Un amour qui dépasse les frontières

Photo de Marilyne Demers
Par Marilyne Demers
Un amour qui dépasse les frontières
Alexandrine Baril et ses chiens. (Photo : Ghyslain Bergeron)

MAGAZINE. L’amour que porte Alexandrine Baril pour les chiens dépasse les frontières. Si bien, qu’elle a décidé d’adopter des rescapés d’outre-mer.

Plus jeune, Alexandrine n’avait pas d’animaux à la maison. Ni chat, ni chien, ni poisson. Ce n’est qu’en cinquième année du secondaire qu’elle en a côtoyé un pour la première fois. Le père de son ex-copain a adopté un berger allemand. «J’ai réalisé que les chiens ressemblaient à des humains, dans le sens où ils ont des émotions et des besoins», observe la femme de 27 ans.

Originaire de Victoriaville, elle s’est mise à faire du bénévolat. D’abord à la Société protectrice des animaux d’Arthabaska, puis chez Humane Society International, à Montréal.

Elle a ensuite découvert Chiots Nordiques, qui s’implique dans les communautés autochtones du Québec pour faire face aux enjeux de surpopulation canine. Plus tard, celle que l’on peut aujourd’hui apercevoir dans Refuge animal sur les ondes de TVA a joint le conseil d’administration de l’organisme.

Entre son implication bénévole, ses aller-retours dans le Nord en moyenne une fois par mois, son emploi de fiscaliste chez Deloitte et ses nombreuses heures comme correctrice dans quatre universités différentes, Alexandrine trouve aussi le temps de voyager à l’étranger. Ayant succombé à des coups de foudre canins, elle a ramené dans ses valises bien plus que des souvenirs.

Minion

Pour Alexandrine Baril, voyage rime avec refuge animal. Ses vacances à Bali n’ont pas fait exception. En se rendant, en scooter, rencontrer un vétérinaire qui sauve des chiens errants, elle a aperçu un chiot mal en point sous un camion, sur le bord de la route. «Je l’ai dit à mon ancien copain, qui conduisait. Il m’a dit qu’on arrêterait, sinon j’en parlerais toute la journée», raconte-t-elle, en riant.

Minion. (Photo: Gracieuseté)

Même en brandissant des croquettes pour chien – qu’elle traîne toujours avec elle en voyage – le chiot n’a pas voulu sortir de sa cachette. Alors qu’ils plaçaient des roches autour de la camionnette pour l’empêcher de se sauver, il a tout de même pris la poudre d’escampette. Elle a cependant réussi à l’attraper. «Il souffrait de la démodécie, des problèmes de peau. Sa peau était rose et enflée. Il faisait de la fièvre. On l’a apporté avec nous pour le montrer au vétérinaire.»

Le reste du voyage, Alexandrine a passé ses avant-midis chez le vétérinaire pour jouer avec le chiot. Elle l’a même baptisé Minion. «Dans ce temps-là, les minions étaient à la mode. Je me suis dit que là-bas, ils devaient aussi savoir ce que c’était», rigole-t-elle.

Le dernier jour, l’heure était aux adieux. «J’ai remis Minion dans la cage. Il me regardait, tout content. Moi, je retournais dans ma belle vie et je le laissais là. On m’avait dit qu’il allait probablement finir à la rue», s’attriste-t-elle.

De retour au pays, elle a trouvé un refuge pour s’occuper du chiot. Pendant des mois, elle a fait parvenir des sous pour payer ses traitements. Puis, après plusieurs démarches et… 48 heures de vol, Minion est atterri au Québec.

Joanna

Joanna. (Photo: Gracieuseté)

L’été suivant, Alexandrine s’est envolée pour la Thaïlande. «Je voulais dédier mon voyage au bénévolat. J’ai trouvé un endroit nommé Dog Rescue Thailand. J’y ai passé presque un mois», indique-t-elle.

Parmi les rescapés, il y avait ce chiot. Joanna. Une cicatrice sur la joue et le regard triste. «Elle longeait les murs et regardait le sol. Elle était toujours cachée», se souvient Alexandrine.

Joanna était aussi destinée à finir dans la rue. «Je me suis encore une fois embarquée dans une adoption internationale», lance la Drummondvilloise.

Quelques mois plus tard, la chienne rejoignait Minion. Cependant, les premières semaines ont été plus difficiles. «Joanna restait couchée dans son panier, sans bouger. Elle se levait quelques fois par jour pour pleurer et longer les murs de mon ancien appartement. En plus, Joanna et Minion se détestaient. J’avais fait les présentations à la garderie pour que ce soit plus facile pour eux, mais ç’a échoué. Quand leurs regards se sont croisés, ils ont tout de suite montré les dents», relate-t-elle.

Heureusement, de fil en aiguille, ils se sont apprivoisés. «Mes parents ont gardé Minion pendant un mois. J’ai espacé les rencontres et ç’a évolué. Maintenant, ils sont ensemble dans la maison et tout va bien», ajoute-t-elle.

Hienno
Hiver 2019, destination Belize. Alexandrine Baril s’implique avec la Fondation Aide Vétérinaire Internationale (FAVI), qui réalise des cliniques de stérilisation dans divers pays. «Seuls les chiens ayant un propriétaire sont stérilisés. L’organisme ne capture pas les chiens errants», informe-t-elle.

Et parmi ces bêtes en liberté, il y avait Hienno. C’est le nom que lui ont donné les bénévoles du FAVI en raison de sa ressemblance avec une hyène, lui qui les a suivis toute la durée du voyage.

