«Il faut que nos terres soient inconditionnellement protégées» – Daniel Habel de l’UPA

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Par Cynthia Martel
«Il faut que nos terres soient inconditionnellement protégées» – Daniel Habel de l’UPA
L'Assemblée générale annuelle s'est tenue le 19 octobre à Drummondville. (Photo : Ghyslain Bergeron)

AGRICULTURE. Démunis par rapport aux multiples problèmes et imprévus auxquels ils sont confrontés, les producteurs agricoles centricois lancent un appel pressant et sans équivoque aux décideurs politiques de tous les paliers pour qu’ils s’engagent ensemble à protéger les terres, construire un avenir durable.

«2023… une année à oublier? Non. Une année à se référer. Une année qui fait la démonstration d’un besoin de refonte de tous nos programmes de soutien. Une année qui fait la démonstration d’un besoin plus criant que jamais : un encadrement protégeant de façon incontournable le territoire agricole. Une année qui fait aussi la démonstration de lois et règlements incohérents qui nuisent non pas qu’à l’agriculture, mais aussi à la société dans son ensemble de façon directe ou indirecte», a souligné Daniel Habel, président de la Fédération de l’Union des producteurs agricoles (UPA) du Centre-du-Québec, en guise d’introduction d’un discours éloquent.

Devant un peu moins de 100 personnes réunies en assemblée générale annuelle au Best western hôtel universel de Drummondville, M. Habel a exposé les principaux problèmes auxquels les producteurs agricoles centricois doivent faire face : la perte de terres agricoles, les impacts des changements climatiques et le contexte économique difficile. Ce sont d’ailleurs autour de ces trois thématiques qu’une douzaine de résolutions ont été débattues.

La perte des terres et des activités agricoles

Depuis 1988, le Centre-du-Québec affiche une perte nette de 730,6 hectares de territoire agricole, soit l’équivalent de 1460 terrains de football. Sans compter que durant les 24 dernières années, près de 5000 hectares ont été sacrifiés à d’autres usages que l’agriculture (équivalent de 10 000 terrains de football).

«Ce qui est surprenant et extrêmement intrigant, c’est que malgré l’adhésion de certaines villes de chez nous à l’Alliance Ariane (NDLR : un regroupement d’organisations et d’experts travaillant pour que l’aménagement du territoire et l’urbanisme soient considérés comme une priorité), elles continuent à déposer des demandes d’exclusion à la CPTAQ (Commission de protection du territoire agricole du Québec). Actuellement, au Centre-du-Québec, on compte sept demandes d’exclusion totalisant un peu plus de 100 hectares. De ces requêtes, cinq sont liées à des développements industriels et deux pour des écoles. Chaque décision favorable entraînera inévitablement une autre conséquence : une demande de dézonage pour être capable de construire des maisons pouvant accueillir tous ces gens», s’est-il désolé.

Et ceci n’est qu’une infime partie des projets qui viendront perturber voire mettre en péril les activités agricoles, si l’on pense à la Filière batterie à Bécancour, l’augmentation de la production d’énergie éolienne et l’actuelle consultation nationale sur le territoire et les activités agricoles, qui pourrait se solder par des changements importants à la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (LPTAA).

«Plus que jamais, l’adoption d’une perspective de zéro perte nette de territoire agricole par les instances concernées est indispensable pour protéger le garde-manger des Québécois. Il faut que nos terres soient inconditionnellement protégées», a signalé Daniel Habel.

Pour ce faire, il en appelle à des orientations claires en matière d’aménagement du territoire des acteurs municipaux dans la révision de leur plan de développement de la zone agricole (PDZA). «Il faut qu’ils assument leur responsabilité pleine et entière. Je ne veux pas juste avoir de belles paroles, je veux des gestes concrets», a-t-il insisté sur un ton incisif.

Sensibiliser la population et adopter une loi traduisant «de façon formelle la volonté sociale de protéger inconditionnellement le territoire agricole», constituent les deux autres actions proposées.

Contexte économique difficile
Daniel Habel, président de l’UPA Centre-du-Québec. (Photo : Ghyslain Bergeron)

D’après un sondage réalisé par l’UPA en mars dernier, une entreprise sur cinq au Québec éprouve des difficultés financières. À l’échelle régionale, le constat est encore plus dramatique : trois entreprises sur cinq sont au bord du gouffre. La hausse importante et rapide des taux d’intérêt depuis janvier 2022 a empiré de beaucoup la situation de producteurs et continue de plomber leur rentabilité.

«En 18 mois, les taux d’intérêt sont passés de 0,25 % à 5 %, c’est 2000 % d’augmentation en 18 mois», a indiqué M. Habel.

Ce n’est pas tout. Au cours des dix dernières années, la valeur commerciale des terres agricoles a augmenté en moyenne de 9 % annuellement en région, selon Financement agricole Canada. Or, la rentabilité des différentes productions agricoles est demeurée relativement stable, entraînant un écart grandissant entre la valeur marchande et leur valeur agronomique des terres agricoles. Les producteurs agricoles doivent donc s’endetter de plus en plus pour acquérir les terres disponibles.

Bien que des programmes de soutien ont été offerts aux entreprises par le passé, la complexité pour adresser les demandes et les critères étaient tels que plusieurs producteurs ne réussissaient pas à se qualifier ou devaient faire appel à des professionnels pour compléter les demandes, engendrant des coûts importants supplémentaires.

«C’est ridicule qu’un producteur agricole, déjà confronté à des défis économiques et une pénurie de main-d’oeuvre, doive dépenser d’importantes sommes en temps et en argent pour avoir accès à du financement. Il faut non seulement que des programmes d’aide financière soient mis en place, mais que ces nouveaux mécanismes soient également accessibles aux producteurs agricoles en n’augmentant pas leur charge administrative», a soutenu le président de l’UPA du Centre-du-Québec.

Celui-ci est catégorique : les entreprises ont impérativement besoin d’un soutien financier afin de poursuivre leur développement permettant de contribuer à l’autonomie alimentaire.

Les effets des changements climatiques

Finalement, les producteurs sont durement touchés par les imprévus climatiques, lesquels viennent compliquer la planification et la gestion des cultures en plus d’entraîner des conséquences sur la rentabilité des exploitations agricoles, non seulement en raison des pertes de revenus liés à la réduction du volume des récoltes, mais également en raison des coûts nécessaires à l’adaptation et à la gestion des risques climatiques.

Les enjeux des changements climatiques et ceux entourant le développement durable sont étroitement liés. Pour préserver les ressources naturelles et la sécurité alimentaire, les producteurs agricoles doivent s’adapter en employant de nouvelles pratiques agricoles plus durables. Toutefois, l’UPA déplore la lourdeur administrative des programmes d’aide actuellement disponibles sans compter qu’ils ne sont pas adaptés aux besoins financiers réclamés par les producteurs pour mettre en place de nouvelles pratiques.

«Une collaboration est nécessaire entre les agriculteurs, les chercheurs, les gouvernements et d’autres acteurs de la société pour élaborer des politiques et des programmes efficaces», a réclamé Alain Désilets, vice-président de la Fédération de l’UPA du Centre-du-Québec.

«Si l’on considère tous les enjeux énumérés, en quelques mois, la pression sur les producteurs agricoles a doublé – et je suis conservateur. Plus que jamais, construite un avenir durable prend tout son sens», a conclu fermement Daniel Habel.

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