Chantal Soucy, la fille de son père

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Par Lise Tremblay
Chantal Soucy, la fille de son père
Chantal Soucy, 52 ans, est présidente déléguée des entreprises Soucy depuis janvier 2022. (Photo : Ghyslain Bergeron)

ENTREPRENDRE. Elle travaille en espadrilles colorées, fait son épicerie au Maxi et lit des livres sur le minimalisme. Décidément, Chantal Soucy, présidente déléguée des entreprises Soucy depuis un an, est une chef d’entreprise unique en son genre.

À la tête d’une entreprise comptant 1900 employés répartis dans 12 établissements situés en Amérique du Nord et en Asie, Chantal Soucy tient mordicus à demeurer groundée, une expression qu’elle utilise à bon escient et qui l’amène à relever les défis de son univers composé de stratégies de gestion, mais surtout de chenilles, de métal et de caoutchouc.

«Depuis deux ans, je ne porte que des espadrilles. Pas le choix si je veux aller aussi vite que les hommes!», lance-t-elle en montant l’escalier menant à son bureau vaste, épuré et élégant.

Cette femme de 52 ans ne s’est pas fait assigner le siège de la présidence d’emblée. Il a fallu qu’elle fasse ses preuves, qu’elle y mette du cœur à l’ouvrage.

«Dans la famille, on a une façon de faire. Dès l’âge de 12 ans, les enfants travaillent dans l’entreprise durant l’été. J’ai donc fait des inventaires, lavé des salles de bain et aidé dans les départements. Ça m’a permis de voir plein de choses», met-elle en contexte.

Chantal Soucy. (photo Ghyslain Bergeron)

En 2005, son père, Gilles Soucy, l’a nommée adjointe puis, en 2012, il l’a désignée administratrice et membre du conseil des entreprises.

«Dans les faits, personne ne relevait de moi dans l’organisation. Mon père avait décidé de m’installer à côté de lui pour que je prenne peu à peu ma place et que j’installe mon leadership. Il voulait que je me construise, que je bâtisse mon travail moi-même. Bref, le poste ne m’a pas été livré sur un plateau d’argent. J’ai passé près de 15 ans à éplucher des rapports, à analyser les filiales, à assister à des réunions, à m’informer et à me former», explique Mme Soucy.

Durant son ascension, elle s’est outillée. Elle a suivi une formation en finances pour gestionnaires d’entreprises publiques et privées à la Kellogg School of Management de Chicago, une formation spécifique sur le leadership au féminin à l’Université Stanford en Californie ainsi qu’un coaching professionnel privé de quatre ans, octroyé par Deloitte sur la relève familiale en entreprise.

Si elle a trimé dur pour gravir les échelons, Chantal Soucy assure aujourd’hui qu’elle est sur son X.

«Vous savez, quand on est une femme dans un milieu d’hommes, il faut faire nos preuves, préparer nos dossiers et le faire mieux que les autres, surtout quand on est la fille du président. La première personne que j’ai dû convaincre, c’est mon père. D’ailleurs, depuis un an et demi, il réalise l’importance des femmes dans les entreprises manufacturières. Il s’agit d’une belle fierté pour moi. Ça me réconcilie avec toutes les expériences plus difficiles que j’ai vécues», ajoute la dirigeante, qui répondait aux questions d’un média pour la toute première fois.

Bien qu’il fût en vacances au moment d’écrire ces lignes, Gilles Soucy, l’homme qui a fondé l’entreprise en 1967, a tenu à s’exprimer sur la place des femmes au sein de ses filiales. «On mise sur les forces de chacun… c’est important pour moi que nous mettions tout en place pour que les femmes soient bien présentes dans nos équipes de travail, et ce, à tous les niveaux», informe-t-il.

Chantal Soucy, 52 ans, est présidente déléguée des entreprises Soucy depuis janvier 2022.

À ce propos, sa fille soutient qu’elle travaille d’arrache-pied pour accroître le nombre de femmes dans les différentes unités. «C’est essentiel pour la profondeur et les nuances qu’elles peuvent apporter à une organisation», soutient Mme Soucy.

Elle-même, elle se définit comme une femme rassembleuse et proche des employés. Elle confie apporter du sucre à la crème et se faire appeler «Chantal» ici et là. «C’est important d’avoir une humanité.»

