Jean-Louis Proulx et ses deux tableaux de Joseph Légaré

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Par Jean-Pierre Boisvert
Jean-Louis Proulx et ses deux tableaux de Joseph Légaré
Jean-Louis Proulx devant ses deux tableaux de Joseph Légaré. (Photo : Ghyslain Bergeron)

ART. Pourriez-vous considérer comme sérieux celui qui demande 9 999 999 $ pour deux tableaux du peintre Joseph Légaré qu’il a acquis pour 20 $ dans une vente de garage en 1992?

Maintenant que vous avez répondu non, voyez pourquoi et comment Jean-Louis Proulx en est arrivé à cette conclusion pour le moins spectaculaire.

Il faut dire d’entrée de jeu que les deux tableaux en question, «La Fête-Dieu à Nicolet» et «Paysage champêtre à Nicolet», ont été authentifiés par des experts, selon ce que raconte Jean-Louis Proulx.

«Quand je les ai achetés, les tableaux étaient détériorés. Une première évaluation a été faite en 1992, au Musée des beaux-arts à Montréal, par le sénateur Serge Joyal, un connaisseur en la matière, qui estimait que chacune des deux œuvres valait 10 000 $. Trois ans plus tard, Bernard Desroches, propriétaire d’une galerie d’art qui connaissait très bien le peintre pour avoir jadis vendu une de ses toiles, avait évalué les deux tableaux à 100 000 $. Ensuite, j’ai payé une somme de 6000 $ pour une restauration professionnelle réalisée au Centre de conservation du Québec, un organisme du gouvernement du Québec. En 2003, dans le cadre de l’émission «Trouvailles et Trésors» à Trois-Rivières, l’évaluateur Iégor de Saint-Hippolyte affirmait que la valeur des deux tableaux était d’un demi-million de dollars», de raconter le Drummondvillois de 63 ans.

Jean-Louis Proulx (Photo : Ghyslain Bergeron)

Selon lui, l’augmentation de la valeur d’une œuvre d’art n’est pas une science exacte.

«Il y a d’abord l’effet de rareté. Dans ce cas-ci, Légaré a peint les deux tableaux en même temps, vers 1830. C’est ce qu’on appelle dans le milieu un «pendant», ce qui est rarissime. Sur un tableau, on voit la cathédrale de Nicolet en gros plan devant laquelle il y a une procession. Je les ai comptés, il y a 99 personnages qui participent à la Fête-Dieu. Sur l’autre tableau, c’est un paysage champêtre qui prédomine mais on voit au loin cette même cathédrale (bâtie en 1803) à laquelle est rattaché l’ancien séminaire de Nicolet. Ces tableaux, comme les 300 autres de Légaré, marquent la naissance de l’art canadien. Il fut le premier à ouvrir une galerie d’art au Canada. Pour tout dire, Joseph Légaré, né en 1795, est le premier vrai peintre québécois. Il me semble que si Philippe Couillard a les moyens d’injecter plus de 600 millions $ dans la culture québécoise, il peut certainement me donner mon prix pour deux toiles de Légaré. Comment j’arrive à 9 999 999 $? Pour la même raison qu’une œuvre du peintre américain Mark Rothko, évaluée à 1,6 million $ en 1992, s’est vendue récemment 47 millions $. On ne sait pas pourquoi un tableau peut prendre autant de valeur en une vingtaine d’années. Qui peut expliquer la raison qui fait que Le Sauveur de Vinci, estimé aux alentours de 100 millions $ avant les enchères de novembre 2017, a finalement trouvé preneur au prix de 450 millions $. C’est le tableau le plus cher du monde».

La une de L’Express Week-end du 12 août 2018.

Le souhait de Jean-Louis Proulx c’est que ses deux tableaux soient achetés et exposés dans un musée. «Cela permettrait à tous d’apprendre d’où est parti l’art canadien», soumet-il. D’ailleurs, un tableau de Légaré, illustrant cette même Fête-Dieu, dans un angle différent toutefois, est accroché au Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa. Il a été peint quelque deux ans plus tard.

Pourquoi le propriétaire ne les mettrait pas aux enchères et voir quel prix il pourrait en obtenir ? «J’ai déjà essayé et c’est très compliqué. Christie’s (une société de vente aux enchères, ndlr) a refusé. De toute manière, les tableaux ne pourraient pas sortir du pays, à cause que ce sont des biens patrimoniaux d’une importance capitale», réplique-t-il.

Pour l’heure, «La Fête-Dieu à Nicolet» et «Paysage champêtre à Nicolet» nichent chez lui. «Je les ai déjà prêtés deux fois. Maintenant, j’aime autant les garder. C’est un bonheur pour moi de les regarder. Ils font partie de ma vie. Ils m’inspirent beaucoup», de faire valoir l’ancien étudiant du séminaire de Nicolet, qui se dit croyant et patriote. «Patriote comme Joseph Légaré».

Jean-Louis Proulx suggère aux gens de fouiller dans leurs greniers. «On sait jamais ce qu’on peut trouver. Peut-être un autre Légaré. Je les invite même à communiquer avec moi s’il le faut. Voici mon courriel : jelipo@hotmail.com».

Jean-Louis Proulx (Photo gracieuseté)

 

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