La question qu’il ne faut pas demander à un soldat à la retraite

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Par Jean-Pierre Boisvert
La question qu’il ne faut pas demander à un soldat à la retraite
Richard Sylvain. (Photo : (Photo Ghyslain Bergeron))

ENTREVUE. C’est sûr que la première question qu’on pense poser à un soldat à la retraite est de lui demander s’il a déjà tué des ennemis, mais ce n’est pas une bonne idée. D’abord, il ne le dira pas et il n’aura certainement pas le goût d’en parler.

C’est ce que laisse comprendre Richard Sylvain qui, au cours de sa carrière de 30 ans dans les Forces armées, a notamment été dépêché dans des endroits pas tellement recommandés par l’industrie touristique comme la Bosnie-Herzégovine et l’Afghanistan.

«Disons que je n’ai pas été en conflit direct avec une personne», se limitera à dire celui qui aujourd’hui est directeur adjoint à l’aéroport de Drummondville. «C’est une question qui est souvent demandée à des anciens soldats, mais ils ne répondront pas. On peut s’en parler entre nous autres, mais c’est tout».

À l’approche du Jour du Souvenir, aussi connu comme jour de l’Armistice, ce dimanche 11 novembre, il ne peut que nous venir à l’idée, du moins pour ceux qui connaissent un petit peu l’histoire, les sacrifices et les efforts surhumains qu’ont dû déployer plusieurs de nos compatriotes pour défendre la liberté, qui n’est peut-être pas toujours appréciée à sa juste valeur. Voilà bien une occasion de la célébrer!

Dans ce contexte, l’histoire de Richard Sylvain est à la fois banale et extraordinaire. Banale parce que c’est celle d’un Drummondvillois qui s’est engagé volontairement dans les Forces armées, et extraordinaire parce que c’est celle d’un jeune homme de 18 ans qui s’est engagé volontairement dans les Forces armées. Pas trop nombreux, avouons-le, ceux qui ont songé à faire ce choix-là à 18 ans.

Richard Sylvain. (Photo Ghyslain Bergeron)

«Je voulais partir, voyager. J’avais une bonne forme physique en partant, je courais régulièrement 10 km par jour. La discipline de l’entrainement ne me faisait pas peur. Mon rêve c’était de devenir pilote, mais j’ai été refusé parce que je portais des lunettes. Je suis toutefois resté dans l’aviation à titre de technicien spécialiste en électronique. Je réparais entre autres des F-18».

Il a effectivement voyagé. En Égypte en premier, en 1987, pour surveiller le conflit avec Israël, à Vancouver, en Allemagne, au Qatar où les puits de pétrole incendiés par Saddam Hussein lui ont laissé une vision d’enfer «où tout était noir jouer et nuit», et en Afghanistan, en 2004. «Là, c’était plus risqué. À Kaboul, un jour que l’on patrouillait dans un véhicule, notre conducteur s’est trompé de bord et on s’est retrouvé dans un marché public de 300 personnes, précisément le genre d’endroit préféré des talibans pour envoyer un kamikaze. J’ai eu peur. Nous n’avions pas d’affaire là. Au retour, j’ai dit à mon conducteur : moi je n’embarque plus avec toi. En Afghanistan, il était devenu tellement dangereux d’aller en patrouille que les règles d’engagement avaient changé : nous n’étions plus obligés d’attendre le signal du commandant pour riposter. Dès qu’on entendait des tirs, on pouvait tirer aussitôt pour se protéger», de raconter celui qui est par la suite devenu officier instructeur, avec la particularité d’avoir formé 500 officiers.

Le hasard s’est plus tard chargé de le ramener à Drummondville. En 2011, il va faire un tour à Défi Emploi, organisé par la SDED, où il dépose son CV de militaire à la retraite spécialisé en aviation. C’est alors que le poste de directeur adjoint de l’aéroport de Drummondville lui a été offert. «Je suis chanceux, j’ai pu demeurer dans mon environnement, dans ma ville», reconnait-il.

Richard Sylvain est aujourd’hui en mesure de donner de son temps pour aider les vétérans. Il est président de la Légion royale canadienne qui compte une cinquantaine de membres. «Je veux relancer l’organisme. On pourrait avoir 1000 membres si tous les vétérans des Forces armées savaient que la Légion est là. Je suis un officier d’entraide. Il y en a qui besoin d’aide après avoir quitté l’armée. Quand tu vois un de tes amis se faire sauter, certains ont plus de misère que d’autres à s’en remettre. C’est avec les profits de la vente du coquelicot qu’on peut les aider. C’est à ça que ça sert le coquelicot, c’est pas juste une parure».

Un défilé à Drummondville

Le dimanche 11 novembre, plusieurs anciens combattants et dignitaires assisteront aux cérémonies de l’Armistice au parc Saint-Frédéric de Drummondville, à 14 h. Toute la population y est invitée.

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