Ruel : «L’équipe était vraiment soudée»

Ruel : «L’équipe était vraiment soudée»
André Ruel savourant la conquête de la coupe du Président en compagnie de sa famille et de Dmitry Kulikov. (Photo : archives, Ghyslain Bergeron)

HOCKEY. (NDLR : Dans le cadre du dixième anniversaire de la conquête de la coupe du Président par les Voltigeurs de Drummondville, L’Express propose à ses lecteurs une série d’entrevues avec des acteurs-clés de l’unique édition championne dans l’histoire de la concession.)

André Ruel a les Voltigeurs tatoués sur le cœur. Ayant traversé les bonnes années comme celles de vaches maigres et ayant occupé presque tous les postes au fil des ans, que ce soit derrière le banc ou au deuxième étage, le Drummondvillois aura joué un rôle capital dans la conquête de la coupe du Président au printemps 2009.

Lorsque les Voltigeurs ont commencé à s’imposer comme de sérieux prétendants aux grands honneurs cette saison-là, André Ruel était donc bien placé pour apprécier la chance historique qui se profilait à l’horizon pour la formation drummondvilloise. Depuis quelques années, l’homme de hockey était de retour dans l’organisation comme conseiller spécial auprès du directeur général Dominic Ricard. Il avait entre autres hérité du dossier du repêchage européen en plus de travailler étroitement avec l’entraîneur-chef Guy Boucher.

«L’équipe avait déjà atteint la finale deux fois, sans mettre la main sur la coupe. En 1991, on était aussi passé proche au tournoi de la coupe Memorial. J’avais vu ça de l’extérieur puisque j’étais avec les Bisons de Granby à ce moment-là, mais ça m’avait déçu, parce que l’équipe méritait de gagner. En 2009, je savais donc que cette chance-là n’arrivait pas souvent. Dans l’histoire d’une organisation, ça survient peut-être une seule fois aux dix ans.»

Avant le début de la finale contre les Cataractes de Shawinigan, Ruel a donc tenu à livrer un précieux conseil aux protégés de Guy Boucher. «J’avais dit aux gars qu’ils ne devaient pas avoir de regrets, de s’arranger pour se créer des souvenirs positifs. Parce que si tu ne gagnes pas, tu vas y repenser toute ta vie. L’exemple qui me vient en tête, c’est Daniel Brière qui a atteint la finale de la coupe Stanley avec les Flyers de Philadelphie il y a quelques années. Encore aujourd’hui, il n’aime pas repenser à cette déception», raconte Ruel.

À peine un an plus tôt, alors que les Voltigeurs croupissait au dernier rang du classement général, peu d’observateurs auraient pu prédire que l’équipe s’apprêtait à connaître la meilleure saison de son histoire. «C’était une saison désastreuse, mais je répétais souvent aux partisans d’y croire. On avait de bons jeunes joueurs. On avait l’opportunité de repartir dans la bonne direction avec les échanges et nos choix au repêchage, mais honnêtement, on ne pensait pas que ça se ferait aussi vite.»

L’une des pièces maîtresses de cette reconstruction éclair, c’est justement Ruel qui l’avait déniché lors du championnat mondial des moins de 18 ans disputé à Kazan, en Russie. Détenant le deuxième choix au total du repêchage européen, les Voltigeurs avaient réussi à s’entendre avec le défenseur étoile Dmitry Kulikov. Le Russe aura été dominant à la ligne bleue des Rouges.

«En Kulikov, on savait qu’on mettait la main sur un défenseur de premier plan. On a toutefois dû travailler sur ce dossier pendant plusieurs mois. Il était déjà sous contrat chez les professionnels en Russie. Chaque jour, il y avait un nouveau rebondissement dans ce dossier. C’était de vraies montagnes russes, mais on avait réussi à convaincre tout le monde.»

Lors de ce repêchage, les Voltigeurs avaient également réclamé le défenseur russe Igor Golovkov. Ce dernier a finalement quitté Drummondville après quelques semaines en raison de problèmes d’adaptation. «Ça ne fonctionnait pas avec Golovkov, mais comme il était le neveu du président de la KHL et que son père travaillait au KGB, il fallait trouver une façon diplomatique de se sortir de cette situation. On avait écrit une lettre politiquement correcte à ses parents, mais finalement, c’est lui-même qui est venu nous annoncer qu’il s’en retournait en Russie.»

Le départ de Golovkov avait finalement ouvert la porte à l’entrée en scène du Tchèque Patrik Prokop. Comme Kulikov, ce gagnant de la coupe du Président avec les Olympiques de Gatineau l’année précédente avait joué un rôle-clé au sein de la brigade défensive drummondvilloise. «Prokop était le meilleur candidat disponible, mais il était déjà sous contrat chez les pros dans son pays. J’avais vu qu’il ne jouait pas beaucoup, alors je l’avais contacté et il s’était dit intéressé à revenir dans la LHJMQ. L’échange avec Gatineau avait été compliqué, mais on avait réussi à trouver un terrain d’entente.»

