Michel Lauzière, le génie des inventions musicales insolites

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Par Cynthia Martel
Michel Lauzière, le génie des inventions musicales insolites
Michel Lauzière est revenu dans sa ville natale, le temps de l'entrevue. Il est vêtu de son habit pour son fameux numéro du klaxophone. (Photo : Ghyslain Bergeron)

MAGAZINE. Michel Lauzière a toutes les caractéristiques d’un génie. Reconnu pour ses transformations d’objets banals en instruments spectaculaires, il a su réinventer l’humour. Malgré une semi-retraite après plus de 40 ans à faire rire et étonner les publics de la planète, l’artiste multidisciplinaire continue de charmer le monde. Retour sur une carrière exceptionnelle. 

Vous vous démarquez par votre ingéniosité à inventer des instruments musicaux avec des objets de la vie quotidienne. Votre imagination semble inépuisable. Vous est-il déjà arrivé de ne plus savoir quoi créer?

Oui, mais surtout dans la caricature. J’ai commencé dans l’humour avec ça. Au niveau des numéros, en général, j’avais des idées d’avance, car je ne sentais pas trop de pression.

 

Êtes-vous patient? Quel est le nombre d’heures en moyenne que vous consacriez à une création?

Je suis patient, mais je ne veux pas perdre mon temps en même temps. Donc, mon impatience fait que je suis patient! Ça l’air niaiseux, mais moi je me disais toujours «Je n’ai pas de temps à perdre». Mes affaires sont tellement particulières, que si ça ne marche pas, mon matériel ne peut pas se recycler en autre chose. Donc, pour moi, dans ce cas, c’est perdre mon temps. Avant même de travailler concrètement sur un projet, j’ai déjà esquissé un plan pour tenter de voir les problèmes à régler. Le nombre d’heures est variable. Il y a des projets au début qui m’ont donné l’impression que ce serait difficile, mais ç’a été le contraire; d’autres semblaient être faciles techniquement, mais au final, je me retrouvais avec plein de problèmes pas prévus à régler. Mon numéro avec les klaxons, par exemple, celui qui fonctionne le plus, ça m’a pris deux ans. J’ai travaillé les poires jusqu’à temps d’obtenir les bonnes notes.

 

Quelle est votre création la plus inusitée?

Le numéro avec les bouteilles et les patins à roulettes, en 2006.

 

Quel objet auriez-vous aimer transformer en instrument, mais que ça n’a pas abouti?

Un gros baril. Une des raisons pourquoi je ne l’ai pas fait finalement, c’est que ça aurait été trop lourd à transporter. Le principe était qu’il soit hachuré et en constante rotation, ce qui aurait produit des sons par vibration. J’ai donc opté pour quelque chose de plus simple : une petite bassine en plastique avec des petites roulettes dentées.

 

Vous est-il déjà arrivé d’avoir un concept qui n’a pas donné les résultats escomptés? Si oui, lequel?

Un numéro avec des tuyaux de différentes longueurs qui devaient donner différents sons. Ça n’avait pas assez d’impact, donc je ne l’ai pas fait. Je n’ai pas réussi à le développer d’une manière assez originale et amusante pour que ça se démarque.

 

Racontez-moi le moment où vous avez fait votre «trouvaille musicale», soit le klaxophone.

Avec un numéro très court, punché et très bon enfant durant lequel j’utilisais sept clochettes accrochées à différents endroits sur mon corps. Un jour, j’ai voulu bonifier mon spectacle en ajoutant un numéro avec le même principe, mais différent. En cherchant, j’ai donc pensé aux «pout-pout». Alors je me suis mis à en acheter plusieurs, à les retravailler et à faire mon costume.

 

Dans la vie courante, appliquez-vous le recyclage et la réutilisation des matières, comme vous le faites pour vos créations?

Absolument. Pour moi, c’est juste un rituel.

Lors de l’entrevue, Michel Lauzière a joué quelques notes avec son balai-violon. (Photo Ghyslain Bergeron)

 

Vous dites que votre marque de commerce est l’originalité. En vos mots, qu’est-ce que l’originalité?

L’originalité c’est être différent de ce qui est commun, tout en valant la peine d’être fait et présenté.

