. Il y avait des commentaires et une certaine compétition. Je commençais à me comparer aux autres. J’essayais d’être à la hauteur et d’atteindre un certain poids. Mais même en faisant attention à ce que je mangeais et en m’entraînant bien, je voyais que je n’y arrivais pas. Ce n’était pas assez. J’ai pris un autre moyen en me tournant vers la boulimie», raconte Jessica Dubé, qui ne cache pas avoir eu des pensées noires.

Lors de l’annonce de sa retraite, à l’âge de 25 ans, Jessica Dubé avait invoqué une blessure à un pied. La jeune femme révèle aujourd’hui que ce temps d’arrêt était devenu nécessaire pour soigner son corps et son esprit.

En se confiant de la sorte, Jessica Dubé souhaite lancer un message d’espoir aux athlètes qui souffrent de ce trouble alimentaire.

«Ils vont constater qu’ils ne sont pas seuls. J’aimerais qu’ils voient que ça fait du bien d’en parler. C’est libérateur pour moi. C’était un gros poids que j’ai gardé en dedans pendant longtemps. Espérons que ça va changer quelque chose, pas juste dans notre sport, mais dans plusieurs autres aussi» a exprimé celle qui, en compagnie de son partenaire ontarien Bryce Davison, a participé aux Jeux olympiques en 2006 et en 2010 en plus de monter sur le podium au championnat du monde en 2008.

Dès la sortie du documentaire, Jessica Dubé a d’ailleurs été contactée par des patineurs vivant les mêmes difficultés. «Ça m’a touché. Ils portent un secret lourd et ils prennent conscience qu’ils devraient en parler. J’essaie de les guider à ma façon. Ça fait tellement de bien d’en parler, mais la guérison est très longue.»

«Aujourd’hui, je suis retombée en amour avec le patinage, car ma tête et ma santé vont bien», poursuit celle qui gagne sa vie en enseignant aux jeunes et en participant à des spectacles professionnels.

Briser le silence

Par l’entremise de Pression, les réalisatrices Marie-Christine Noël et Ninon Pednault cherchent à briser la culture du silence propre au patinage artistique. Elles ont choisi de mettre l’accent sur l’humain qui se cache derrière l’athlète.

Cynthia Phaneuf et Jessica Dubé. (Photo gracieuseté : Pression)

«J’ai déjà patiné, alors je savais qu’il y avait une certaine pression dans ce sport à l’époque, explique Marie-Christine Noël. Mais c’est vraiment en parlant avec Jessica et les autres patineurs que j’ai vu que ça existait toujours. Je me suis dit qu’il fallait enquêter sur ces problématiques. Plusieurs en souffrent; tout le monde le sait, mais personne ne veut en parler. Mais c’est en en parlant qu’on va briser ces tabous et ces barrières-là.»

Outre Jessica Dubé, Pression donne également la parole à Cynthia Phaneuf, qui s’est longtemps entraînée à Drummondville, ainsi qu’aux athlètes Joannie Rochette, Shawn Sawyer, Charlie Bilodeau, Julianne Séguin et Camille Ruest.

«C’est rare que les olympiens parlent ouvertement de ce qu’ils ont vécu. Ils ont toujours appris à se taire pour ne pas froisser l’organisation, souligne Marie-Christine Noël. C’est particulièrement vrai en patinage artistique, où tout doit être parfait! J’étais très surprise quand ils ont décidé de témoigner. Je les remercie, parce que ça va faire avancer le sport et les autres disciplines aussi.»

Selon la réalisatrice, le temps est venu de briser les standards imposés par le sport d’élite. En 2021, il n’est plus nécessaire pour les athlètes de se rendre malade pour atteindre le podium.

«On a maintenant la science qui est derrière nous. On a des spécialistes qui peuvent aider les athlètes à faire de belles et de grandes choses tout en restant bien physiquement et mentalement. On espère que les fédérations et les coachs se réveillent et constatent que leurs athlètes sont hypothéqués pour la vie. Il faut en discuter si on veut avoir des athlètes sains», conclut Marie-Christine Noël.

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