Une complicité au-delà du hockey

Ayant déjà acquis Dany Massé et Yannick Riendeau via le marché des transactions durant la saison morte, les Voltigeurs avaient de nouveau transigé pour mettre la main sur les dernières pièces manquantes à leur puzzle durant la période des Fêtes. Christopher DiDomenico et Marco Cousineau avaient pris le chemin de Drummondville, mais le second échange avait bien failli ne jamais se réaliser.

André Ruel (Photo d’archives, Ghyslain Bergeron)

«On voulait Cousineau, mais il n’y avait aucune ouverture de la part du Drakkar. Une entente semblait impossible, mais j’ai demandé au dépisteur des Ducks d’Anaheim, Alain Chainey, de nous donner un coup de main dans ce dossier. Il avait appelé le Drakkar et à peine 20 minutes plus tard, l’échange était fait! Finalement, Cousineau avait volé quelques matchs à lui seul .»

Cette saison-là, Ruel avait également travaillé derrière le banc en compagnie de Danny Brooks lorsque Guy Boucher s’était absenté en raison de sa participation au championnat mondial junior. C’est à ce moment que sa relation avec Mike Hoffman et Samson Mahbod s’était développée.

«J’avais pu constater que ces deux joueurs demandaient beaucoup de temps et d’énergie aux entraîneurs. Au retour de Guy, je lui avais suggéré de m’en occuper pour lui laisser plus de temps à consacrer aux autres joueurs. J’avais dit à Mike et Samson que que s’ils voulaient jouer chez les pros, ils devaient s’améliorer sur certains points. Je les évaluais avec un bulletin qui se concentrait sur trois forces et une faiblesse. Au début, Hoffman ne prenait pas ça au sérieux, mais Mahbod l’avait convaincu d’embarquer. Puis, quand les Sénateurs d’Ottawa ont commencé à s’intéresser à Mike, son attitude a changé du tout au tout. Il avait connu d’excellentes séries, ce qui lui avait permis d’être repêché», raconte Ruel, qui avait d’ailleurs demandé à son ami Brière de convaincre Hoffman de se rapporter aux Voltigeurs en 2007.

Un autre joueur qui avait pu profiter des conseils de Ruel cette saison-là, c’est Sean Couturier. Âgé d’à peine 16 ans, l’attaquant était toujours à la recherche de son premier but au mois de décembre. «Il avait pourtant un bon lancer, mais il se mettait beaucoup de poids sur les épaules. Un jour, je lui ai demandé de repenser à ses dix buts les plus importants dans les catégories inférieures. À la fin de la semaine, je lui avais demandé combien il avait marqué de buts dans sa tête? Il m’avait répondu : «au moins 40!» Je lui ai dit qu’il serait sûrement capable d’en marquer au moins un ce soir-là. On l’a placé sur le même trio que Riendeau et Massé et il a marqué. Ça prouve que c’était vraiment une question de mental.»

Au fil des mois, la complicité entre Ruel, Ricard, Boucher, Brooks et leurs collaborateurs avait permis de faire avancer l’équipe vers les plus hauts sommets. «On travaillait en équipe. Chacun se respectait. On s’échangeait des idées et on ne parlait pas juste de hockey. On parlait beaucoup des individus. La force de Guy, c’était le mental et la psychologie. Il n’avait pas son pareil pour aller chercher le meilleur de chaque joueur ou pour ramener un gars qui n’était pas dans son assiette», se rappelle Ruel, en précisant que le spécialiste en sociométrie Pierre Villemure avait également été d’une aide précieuse.

«Nos leaders comme Marc-Olivier Vachon, Gabriel Dumont et Benoît Lévesque étaient aussi très impliqués. L’équipe était vraiment soudée. On avait beaucoup de talent, mais les gars donnaient tout ce qu’ils avaient pour l’équipe. C’est pourquoi on avait gagné la finale. Et sans les blessures, on aurait eu la chance de gagner la coupe Memorial.»

Des ressemblances… dix ans plus tard

Oeuvrant aujourd’hui au sein de l’agence CAA, André Ruel suit toujours les activités des Voltigeurs avec intérêt. L’homme de hockey de 68 ans se dit convaincu que l’équipe possède les ingrédients nécessaires pour répéter l’exploit de 2009.

«Leur noyau a évolué ensemble au cours des dernières années. L’équipe a vécu de l’adversité lors de la première saison de Dominique Ducharme, mais les gars ont grandi à travers ça. Non seulement ils ont du talent, mais la chimie est là. Ils ont de bons leaders et l’arrivée de Maxime Comtois vient consolider tout ça.»

En compagnie de Dominic Ricard, Ruel représente notamment les intérêts d’Olivier Rodrigue et de Nicolas Beaudin. «L’arrivée d’Anthony Morrone va permettre à Rodrigue de jouer moins de matchs. Il va doser ses efforts, ce qui lui permettra de ne pas s’épuiser. En séries, il sera prêt à faire face à la musique.»

«Quant à Beaudin, il a vécu une déception au camp d’Équipe Canada, mais il a rapidement tourné la page. C’était notre travail de l’aider là-dedans. Il se concentre maintenant à aller le plus loin possible avec les Voltigeurs. C’est un leader silencieux, un peu à l’image de Vachon à l’époque.»

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