 

Vous êtes connu à travers le globe. Vous avez été invité sur les plateaux de David Letterman et Jay Leno et vous vous êtes même produit au 70e anniversaire du prince Charles, au palais de Buckingham, à Londres. Vous est-il déjà arrivé de vous pincer, en pensant au petit gars que vous étiez?

Non, car je me souviens très bien que le premier spectacle que j’ai fait, à l’âge de 14 ans, c’était dans une cabane à sucre où j’avais jasé avec une jeune femme. Elle m’avait demandé si je comptais aller loin dans la vie et je lui avais répondu tout bonnement que j’irais à Los Angeles. Pour moi, je me suis toujours dit que si on est bon, c’est normal d’atteindre ses buts. Cela dit, je suis content de rencontrer autant de personnes connues et flatté d’être invité partout.

 

Comment gère-t-on le succès?

Le danger, c’est de s’identifier à ce qu’on fait. À ce moment-là, tu deviens trop accroc à ça et tu te définis par rapport à ça. Je me suis toujours dit qu’il fallait que je garde un pied à l’extérieur, c’est-à-dire que je ne mets pas tout mon égo dans ce que je fais, sinon on se laisse emporter par le succès et tout à coup, les pieds ne touchent plus à terre.

 

Quel est votre plus beau souvenir à Drummondville?

Le parc Woodyatt! J’y ai vécu de belles choses, là. C’est un souvenir qui englobe un paquet d’activités : frisbee, pratique de jonglerie dans le chalet avec mon ancien partenaire, méditation sur le bord de la rivière et baignade à la piscine. Aussi, en 2015, lors du spectacle du 200e de Drummondville auquel j’ai participé, la scène était placée exactement à l’endroit d’un banc de parc où j’avais invité une jeune fille pour chanter une chanson!

 

Parlez-moi du Michel Lauzière enfant et adolescent.

J’étais turbulent et tannant à l’école, malgré mes bonnes notes. Je faisais souvent rire la classe. J’aimais le travail d’équipe, je faisais beaucoup de sports et j’avais beaucoup d’imagination.

 

Vous avez fait vos premières classes en tant que Foubrac en parcourant le monde. Que retenez-vous de cette aventure?

Très jeune, tout le domaine de la variété (jonglerie, acrobatie, etc.) m’attirait instinctivement. Jean (Roy), mon partenaire, m’en a beaucoup appris, il a été mon mentor. Il m’a aidé en quelque sorte à devenir l’artiste que je suis maintenant.

 

Quelques articles nécessaires à la création d’un des nombreux numéros insolites de Michel Lauzière. (Photo Ghyslain Bergeron)

Vous avez décidé en 1989 de faire cavalier seul. Pour quelle raison?

Un moment donné, nous n’étions plus sur la même longueur d’onde sur ce qu’on voulait présenter, sur ce qui était drôle ou non. C’est aussi pour des raisons relationnelles et financières. Ça m’a pris du temps avant de me décider, je faisais des compromis, car je voulais que ça fonctionne. Ç’a été la décision la plus difficile à prendre de ma vie, mais la meilleure. Ça m’a pris deux ou trois ans pour la prendre.

Depuis quelques années, vous vous considérez en semi-retraite. Comment occupez-vous vos temps libres?

Je peins, je joue de la musique et je continue d’étudier les langues, comme l’italien, l’allemand et l’espagnol. Le fait d’apprendre me garde actif.

 

En rafale

 

Nombre de pays visités?

55

Un objet qui vous tient à cœur que vous avez acheté dans un autre pays.

Je n’en ai pas en particulier, ce que j’achète, c’est du linge.

Où est le meilleur public?

Celui qui est en avant de nous!

Pour créer, bruit ou silence?

Silence.

Petite ou grande salle?

Moyenne!

La personne qui vous inspire le plus?

Une maudite bonne question… Charlie Chaplin, même si c’est cliché. Il y a aussi George Carlin, un humoriste très brillant décédé depuis quelques années.

Dans la vie de tous les jours, introverti ou extraverti?

Introverti.

En congé, ville ou campagne?

Campagne, tout le temps!

Livre qui traîne sur votre table de chevet?

Le hasard n’existe pas. Ç’a changé ma vie.

Chanson qui tourne en boucle dans vos écouteurs?

Make it with you de Bread et Ticket to ride de The Beatles.

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