Tricotées serrées

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Par Claude-Hélène Desrosiers
Tricotées serrées
Des petites pantoufles pour bébés prématurés. (Photo: Ghyslain Bergeron)

MAGAZINE. Un couple attend un enfant. Tout est pensé pour accueillir le nouveau-né aux alentours de 40 semaines de grossesse. Puis, pour une raison quelconque, l’accouchement a lieu plus tôt, beaucoup trop tôt.

Selon Préma-Québec, 8 % des naissances surviennent avant terme. Le poids moyen d’un grand prématuré est sous le kilo. L’organisme a approché les Cercles de Fermières du Québec (CFQ) pour devenir une de leurs œuvres caritatives. Depuis quelques années, c’est donc partout au Québec que des femmes tricotent de minuscules pantoufles pour des bébés prématurés.

Minuscule, c’est le cas de le dire. On prend notre pouce, on le plie : à la première phalange, c’est la taille du pied du nouveau-né; à la deuxième, c’est sa jambe.

De minuscules pantoufles. (Photo: Gracieuseté)

Le Cercle des fermières de Saint-Simon, fondé il y a près de 80 ans, compte environ 85 membres. Les adhérentes des CFQ, en général, sont des artisanes du textile. Il y a des tricoteuses, des brodeuses, des dentellières, des tisserandes, des couturières. Se rencontrer et créer ensemble aide à contrer l’isolement. «Ici, on tisse nos émotions, nos pensées. Quand on est à l’envers, on tisse plus serré!», s’exclame en riant Lynn Gauthier, présidente.

Plusieurs membres ont participé à fabriquer les petites «pattes» de bébé. Dans le Cercle des fermières de Saint-Simon, les artisanes en ont fait beaucoup. Une tricoteuse invétérée en a fait 100 paires à elle seule.

Ces pantoufles sont beaucoup plus difficiles à confectionner que celles d’adulte, à cause de la taille. «On travaille toujours sur le bout des doigts, et c’est tricoté en rond : 3 broches avec 12 mailles chacune. Mais les broches sont toujours trop longues! On a constamment l’impression de manquer de place pour nos doigts», souligne Mme Gauthier. Selon le type de laine utilisé, on obtient un modèle légèrement plus petit ou plus grand. Il faut environ trois heures pour faire une paire de ces chaussons.

Quand elles font des bas, il reste souvent un peu de laine aux tricoteuses; quantité parfaite pour faire deux petites «pattes». Avec 100 grammes de laine, quelque cinquante paires peuvent être confectionnées.

Lynn Gauthier, présidente du Cercle des fermières de Saint-Simon. (Photo: Ghyslain Bergeron)

Les femmes qui fabriquent ces «pattes» trouvent cela gratifiant. «Quand tu fais des pantoufles comme ça, tu te dis que c’est un bébé prématuré qui va survivre qui va les avoir dans les pieds. Juste à penser à ça, ça vaut tellement la peine», exprime Lynn Gauthier. Le fait d’avoir été faites à la main, et non pas mécaniquement, donne à ces créations beaucoup de valeur. Préma-Québec s’occupe de la gestion et de la distribution dans les hôpitaux.

Si vous voyez de minuscules pantoufles tricotées à un rétroviseur, c’est probablement le souvenir d’un parent de bébé prématuré. «Ça rappelle à quel point la vie est fragile et combien il y a de gens qui travaillent à conserver ces vies», conclut la présidente du Cercle des fermières de Saint-Simon.

Soulignons que les CFQ sont des organismes à but non lucratif, apolitiques, qui regroupe les femmes tant du milieu rural qu’urbain, sans distinction sociale. Ils sont voués à l’amélioration des conditions de vie de la femme et de la famille ainsi qu’à la transmission du patrimoine culturel et artisanal.

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