Assumer sa «conséquence» dans une classe d’élèves atteints d’un TED

Par Gerard Martin
Assumer sa «conséquence» dans une classe d’élèves atteints d’un TED
L'école Duvernay. (Photo : Archives)

COMMISSION SCOLAIRE DES CHESNES En dépit d’une rencontre d’une durée de deux heures entre des émissaires de la Commission scolaire des Chênes (CSDC) et d’Autisme Centre-du-Québec en présence d’un intervenant de l’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ) dans le dossier de l’école primaire Duvernay, les deux parties semblent vouloir se réfugier dans leur position respective en ce qui a trait au bien-fondé ou non de l’application d’une mesure disciplinaire pour la moins questionnable.

La controverse, qui a pris des proportions médiatiques jusqu’à l’échelle nationale, fait donc suite à l’interprétation que chacun veut donner quant à l’application de cette mesure disciplinaire.

Duvernay, disons-le d’abord, est une école primaire qui réunit des élèves de la 1ère à la 6e année du quartier, d’autres de la concentration musique de l’ensemble de la CSDC et finalement deux classes accueillant des élèves aux prises avec un trouble envahissant du développement, communément appelé TED.

Selon ce que l’on comprend, il est arrivé six fois au cours de l’année scolaire qui vient de prendre fin qu’un élève ayant fait preuve d’indiscipline, d’impolitesse ou d’une conduite inappropriée méritant une sanction ou une punition, ce que l’on appelle maintenant une «conséquence» dans le jargon scolaire, ait été invité à se rendre sur l’heure du dîner dans l’un des locaux réservés à la clientèle TED pour y rédiger une réflexion en présence du groupe.

Selon ce que l’on comprend des propos de la directrice générale de la CSDC, Christiane Desbiens, un tel choix relève d’un contexte de ressources limitées où les besoins de surveillance et de tranquillité doivent prévaloir pour cet exercice de réflexion.

Mme Desbiens rajoute même que les parents de l’élève fautif sont avisés de cette conséquence, lesquels y ont jusqu’ici souscrits, ceux-ci y voyant, semble-t-il, une belle occasion d’inclusion sociale et de sensibilisation à la différence.

La Commission scolaire et l’équipe-école de Duvernay sont également de cet avis, une position que n’aurait pas partagé le dernier parent d’un élève pris en défaut.

Stigmatisation

C’est à partir de là, peut-on comprendre, que cette façon de faire s’est rendue jusqu’aux oreilles de l’organisme Autisme Centre-du-Québec d’où une réaction n’a pas tardé.

«La Commission scolaire autorise et encourage son personnel à intervenir auprès des élèves ayant des comportements inadéquats en les envoyant "réfléchir" sur l’heure du dîner avec les élèves ayant des besoins particuliers. Alors que l’école à un rôle important à jouer en matière d’éducation citoyenne, elle devrait préparer les enfants, futurs décideurs, à interagir adéquatement avec les personnes handicapées, en tenant compte de leurs droits, de leurs besoins et de leur intégration sociale. Selon Autisme Centre-du-Québec, par le biais de cette pratique, la Commission scolaire des Chênes autorise son personnel à enseigner le jugement, la stigmatisation et la crainte de la différence», a vivement dénoncé Marie-Ève Lavoie, coordonnatrice de l’organisme.

Recommandations

Les deux parties n’ayant pas réussi à se parler avant la tempête médiatique que l’on a connue ces derniers jours, ont finalement pu s’asseoir autour d’une même table pour échanger sur la question.

Les représentants d’Autisme Centre-du-Québec y sont allés de six propositions dont la première demandait l’arrêt immédiat de cette pratique, soit celle de l’application d’une conséquence dans un local composé essentiellement d’enfants ayant des besoins particuliers.

Cette première demande a été refusée par la CSDC, celle-ci plaidant notamment que l’on en était rendu à la fin de l’année scolaire de toute façon et qu’il y aura lieu pour l’équipe-école de réévaluer à la rentrée.

Ceci nous amène à une autre demande d’autisme Centre-du-Québec réclamant la réalisation d’une analyse clinique approfondie sur les impacts d’une telle mesure.

Même si la Commission scolaire a dit oui à cette exigence, Marie-Ève Lavoie accueille cette réponse avec une grande réserve.

Elle anticipe que ce soit la même personne qui, à l’interne, a fait la première évaluation de ladite mesure, laquelle a été favorable, qui hérite à nouveau du dossier.

Autisme Centre-du-Québec aurait également souhaité l’obtention d’un avis écrit de la part du comité EHDAA, mais là-dessus, les représentants de la CSDC ont dit non en expliquant que cela n’était pas du ressort de EHDAA.

Autisme Centre-du-Québec a également mordu la poussière quant à l’obtention d’un outil d’information destiné aux parents quant à la marche à suivre pour déposer une plainte, ce à quoi on aurait répondu que cet outil existe déjà sur le site de la Commission scolaire.

Au dire de Mme Lavoie, son organisme aurait souhaité à tout le moins obtenir une simplification des procédures pour faciliter la tâche des parents qui, du jour au lendemain, se retrouvent face à une situation semblable.

La CSDC a également décliné l’idée d’une rencontre avec un groupe de parents pour les entendre, celle-ci se disant néanmoins disposée à les rencontrer de façon individuelle en raison de la confidentialité des dossiers de chacun.

Les représentants scolaires ont finalement démontré une ouverture en ce qui a trait à une intensification des activités de sensibilisation à la différence.

À cet égard, la directrice générale de la CSDC, Christiane Desbiens, a réitéré la volonté de demeurer à l’écoute de ses partenaires, y compris Autisme Centre-du-Québec, tout en déplorant un certain dérapage médiatique.

Du côté d’Autisme Centre-du-Québec, Mme Lavoie a réitéré que son organisme allait continuer de faire preuve d’une grande vigilance, y compris durant la période estivale, pour que ce dossier demeure bien vivant.

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