Son terrain exproprié, un homme d’affaires crie au vol

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Par Lise Tremblay
Son terrain exproprié, un homme d’affaires crie au vol
L’homme d’affaires Louis-Aimé Lepage. (Photo : Ghyslain Bergeron)

DRUMMONDVILLE. L’homme d’affaires Louis-Aimé Lepage ne dort pas très bien ces temps-ci. Depuis qu’il s’est fait exproprier une terre de 3 millions de pieds carrés près de l’autoroute 20 pour les besoins du futur parc industriel du secteur Saint-Charles-de-Drummond, il affirme subir une injustice. «C’est tellement barbare. On est en train de me voler; on est en train de voler mon bussiness, dit-il.

Louis-Aimé Lepage détient une quinzaine d’entreprises, dont Condor Chimiques, puis il est propriétaire d’une société immobilière nommée Investissements Spicer, avec laquelle il agit à titre de promoteur dans le domaine industriel, un peu partout au Québec. Il a commencé au bas de l’échelle; aujourd’hui, il jongle avec les millions.

Il y a 35 ans, il a acheté pour quelques dizaines de milliers de dollars une vaste terre située au nord du boulevard Foucault et à l’est de l’autoroute 20, près de l’entreprise Sintra. Le jeune entrepreneur qu’il était avait déjà de grandes idées. Ainsi, dès les premières années, il a demandé un changement zonage puis il a entrepris des travaux pour y amener aqueduc et égout, une condition pour aller plus loin et obtenir un permis de construction. Il n’a jamais pu aller au bout de son ambition, la Ville ayant toujours refusé de le lui délivrer, selon ses dires.

«Je me suis battu durant 20 ans avec la Ville de Drummondville. Elle a toujours refusé de m’accorder le permis de construction dont j’avais besoin alors que mon terrain était zoné industriel. Si j’avais eu ce permis, j’aurais fait beaucoup plus d’argent et j’aurais pu y implanter mes industries. Mais ils m’ont exproprié en juin dernier en me laissant que des miettes. Ils ont décidé de m’appauvrir pour aider d’autres industries», indique M. Lepage, durant un entretien à son bureau.

Sa terre occupait une superficie de 3 millions de pieds carrés. (Photo Ghyslain Bergeron)

La Ville de Drummondville lui a versé à présent la somme de 451 486 $ pour sa terre, soit 70 % des 644 980 $ qui ont été inscrits sur l’avis d’expropriation. C’est un peu plus de 0,25 $ le pied carré.

«C’est le prix d’une terre pour aller à la chasse! Là, on parle d’un terrain industriel près de l’autoroute. Ça vaut beaucoup plus que ça, croyez-moi. La Ville se défend en disant qu’elle doit amener les infrastructures, l’eau et les égouts, à cet endroit et faire les rues. Pour elle, c’est comme si elle me donnait l’équivalent de 0,75 $ du pied carré, mais elle oublie qu’elle va retirer des taxes de ces terrains», fait-il remarquer.

En ce moment, le prix des terrains industriels dans la région de Drummondville est à la hausse et ceux-ci se vendraient environ 3 $ le pied carré, infrastructures comprises, selon nos informations.

Partout, les terrains se trouvant en banlieue et le long de l’autoroute Jean-Lesage connaissent de bonnes augmentations. La Presse rapportait d’ailleurs qu’à Vaudreuil-Dorion, le coût des terrains est passé de 3 $ le pied carré à… 32 $ en l’espace de vingt ans environ.

«Je me sens tellement volé. C’est mon gagne-pain. Si je voulais aller m’acheter une autre terre, ça me coûterait beaucoup plus cher que ce que la Ville me donne. Je ne nommerai pas de nom, mais je sais qu’une personne à la Ville de Drummondville a des terrains près de la 20. Je ne crois pas qu’il accepterait de les vendre à 0,25 $ le pied carré», laisse entendre Louis-Aimé Lepage.

Même si sa terre a été officiellement expropriée en juin dernier -un geste qu’il qualifie de «barbare» en 2021 – il a décidé de se défendre. Il a embauché un avocat de Montréal puis un ingénieur avec lesquels il conteste le prix de l’avis d’expropriation devant la cour.

«Je demande d’avoir le juste prix. On comprend la situation, du fait qu’il manque de terrains industriels. Mais ce n’est pas une raison de me voler. Les démarches vont sûrement prendre plusieurs années. Ça prendra le temps qu’il faudra», affirme-t-il, en faisant observer que la Ville de Drummondville a bouclé son année 2020 avec un surplus de 12,3 millions.

Qui plus est, M. Lepage avait permis à Bell d’ériger une tour de télécommunication sur une petite partie de sa terre. Un contrat lucratif de 25 ans renouvelable, qui lui permettait d’empocher chaque mois quelques milliers de dollars.

«Ils auraient pu me laisser cette partie de terrain», lance-t-il.

À court de terrains

Sachant que la Ville de Drummondville et que la Société de développement économique de Drummondville étaient à court de terrains industriels dans la région, Louis-Aimé Lepage est allé rencontrer les principaux commettants dans ce dossier à l’automne 2019 pour réitérer sa volonté de développer son terrain.

Louis-Aimé Lepage. (Photo Ghyslain Bergeron)

«Ça ne m’aurait pas déranger moi d’en faire des rues. Ils me disaient qu’ils avaient un projet. Ils patinaient et ils nous ont étirés. Ils nous ont refusé le permis pour mieux nous exproprier. Ils m’ont dit que les parcs industriels, c’est eux autres qui s’en occupent. Le principe ne me dérange pas, mais il faut qu’ils payent le juste prix pour le terrain», insiste l’homme d’affaires.

Pour les besoins du futur parc industriel du secteur Saint-Charles, la Ville de Drummondville a aussi exproprié la terre d’un deuxième homme d’affaires, François Paquette, de l’entreprise Équipements Y. Paquette.

Ce dernier a confirmé à L’Express qu’il conteste lui aussi le prix consenti dans l’acte de l’expropriation. Il a obtenu un montant de 174 790 $ pour une terre d’un peu moins d’un million de pieds carrés.

Si ces démarches risquent de s’étirer dans le temps, considérant les délais de la cour, la Ville de Drummondville prévoit que les premiers terrains de ce nouveau parc industriel seront prêts en 2022. En avril dernier, rappelons qu’elle a accordé un premier contrat de 572 600 $ à la firme Pluritec pour la conception des plans et devis. 

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