Une préposée se confie

Une préposée se confie
(Photo : (Depositphoto))

AIDE À DOMICILE. Travaillant pour le chèque emploi-service depuis plus d’une dizaine d’années, une préposée d’Angèle Therrien a accepté d’accorder une entrevue à L’Express pour appuyer les dires de la dame.

Ne pouvant dévoiler son identité en raison de ses activités professionnelles, l’employée du programme gouvernemental avoue que la situation est difficile tant pour les préposés que pour les personnes ayant un handicap. «Quand on s’engage à travailler pour le chèque emploi-service, ce n’est pas pour faire de l’argent, c’est véritablement pour aider ces personnes qui doivent vivre dans des conditions précaires», a-t-elle affirmé d’entrée de jeu.

Ainsi, cette préposée a vu son taux horaire passer de 10 $, au début des années 2000, à 12,53 $ en 2018, et ce, malgré l’expérience qu’elle a acquise pendant toutes ces années. «Moi, je gagne le même salaire qu’une personne qui vient tout juste de commencer. On ne demande pas la lune, mais il faudrait que le salaire soit ajusté selon l’expérience de la personne engagée», a ajouté celle qui se déplace à toute heure du jour pour venir en aide à Mme Therrien.

Un format  inadapté

Toujours selon cette employée du chèque emploi-service, le programme montre des failles qui contribuent au manque de personnel et aux nombreux refus de déplacements.

En plus d’un salaire bien en deçà des employés du système de santé, les préposés du programme doivent composer avec des horaires coupés qui rendent l’organisation complexe. «J’ai déjà été employée par une dame pour des quarts de travail de huit heures consécutives, mais c’est rare, a-t-elle déclaré. La plupart du temps, on doit se rendre à plusieurs endroits différents dans la journée pour avoir un horaire complet. Ça fait en sorte qu’on doit prévoir de nombreux déplacements et qu’on ne peut pas s‘éterniser parce que quelqu’un d’autre nous attend. Des fois, c’est difficile parce que la personne qu’on aide aurait besoin qu’on reste plus longtemps.»

Celle-ci est aussi revenue sur les nombreux kilomètres que les préposés doivent parcourir quotidiennement, lesquels ne sont pas remboursés par le chèque emploi-service. «Les situations sont différentes d’une personne à l’autre, mais les préposés font souvent plus de 100 km par semaine pour travailler. C’est donc dire qu’en plus de recevoir un bas salaire, ils doivent payer tous les déplacements de leurs poches, même si c’est imposé par le fonctionnement du programme. Ce faisant, ils sont beaucoup plus réticents à prendre des heures loin de leur domicile et ça contribue directement au manque de personnel dans certains secteurs», a expliqué celle qui a deux autres emplois pour subvenir à ses besoins.

Des demandes «légitimes»

Questionnée à savoir comment on pourrait améliorer le chèque emploi-service, la préposée a été claire dans ses propos : il faut que les employés du programme reçoivent une formation uniforme et que le tout soit géré de manière à ce que les déplacements soient limités. «On nous dit que nous ne sommes pas des professionnels formés, mais il y a moyen de construire une formation minimale qui nous aiderait à rendre de meilleurs services aux personnes handicapées. Tous en ressortiraient gagnants et on aurait peut-être droit à des salaires plus adéquats, a suggéré celle qui n’a pas hésité à parfaire ses connaissances au fil des ans. Elle a notamment suivi des cours sur les Principes pour le déplacement sécuritaire des bénéficiaires (PDSB), une formation qu’elle juge «essentielle» pour tous les préposés du chèque emploi-service.

De plus, cette dernière a révélé qu’un programme avait été mis de l’avant par différentes associations de la région, mais que le projet avait avorté en raison d’un manque de financement. «Le programme aurait réglé quelques problèmes avec les déplacements. Le but était d’avoir une personne responsable de la distribution des heures tout en réduisant les déplacements des employés. Ça aurait facilité la vie des préposés et des personnes handicapées, mais, malheureusement, c’est tombé à l’eau», a-t-elle fait savoir.

Joint par L’Express, Daniel Mailhot, directeur de l’Association des personnes handicapées de Drummond, a confirmé que le projet avait été bâti, mais que le manque de fonds avait provoqué l’arrêt des procédures.

Un fort lien d’amitié

Au cours des dernières années, cette préposée a été appelée à côtoyer Angèle Therrien sur une base quotidienne, créant ainsi un fort lien d’amitié entre les deux femmes. «Je vous dirais que quand je suis allée faire le premier soin de Mme Therrien, j’ai tout de suite compris qu’elle avait besoin d’aide et que je pouvais l’assister. Je me suis dit que je pourrais faire la différence pour elle et nous sommes devenues amies. C’est facile de travailler avec elle et nous avons créé une complicité et nous travaillons en équipe», a conclu celle qui n’hésite pas à faire quelques heures de bénévolat par semaine pour alléger les journées de Mme Therrien.

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