La mission d’Angèle Therrien

La mission d’Angèle Therrien
Angèle Therrien. (Photo : (Photo Ghyslain Bergeron))

VIVRE. Atteinte de la poliomyélite, communément appelée «polio», Angèle Therrien a dû vivre avec la maladie tout au long de sa vie. Aujourd’hui âgée de 66 ans, elle multiplie ses engagements communautaires et continue d’être la voix de plusieurs personnes handicapées de la région. Vivant dans des conditions précaires, la dame souhaite changer les choses pour qu’elle et ses pairs aient des conditions de vie plus «faciles».

Après avoir travaillé en tant que secrétaire pendant plus de 23 ans, dont 17 ans pour l’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ), Mme Therrien s’est vue contrainte, en raison de l’apparition de nouveaux symptômes, de quitter le marché du travail pour préserver une santé acceptable. «En 1999, mon état s’est détérioré et j’avais beaucoup plus mal qu’à l’habitude. Après avoir passé des examens à Montréal, on m’a annoncé que je souffrais du syndrome post-polio. À partir de ce moment-là, j’ai été obligée d’arrêter de travailler. C’est triste parce que j’adorais cet emploi, mais ça aurait pu provoquer la paralysie de mes bras à tout moment», a-t-elle exprimé lors de son entretien avec le journal L’Express.

Toutefois, Angèle Therrien ne s’est pas laissé abattre par sa situation, elle qui se considère choyée de pouvoir continuer à vivre une vie «normale». «Je me suis toujours considérée chanceuse en dépit de mon handicap, a-t-elle insisté.  J’ai mené une vie normale comme tout le monde. Je me suis mariée, j’ai eu deux enfants, j’ai travaillé.  Aujourd’hui, je ne peux plus travailler, mais je continue de m’impliquer avec les personnes handicapées parce que c’est important pour moi.»

Vivant maintenant seule, la dame qui passe ses journées assise dans son fauteuil roulant continue, jour après jour, de multiplier ses implications sociales. En plus de s’être engagée avec l’Association des personnes handicapées de Drummond (APHD) et les Roul’Entrain, un organisme qu’elle a elle-même fondé, Mme Therrien fait régulièrement du bénévolat pour diverses causes, elle est aidante naturelle, elle offre des prestations musicales dans des résidences pour personnes âgées, elle donne des conférences dans les écoles, et plus encore. «Pour moi, c’est important de redonner aux autres. Je ne peux plus travailler, mais je peux encore m’investir dans des causes qui me tiennent à cœur et essayer de faire avancer les choses», a-t-elle poursuivi.

Par contre, la sexagénaire ne peut pas tout faire seule et doit se tourner vers le chèque emploi-service, un programme destiné aux personnes vivant avec un handicap, pour avoir du soutien à domicile et vaquer à ses occupations quotidiennes.

C’est d’ailleurs pour obtenir de meilleures conditions, tant pour elle que pour les salariés de ce programme, qu’elle s’est rendue à la séance publique d’information du Centre intégré universitaire de santé et de service sociaux de la Mauricie/Centre-du Québec (CIUSSS MCQ), en novembre dernier.

Des changements nécessaires

Lors de cette soirée destinée à se rapprocher de la population et d’entendre le point de vue des citoyens, Angèle Therrien n’a pas hésité à soulever quelques points névralgiques du chèque emploi-service qu’elle juge «tout simplement inacceptables».

Au cours d’une discussion avec l’ex-directeur général Martin Beaumont, la dame de 66 ans a notamment parlé des salaires «trop bas» et des évaluations annuelles «accablantes».

