Donner la vie en cadeau à son père

Donner la vie en cadeau à son père
La famille Lefebvre se serre les coudes.

SANTÉ. En 1996, Jean Lefebvre passait du bon temps en famille dans un centre de plein air du Saguenay-Lac-Saint-Jean lorsqu’un virus a complètement bouleversé sa vie. 

«J’étais malade, mais je ne savais pas ce que j’avais. Quand je suis revenu à Drummondville, j’ai consulté un médecin, qui m’a référé à des spécialistes. J’ai appris qu’un virus s’était jeté dans mes reins», se remémore Jean Lefebvre.

Le Drummondvillois de 50 ans souffre depuis plus de vingt ans de la maladie de Berger, qui fait en sorte que les reins ne font plus leur travail de filtre, graduellement, jusqu’à les rendre complètement dysfonctionnels. Les professionnels de la santé de Sherbrooke, qui s’occupent de son suivi depuis les débuts, ont réussi à contenir la maladie pendant de nombreuses années. Jusqu’en novembre 2015.

«Quand je suis entré, il me restait deux semaines à vivre», raconte Jean Lefebvre d’un ton émotif.

Depuis cet instant, le quinquagénaire est obligé de faire de la dialyse, d’abord à Sherbrooke plusieurs fois par semaine et ensuite chez lui plusieurs fois par jour. Actuellement, le Drummondvillois fait les procédures médicales qui s’imposent environ aux trois heures, entre 18h30 le soir jusqu’au réveil le lendemain. Et impossible pour lui de déroger. «C’est une qualité de vie qui part.»

C’est également en novembre 2015 que son fils Jean-Sébastien a entrepris les démarches pour faire un don d’organes. «À partir du moment que j’ai eu l’âge de comprendre la maladie, j’ai toujours dit que c’est moi qui allait donner mon rein. Dans ma tête, ça a toujours été ça», exprime celui qui aura 27 ans en septembre.

Sauf que ne donne pas un rein qui veut : Jean-Sébastien Lefebvre a été soumis à une batterie de tests, à la fois afin de vérifier sa compatibilité avec son père que pour vérifier son état de santé général, pendant un peu plus d’un an. «Je rentre au garage et on me fouille de A à Z», résume-t-il. Toutes ces vérifications ont notamment pour but de s’assurer que le corps du jeune homme puisse bien fonctionner après l’opération et d’évaluer les conséquences que celle-ci pourra avoir si jamais un pépin de santé se présente.

«Aussitôt qu’un test aurait été négatif, le processus se serait arrêté.»

Cela n’a pas été le cas. Le fils, qui a terminé toutes ses démarches il y a à peine deux semaines, donnera un de ses reins à son père et, par la même occasion, lui sauvera la vie. «Je vais pouvoir voir grandir mon petit-fils.»

Le don a un coût

L’opération est fixée pour le 22 septembre au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke. «Quand il a commencé ses tests, on le savait, que ça s’en venait, mais on se dit que c’est dans un certain temps encore, exprime Jean Lefebvre. Mais quand le médecin appelle pour donner une date précise, là, c’est vrai. Ce n’est plus abstrait. Tu penses à tout ce que tu as vécu, à tout ce qui te reste à vivre.»

Par la suite, les deux hommes devront rester en convalescence pendant plusieurs semaines. Sauf que cela rime avec une baisse importante de revenus.  

 C’est là que la fille de Jean Lefebvre, Audrey-Ann, et sa sœur Line entrent en scène. Elles ont démarré une campagne de socio-financement sur le site OneDollarGift et cogné à de multiples portes afin de voir les solutions possibles. «Je ne peux pas donner un organe, mais je me suis dit que j’allais l’aider autrement. Plusieurs semaines sans salaire quand tu as une famille à charge, c’est loin d’être évident. Je veux éviter qu’ils aient des soucis d’argent en plus des soucis de santé», explique Line Lefebvre d’un ton déterminé. L’objectif est d’amasser entre 8000 et 10000 $ afin de permettre au père et au fils de souffler un peu.

«Je ne suis pas à l’aise avec l’idée, mais d’un autre côté, je sais que je vais en avoir besoin. Et puis, je lui aurait dit non qu’elle l’aurait fait quand même», lance Jean Lefebvre un peu à la blague, sous le regard tendre de sa sœur.

Pas assez de mesures pour les donneurs vivants

En étant dans le processus jusqu’au cou, la famille Lefebvre a pu remarquer une certaine contradiction par rapport au don d’organe.

«J’aurais espéré que le gouvernement couvre les frais lorsqu’un donneur veut faire un don de son vivant, ce gouvernement qui fait tant de promotion pour le don d’organes», déplore Line Lefebvre.

Chez Transplant Québec, par exemple, un Programme de remboursement des dépenses des donneurs vivants existe, compensant une partie de la perte financière encourue par les donneurs. Toutefois, d’après les recherches de la famille Lefebvre, ce remboursement ne serait pas complet.

«C’est encore un plus beau geste, parce que tu auras à vivre certaines conséquences de ton vivant. Quand tu es mort, tu ne t’en rends pas compte. Ça ne dérange pas vraiment de ne pas avoir de salaire pendant des semaines», croit Audrey-Ann Lefebvre, en précisant que le don d’organes en soi, mort ou vivant, reste un geste altruiste.

Sensibilisation

À l’aube de cette opération qu’il voit venir depuis de nombreuses années, Jean Lefebvre tient à transmettre un message d’espoir. «Il faut toujours voir le positif de la chose et ne pas se laisser abattre par la maladie. Il faut être courageux et continuer à vivre et à croire que tout va être correct», affirme-t-il avec aplomb. Il précise cependant qu’il ne souhaite pas s’apitoyer sur son sort, mais plutôt faire réfléchir les gens à sa condition.

«Ce n’est pas une maladie héréditaire que j’ai, c’est un virus que j’ai attrapé. Ça peut arriver à n’importe qui, n’importe quand ! Il faut en profiter. La santé, c’est tout.»

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