Hienno. (Photo: Gracieuseté)

«Il nous a adoptés. Il dormait devant notre maison. Quand on allait au restaurant, il nous attendait à l’extérieur. Une dame qui y travaillait l’avait même chassé, mais il était revenu se coucher en petite boule, raconte Alexandrine. Une journée, on est parti en bateau et il nous a suivis jusque sur le bout du quai. Il nous regardait partir. Quand on est revenu le soir, il y était encore.»

Le dernier jour, quinze minutes avant de retourner à l’aéroport, Alexandrine a éclaté en sanglots en regardant Hienno. «J’ai décidé de le ramener. Des chiens errants, j’en ai vu plusieurs dans ma vie, mais il y en a avec qui tu as un déclic. C’est comme un coup de cœur. Il y a un lien qui se crée», explique-t-elle.

Pour que Hienno puisse embarquer dans l’avion, Alexandrine devait attendre au minimum un mois, le temps qu’il reçoive les vaccins nécessaires. Elle devait lui trouver une famille d’accueil. Les minutes étaient comptées. «Je suis allée voir la famille qui nous accueillait. Un couple dans la soixantaine, qui habitait auparavant dans l’Ouest canadien», fait-elle savoir.

«Le couple avait cinq chiens, dont un que j’avais convaincu d’adopter durant la semaine. De plus, avant que la femme et l’homme s’installent au Belize en permanence, ils ramenaient des chiens errants au Canada pour leur trouver une famille. J’avais donc espoir qu’ils m’aident», poursuit-elle.

Alexandrine avait vu juste. Le couple a accepté de prendre soin de Hienno, temporairement. «Je me rappelle la scène quand nous sommes partis. On était assis dans une boîte de camion. Le monsieur tenait Hienno en laisse et me regardait. Il pleurait.»

«Autour de chacun des chiens que j’ai adoptés, j’ai rencontré des personnes formidables et vécu des expériences incroyables. Ça démontre aussi aux gens que même si ce sont des chiens écorchés vifs, maintenant, ils sont heureux. Ces chiens sont tous ma vie.»

Sam  
Sam vient de Ekuanitshit, une communauté autochtone dans le Nord-du-Québec. Durant un week-end avec Chiots Nordiques à l’automne 2018, Alexandrine Baril s’est rendue dans ce village situé à deux heures de route de Sept-Îles. Elle a été marquée par le pelage noir et les yeux orange de ce chien errant d’environ six mois.

Sam. (Photo: Ghyslain Bergeron)

«On l’avait stérilisé. On devait repartir avec lui, mais une heure avant notre départ, un adolescent est venu le réclamer. Le chien ne reconnaissait pas le garçon, mais celui-ci a insisté», se rappelle-t-elle.

L’équipe de Chiots Nordiques est finalement repartie sans Sam. Le hic, c’est que l’adolescent s’était trompé de chien. Quand les bénévoles, dont Alexandrine, y sont retournés un an plus tard, Sam était toujours errant. «Il a un regard particulier, je l’ai tout de suite reconnu. Il boitait. Il était vraiment maigre. Quand il nous a vu, il s’est sauvé.»

Vérifications faites, Sam n’appartenait à personne. Les bénévoles ont essayé de le capturer avec une cage-trappe, mais en vain. Le lendemain après l’avoir installée, il n’y avait plus de nourriture dans la cage et celle-ci était vide. «Sam était couché dans le fossé juste à côté. On avait une cinquantaine de chiens à ramener et une quinzaine d’heures de route à faire. On n’avait plus de temps. On est parti une deuxième fois sans lui», se désole-t-elle.

Alexandrine a demandé à une bénévole nommée Angèle, qui habitait dans cette communauté autochtone, de tenter de nourrir Sam. «Elle essayait, mais elle ne le trouvait pas toujours. Parfois, il passait cinq jours sans manger. Il avait découvert le dépotoir. La bénévole courrait après lui chaque matin, midi et soir. Elle m’a demandé de venir parce qu’elle ne voulait plus continuer», indique-t-elle.

Alexandrine, sourire aux lèvres, tout juste après avoir capturé Sam. (Photo: Gracieuseté)

Fin novembre, Alexandrine Baril a demandé à deux bénévoles de l’accompagner. Elle a acheté trois billets d’avion vers Sept-Îles, loué une camionnette pour se rendre à Ekuanitshit et déboursé environ 600 $ pour faire venir une cage-trappe.

«En tout, ce sauvetage m’a coûté environ 3 000 $, mais j’étais incapable d’être fonctionnelle. Angèle m’envoyait des vidéos de Sam. Je me sentais tellement coupable de ne pas l’avoir ramené la première fois. Ça faisait plus d’un an que je pensais à ce chien tous les soirs et que je voulais le sauver», confie cette grande amoureuse des chiens.

Une fois de plus, la cage-trappe a été un échec. «Il nous fallait attraper Sam manuellement. Il dormait profondément sur le balcon d’une maison. Une des bénévoles avec qui j’étais s’est approchée de lui tranquillement. Quand elle a mis son pied sur la première marche, Sam a ouvert les yeux. Elle s’est élancée sur lui. J’ai couru et je me suis aussi lancée sur lui. Je tremblais et lui aussi. Je l’avais enfin capturé», se souvient-elle, les yeux pétillants.

Alexandrine a pu ramener Sam à Drummondville pour lui trouver un foyer. La maison de cette femme au grand cœur étant maintenant pleine, elle s’est engagée à prendre des chiens errants sous son aile. «Je veux en ramener trois par année et leur trouver une famille. J’en ai déjà choisi trois qui viennent du même refuge que Joanna», fait-elle savoir.

Si deux d’entre eux ont déjà un foyer qui les attend ici, gageons qu’il ne s’agit qu’une question de temps avant que cette passionnée au regard persuasif trouve une famille à l’ensemble de ce trio.

Minion, Hienno, Joanna et Sam.
Partager cet article