Tout d’abord, il faut savoir que les employés du chèque emploi-service sont des personnes n’ayant reçu aucune formation (non-professionnelles,) qui reçoivent une rémunération de 12,53 $ de l’heure en échange de leurs services. Même si la rémunération passera bientôt à 12,95 $ de l’heure, le tout rétroactif au mois de novembre 2018, Angèle Therrien croit fermement que ces personnes sont «sous-payées» et que le montant accordé est en lien direct avec le manque de personnel. «Avant, le CLSC avait une grande banque de noms et nous pouvions facilement trouver de nouveaux préposés. Maintenant, c’est très difficile d’avoir accès aux gens parce qu’ils ne sont pas assez payés. La plupart souhaitent recevoir l’allocation prévue en plus d’un supplément, alors on doit se tourner vers d’autres. Tout ça, c’est sans compter que la plupart des gens ne veulent pas travailler les fins de semaine, les soirs et les jours fériés», a-t-elle fait valoir.

De plus, les employés du chèque emploi-service ne reçoivent aucun dédommagement pour les nombreux déplacements qu’ils doivent faire pendant leur semaine de travail, ce qu’ils considèrent «totalement  injustifiable». «Les employés doivent déjà composer avec des heures coupées, ce qui fait en sorte qu’ils doivent se déplacer pendant toute la journée pour avoir une paie qui a du sens! Après ça, c’est nous, les personnes handicapées, qui en subissent les conséquences parce qu’ils ne veulent pas aller trop loin pour ne pas perdre de temps et d’argent. J’aurais besoin d’une préposée tout au long de la journée, mais je ne suis pas capable d’avoir quelqu’un qui arrive ici le matin, et qui repart le soir parce qu’on m’accorde des heures coupées sur le chèque-emploi service», a laissé entendre celle qui doit recevoir, chaque jour, quatre personnes différentes pour l’aider dans ses tâches quotidiennes.

Toujours dans le but de conserver son admissibilité au chèque emploi-service, Mme Therrien doit annuellement subir une évaluation, et ce, même si son état ne peut s’améliorer. «Ils viennent ici tous les ans pour voir si je dois véritablement avoir droit à toutes mes heures de services. C’est pénible, parce que je dois toujours raconter mon histoire depuis le tout début. Je suis handicapée et ma situation ne peut que se détériorer. Les heures que j’aies, j’en ai besoin tout comme les autres», s’est-elle émotivement exclamée.

Ne pouvant divulguer le nombre d’heures exactes auxquelles elle a droit, Angèle Therrien a tout de même admis qu’elle a dû composer avec des coupures d’heures au cours des dernières années et qu’elle n’est pas seule dans cette situation. «Il faut que les gens comprennent que je ne suis pas la seule à vivre dans ce contexte. On me dit toujours qu’ils manquent d’argent et qu’ils ont besoin de couper le plus possible, mais je ne comprends pas pourquoi ce sont les personnes handicapées qui doivent payer la note», a exprimé la dame.

Aux dires de M. Therrien, la réponse de M. Beaumont a été somme toute positive, même si elle demeure sceptique quant à d’éventuels changements. «Il (Martin Beaumont) m’a fait savoir qu’il m’avait entendue et qu’il regarderait la situation de près, mais il a quitté le 21 janvier, donc je reste dans le néant. On m’a dit que le chèque emploi-service a été instauré pour faire sauver de l’argent au gouvernement et il faut qu’il se passe quelque chose et que ça change», a-t-elle conclu.

Une journée dans la peau d’Angèle Therrien

Afin de vivre une vie «normale» et de pouvoir participer à ses activités, Angèle Therrien a besoin de soins à domicile qui sont entièrement payés par le programme du chèque emploi-service.

Ainsi, chaque jour, elle reçoit quelqu’un pour le lever de même que le déjeuner aux alentours de 9 h et pour le coucher, à 22 h. Vers 10 h, une autre personne vient lui prodiguer les soins d’hygiène et procède à l’habillage. Pour terminer, une dernière préposée lui prépare un dîner pour midi et un souper pour 17 h.

Mentionnons également qu’elle doit faire appel à quelqu’un à chaque fois qu’elle doit se rendre à la toilette.

Pendant ses après-midis, Angèle Therrien peut se déplacer à l’aide de son véhicule adapté (qu’elle paie de sa poche mis à part les adaptations) et en profite pour faire du bénévolat et s’impliquer dans des causes qui lui tiennent à cœur.

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