La capitale du développement est à sec

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Par Lise Tremblay
La capitale du développement est à sec
La Ville de Drummondville a épuisé sa réserve de terrains industriels. (Photo : Ghyslain Bergeron)

ÉCONOMIE. La Ville de Drummondville, surnommée la capitale du développement à travers le Québec, est à sec. Elle n’a plus de terrains publics, zonés industriel, à vendre.

Selon ce qu’il a été possible de savoir, le dernier terrain public d’importance qui a été vendu est celui qu’exploitera prochainement l’entreprise Entosystem. Celle-ci a annoncé le 26 avril dernier la construction d’une méga-usine évaluée à 60 millions de dollars dans le parc industriel du secteur Saint-Nicéphore (Vitrine 55), ce qui a épuisé la réserve de terrains prêts à construire.

On se souviendra que l’ancien maire de Drummondville, Alain Carrier, avait levé le drapeau rouge quelques fois en 2021, multipliant les déclarations publiques et accélérant le dossier d’aménagement de nouveaux espaces industriels tant du côté du secteur Saint-Charles-de-Drummond que de Saint-Nicéphore. En juillet dernier, des propriétaires ont d’ailleurs été expropriés, à leur grand désarroi, afin de permettre à la Ville de mettre rapidement sur les rails le projet de la nouvelle zone industrielle à proximité du boulevard Foucault.

En février dernier, la mairesse de Drummondville, Stéphanie Lacoste, faisait savoir que des entreprises cognaient déjà à la porte, intéressées à s’implanter sur le territoire.

Au moins deux ans seront nécessaires avant que la capitale du développement ait de nouveaux terrains à promouvoir au sein des entrepreneurs du Québec. De fait, le dossier du futur parc industriel de Saint-Charles, d’une superficie de trois millions de pieds carrés, ne progresse pas aussi rapidement qu’espéré, notamment en raison de la présence de zones humides et hydriques sur les terres qui ont été acquises. Le ministère de l’Environnement devra étudier le site et livrer les permis nécessaires à leur exploitation.

Stéphanie Lacoste, mairesse de Drummondville. (Photo d’archives)

Invitée à commenter le dossier, la mairesse de Drummondville, Stéphanie Lacoste, est d’avis que la pénurie de terrains industriels publics n’est pas une mauvaise chose en soi, même que cette réalité amènera la Ville à réévaluer ses façons de faire et à penser collaboration au lieu de compétition entre les municipalités.

«On a maintenant des enjeux qui sont plus grands que ça. On parle d’adaptation aux changements climatiques en ce moment. Tout le monde le dit : on doit densifier notre territoire et il faut mieux penser notre aménagement. On ne peut plus faire de l’étalement ad vitam aeternam. Si on veut être logique et responsable, il faut absolument combler l’espace qui est déjà prévu à cet effet-là», a-t-elle indiqué.

La mairesse fait allusion aux terrains industriels disponibles au sein des municipalités faisant partie de la MRC de Drummond, mais aussi des six millions de pieds carrés qui ont été répertoriés sur le territoire et qui appartiennent à des intérêts privés.

«Quand le téléphone sonne, la SDED est en mesure de les référer à ces propriétaires-là. Aussi, ce que je trouve intéressant, c’est que sur le territoire de la MRC de Drummond, il en reste des terrains industriels. Ça va nous permettre de consolider le développement de la MRC. Et on ne se le cachera pas : si une entreprise décide finalement de s’installer à Wickham, on sait que ces gens-là vont venir au cinéma à Drummondville et consommer localement. Ce sera gagnant-gagnant. J’aime bien mieux qu’une entreprise choisisse une municipalité d’ici qu’elle aille à Terrebonne. C’est logique d’utiliser les terrains qui existent avant d’en développer d’autres, même si c’est du privé», a-t-elle fait savoir, en ajoutant que parallèlement, la Ville «ne se tourne pas les pouces et travaille sur le dossier des deux futurs parcs industriels».

«Le futur parc de Saint-Charles ne sera peut-être pas aussi grand qu’espéré, a-t-elle laissé entendre. Mais en même temps, je ne crois pas que la présence de milieux humides soit incompatible avec des activités industrielles. J’ai visité récemment l’entreprise Soucy et on souhaite avoir maintenant des corridors de marche pour les employés. Il s’agit juste de repenser comment on planifie nos parcs industriels. Qu’il y ait présence de milieux naturels ne peut qu’être bénéfique pour les employés qui vont travailler dans ces usines-là. On a plus le choix de faire du développement différemment à cause de tout ce qu’on doit prendre en considération, comme l’environnement. Évidemment, ce ne sera pas aussi rentable que si on pouvait développer le site à 100 %, mais on n’en est plus là. Tout le monde a les mêmes enjeux maintenant; on ne veut plus vendre du pied carré pour vendre du pied carré.»

Si le futur parc industriel de Saint-Charles devait être prêt dans 24 mois, il faudra compter au moins cinq années pour que celui de Saint-Nicéphore puisse accueillir de nouvelles entreprises.

Questionnée à savoir si la Ville a fait l’exercice d’estimer les pertes de revenus, liées à la perception de taxes notamment, la mairesse de Drummondville a répondu par la négative.

«On ne l’a pas évalué, mais j’insiste en disant qu’on va développer ce qu’on a avant de faire autre chose, même si c’est du privé», a-t-elle communiqué, en précisant au passage qu’elle ne s’attend pas «perdre des dossiers» en raison du manque de terrains industriels publics. Même si elle préfère voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide, Stéphanie Lacoste a ajouté : «Si on pouvait reculer dans les années 1980, en sachant ce qu’on sait aujourd’hui, c’est sûr qu’on aurait certainement pensé notre territoire différemment.»

Trois ans

Informant que les industriels prennent en moyenne trois ans pour fignoler et concrétiser leur projet d’implantation, la mairesse évalue que le dossier du futur parc industriel de Saint-Charles aura suffisamment progressé d’ici 2024 pour permettre aux entreprises de s’y installer. «Quand ces entreprises seront prêtes, on devrait avoir les espaces nécessaires. On ne refusera aucune entreprise», a-t-elle conclu, en ajoutant que la Ville et la SDED vont aussi maintenant favoriser l’économie circulaire.

 

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