Centre-ville : vers une étude de faisabilité «légitime» ou «bidon»? (Tribune libre)

Centre-ville : vers une étude de faisabilité «légitime» ou «bidon»? (Tribune libre)
(Photo : Depositphotos)

TRIBUNE LIBRE. En attendant des informations tangibles sur le projet du maire pour le centre-ville, je pense qu’il pourrait être utile de discuter des études de faisabilité… et en particulier celles qu’on peut classer comme légitimes et celles qui peuvent être considérées comme bidon.

C’est un sujet qui pourrait devenir pertinent suite au dépôt éventuel, espérons-le, d’une étude de faisabilité sur le projet centre-ville.

Voyons d’abord ce qu’est exactement une étude bidon?

Une étude bidon en est une conçue pour ressembler à tous égards à une étude légitime. La notion d’étude bidon n’est pas tant une question d’expertise de l’exécutant, mais plutôt l’intention du promoteur et la méthodologie utilisée.

Ce type d’étude commence normalement là où une étude légitime se termine, c’est à dire, le résultat final / la recommandation souhaitée.

Le promoteur du projet commence avec un objectif précis en tête. Il choisit les experts qui exécuteront l’étude en conséquence, et définit le mandat et sa portée afin que le résultat final et les recommandations soutiennent l’objectif visé.

Souvent, les alternatives viables aux résultats souhaités sont ignorées ou des options inférieures sont soigneusement choisies pour donner du poids à la recommandation finale et augmenter la crédibilité apparente de l’étude.

Ces études peuvent être réalisées à l’interne par des experts qui sont directement ou indirectement sous l’autorité du donneur d’ordre. D’autres fois, les services d’experts extérieurs peuvent être retenus, mais le donneur d’ordre exerce son influence néanmoins.

Bien que certaines études peuvent être intentionnellement bidon, il est également possible qu’une étude puisse être bidon par inadvertance. Cela peut arriver malgré les meilleures intentions de toutes les parties impliquées.

Dans ce cas, les personnes impliquées dans l’étude connaissent la conclusion souhaitée par le promoteur et sont inconsciemment influencées à rechercher des données qui soutiennent la conclusion souhaitée.

Une étude bidon peut être très coûteuse pour ceux qui soutiennent financièrement le projet, car les décideurs ne disposent pas de toutes les informations nécessaires pour prendre des décisions éclairées, ce qui augmente le niveau de risque de façon exponentielle.

D’accord, qu’est ce que constitue une étude légitime?

Une étude légitime tient compte de tous les facteurs pertinents liés à un projet et essaie de déterminer avec le plus de précision possible, si le projet est faisable à un niveau de risque acceptable.

L’élément clé pour assurer la légitimité d’une étude est que le promoteur doit vraiment vouloir identifier la meilleure option, même s’il a déjà une préférence.

Cet objectif doit aussi être clairement transmis à l’exécutant et bien sûr, l’entité à laquelle l’étude est confiée doit être compétente, aussi indépendante que possible, et sans conflits d’intérêts réels ou apparents.

Le mandat doit prévoir :

– Un calendrier d’exécution réaliste par rapport à la portée de l’étude;

– Un niveau approprié d’indépendance et d’autonomie pour s’assurer que l’exécutant dispose de la flexibilité nécessaire pour mener une étude rigoureuse et impartiale.

Un autre élément critique est la conception de l’étude. Le mandat peut être extrêmement large ou plus ciblé selon les circonstances. Dans certains cas, pour éviter que l’étude ne devienne un contrat à vie, le promoteur peut décider d’encadrer l’étude au moyen des paramètres d’étude sélectionnés, y compris la présélection des options les plus appropriées à inclure.

La sélection des options appropriées peut se faire de différentes manières. Par exemple, un comité, en consultation avec les parties prenantes ou, la population. Dans le cas d’un comité ou de structures similaires, celui-ci doit être impartial et sans influence indue. Sinon, la validité de l’étude sera compromise.

Il est également préférable de séparer la phase étude de la phase exécution. Autrement dit, qu’il soit clair dès le départ que l’exécutant de l’étude, ou toute entité liée, ne sera pas éligible à participer à la phase d’exécution.

Cette condition à pour but de  minimiser la tentation de l’exécutant de biaiser les recommandations pour obtenir un avantage concurrentiel dans l’attribution de contrats découlant de la phase d’exécution.

La question qui tue!

Comment faire la distinction entre une étude légitime et une étude bidon?

Si l’étude bidon est bien montée, c’est extrêmement difficile de distinguer l’une de l’autre. Il peut cependant avoir des indices subtils (l’un des plus évidents étant une précipitation déraisonnable pour faire adopter les recommandations de l’étude).

C’est une des raisons pourquoi aucune étude ne doit être considérée comme un évangile. Pensez aux études de faisabilité du stade olympique de Montréal (une parmi de nombreux exemples). La supposée 8e merveille du monde s’est transformée en quelque chose de tout à fait différent, comme des générations de contribuables peuvent en témoigner.

Il est essentiel d’examiner attentivement chaque rapport, et pour ce faire, il faut avoir :

– accès au rapport complet, non seulement à des extraits;

– suffisamment de temps pour permettre un examen expéditif, mais approfondi;

– une occasion de débattre des conclusions.

La manière dont un tel exercice est géré par le promoteur du projet peut fournir un excellent indicateur de si l’étude est bidon ou non.

Bien entendu, dans le cas de projet majeur, disposer d’une étude de faisabilité légitime n’a que peu de valeur si la population n’a pas la possibilité de s’exprimer et signifier son approbation par vote.

Et maintenant? Nous verrons une fois que nous aurons plus d’informations à propos du projet.

Heureusement, il y a toutes les raisons de croire que nous pouvons nous attendre à une étude légitime, car le maire a déclaré ce qui suit dans son Publireportage du 21 janvier 2020 :

«Je suis allergique aux études et analyses bidon qui ne font que retarder les processus décisionnels tout en coûtant une fortune aux contribuables.»

Et, sur ce point, le maire a tout à fait raison. Payer pour une étude bidon est un gaspillage, quel qu’en soit le prix. Par contre le coût d’une étude légitime est un investissement pour des raisons évidentes, car en identifiant correctement les risques et les opportunités elle aide les décideurs à éviter des décisions coûteuses.

 

Marc Lapierre, résident de Drummondville

M. Lapierre a été banquier durant 30 ans. Il s’est spécialisé dans le financement aux entreprises de toutes tailles. Il a aussi été consultant international durant 10 ans auprès de gouvernements et institutions financières étrangers. Il invite les gens à échanger avec lui à l’adresse suivante : mlapierre282@gmail.com

Il suggère la lecture de ces articles :

Journal de Québec – Payés pour de comités bidon – https://bit.ly/2Wwog0l

Le Devoir – Une enquête bidon  – https://bit.ly/3nBM3bc

 

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