La dirigeante partage aussi être passionnée par la sémiotique et peindre dans ses temps libres. Sur sa table de chevet trône un livre sur la simplicité et le minimaliste.

«Je suis une personne très simple. Je fais mon lavage et j’adore cuisiner! Quand je fais mes commissions, je croise des employés et ça me tient groundée. Je suis comme tout le monde, je regarde les spéciaux et je vais au Maxi ou au Super C. Mon père m’a enseigné ceci : dans la simplicité, on retrouve tout ce dont on a besoin. Le reste, ce n’est du surplus», confie-t-elle.

Sur photo, la ressemblance entre le père et la fille est criante. Même regard; même aura.

«On est très semblable lui et moi. Je dis souvent cependant que, contrairement aux autres présidents de compagnie, je suis un carré alors que la société aime les ronds. Il a fallu que je plie mes coins pour entrer dans les ronds. J’ai un côté très cérébral, analytique, réfléchi et stratégique, mais aussi très créatif. Les 22 premières années de ma carrière, j’ai dû mettre ma créativité de côté», exprime la femme, posée.

Sa vision de l’entreprise

Depuis qu’elle a été désignée présidente déléguée de l’entreprise, Mme Soucy souligne que plusieurs filiales ont vécu de fortes croissances. L’effet de la pandémie. En plus d’avoir instauré de nouvelles valeurs, elle a remis le cap sur le développement de la mission d’entreprise.

«On a recentré la mission sur le développement des ensembles chenillés pour tout ce qui touche le récréatif, l’industriel, l’agriculture et autres. La mobilité hors route sera notre fil conducteur. Si un jour on fait des acquisitions, ce sera en lien avec cela», informe-t-elle.

Parallèlement, Mme Soucy indique qu’elle devra bien gérer la croissance.

«Quand on vit une bonne croissance, ça vient avec plein d’opportunités. Il faut faire les bons choix et au bon moment.»

Chantal Soucy, 52 ans, est présidente déléguée des entreprises Soucy depuis janvier 2022.

Et pour le reste, elle souligne qu’elle verra à ce que les entreprises demeurent agiles tout en continuant de miser sur l’innovation.

«Une entreprise, ça ne peut pas être rigide, surtout actuellement, clame-t-elle. On est assis sur des plaques tectoniques. Il faut ouvrir nos horizons, sortir de notre zone de confort et penser en dehors de la boîte. Je suis un peu tannée de voir des entreprises qui se copient l’une et l’autre. Tout est générique aujourd’hui. Je crois qu’il faut faire les choses à notre façon, innover et penser à recruter des talents avant tout.»

Elle tient également à gérer des entités à échelle humaine. Durant la pandémie, père et fille ont décidé de revenir à leurs bases. Elle indique : «En grossissant, j’ai vu que les entreprises perdaient de leur essence. Le contact humain a toujours été important pour nous et je voulais ramener ça. C’est pour ça que dès qu’une entreprise a plus de 350 employés, on la coupe en deux. On veut être capable de conserver un leadership de proximité, des entreprises gérables à hauteur d’homme, comme à l’époque de mon père».

Mécénat

Comme son paternel, Chantal Soucy accorde enfin une grande importance à ce qu’elle appelle «les retours à la société».

«Mon père a toujours dit que d’aider les gens ne l’avait jamais appauvri. Il a raison. J’ai été éduqué à séparer mon lunch en deux. C’est d’ailleurs pourquoi je m’implique avec l’organisme Partance et avec le Centre de pédiatrie sociale les Petits bonheurs», poursuit la mère de deux enfants adoptés à l’international. Ils sont âgés de 17 et 21 ans.

En outre, les entreprises Soucy contribuent à la Fondation Sainte-Croix, au Collège Saint-Bernard, de l’UQTR, du Cégep de Drummondville.

Comme quoi, la pomme ne tombe jamais bien loin de l’arbre.

 

Un secret bien gardé des entreprises Soucy

Les rondelles de hockey de la Ligue nationale de hockey sont fabriquées chez Soucy Baron, située à Saint-Jérôme. Cette entreprise a été acquise en 1996.

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