De premières éoliennes dans la ligne d’horizon

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Par Lise Tremblay
De premières éoliennes dans la ligne d’horizon
Des éoliennes pourraient bientôt faire partie du paysage de la MRC de Drummond. Sur notre photo, on aperçoit le parc éolien Pierre-De Saurel mis en service en 2016 dans la région administrative de la Montérégie. (Photo : archives Ghyslain Bergeron) (Photo : Ghyslain Bergeron)

ÉNERGIE. Bénéficiant d’un corridor de vent favorable, les municipalités de Saint-Cyrille-de-Wendover, Sainte-Brigitte-des-Saults et Notre-Dame-du-Bon-Conseil, pourraient héberger les premières tours éoliennes de la MRC de Drummond, entre 2027 et 2029.

Des promoteurs d’au moins deux entreprises, soit Innergex et Invenergy, ont sillonné jusqu’à tout récemment le territoire pour faire signer des contrats à des agriculteurs. Cette étape fait suite à la publication du deuxième plus important appel d’offres lancé par Hydro-Québec à la fin du mois d’avril dernier. Il vise la production de 1500 mégawatts supplémentaires d’énergie éolienne afin de combler la demande croissante d’électricité anticipée pour la prochaine décennie.

Les agriculteurs qui ont été rencontrés se sont vu proposer de lucratifs contrats pour héberger les tours. Selon nos informations, les redevances sont établies en fonction de la performance de celles-ci et rapporteront en moyenne 40 300 $ par année aux propriétaires des terrains visés, et ce, pendant 30 ans. Les éoliennes s’aligneront dans un corridor partant de Saint-Cyrille-de-Wendover, près de l’autoroute Jean-Lesage, et seront raccordées à une ligne de haute tension du côté de Sainte-Perpétue, une municipalité où une quinzaine de tours pourraient lever de terre.

Si quelques producteurs de la région adhèrent au projet; d’autres sont plutôt réticents. Idem pour la Municipalité de Notre-Dame-du-Bon-Conseil Paroisse où le conseil municipal a prononcé, l’hiver dernier, un avis de motion «pour geler les projets éoliens», selon le maire Stéphane Dionne.

Vue du 10e rang de Sainte-Brigitte-des-Saults. Le corridor projeté des éoliennes ira du nord-ouest vers le sud-ouest, soit vers Sainte-Perpétue. (Photo Lise Tremblay)

«On ne veut pas empêcher personne de signer, mais on veut prendre notre temps. On ne veut pas que ça déboule de façon inappropriée. Avec l’argent que les promoteurs amènent, c’est difficile de dire non. Je voudrais que la Fédération québécoise des municipalités vienne rencontrer nos citoyens. Chez nous, on appelle ça des ventilateurs géants. Est-ce que c’est ce qu’on veut?», s’est-il questionné à voix haute.

M. Dionne se dit conscient que même si le conseil refuse tout projet éolien sur son territoire, des tours feront tout de même partie du paysage régional.

«L’homme d’affaires que je suis est contre. Je ne veux pas de ça chez nous. Le maire, lui, est incertain. L’avis de motion nous permet de gagner du temps. Je crois qu’il faut bien réfléchir pour éviter qu’on mette des « ventilateurs » n’importe où. En même temps, s’il y en a juste à côté de chez nous – et que l’argent va à côté -, ce sera un peu triste financièrement parlant pour nous», a-t-il laissé tomber.

Uniquement à Notre-Dame-du-Bon-Conseil Paroisse, Stéphane Dionne soutient qu’entre 10 et 15 éoliennes pourraient être construites, lesquelles rapporteront à terme entre 400 000 $ et 600 000 $ annuellement.

«C’est beaucoup d’argent pour une municipalité comme la nôtre! On verra si le projet se réalise au cours des prochains mois», a-t-il ajouté.

Saint-Cyrille-de-Wendover

À Saint-Cyrille-de-Wendover, là où une dizaine de tours pourraient aussi faire partie de la ligne d’horizon, on en a appris davantage sur la technologie.

Les éoliennes, issues de la nouvelle génération, auront une hauteur de 200 mètres et généreront 6,6 mégawatts avec un impact sonore de 40 décibels.

Lors d’un entretien téléphonique, le maire de Saint-Cyrille-de-Wendover, Éric Leroux, a évalué que sa Municipalité pourrait bénéficier de redevances de 622 700 $ annuellement, un montant considérable si on tient compte que son budget annuel est d’environ 8 M$.

«Il y a plein d’enjeux et de questionnements qui se posent. On a des citoyens qui ont des craintes et, d’autres, au contraire, voient les choses positivement comme une source de financement alternative pour faire face aux défis des changements climatiques. À ce stade-ci, nous sommes en mode écoute. Nous aurons une rencontre avec le promoteur le 26 juin prochain. On a besoin d’avoir plus d’informations pour prendre la meilleure décision possible et informer la population», a communiqué M. Leroux, en prenant soin de souligner que l’UPA recommande actuellement de ne pas signer d’ententes exclusives.

Éric Leroux, maire de Saint-Cyrille-de-Wendover, Stéphane Dionne, maire de Notre-Dame-du-Bon-Conseil Paroisse, ainsi que Jean-Guy Hébert, maire de Sainte-Brigitte-des-Saults. (Photo montage : Ghyslain Bergeron)

Sainte-Brigitte-des-Saults

À Sainte-Brigitte-des-Saults, là où la construction de trois éoliennes est dans les cartons, les producteurs rencontrés par L’Express se disent plutôt favorables. La plupart ont cependant refusé de communiquer leur nom, de peur de subir la critique de voisins ayant une opinion divergente.

«La compagnie Innergex est venue me voir autour des Fêtes, informe un jeune agriculteur vivant sur le 10e rang. Ils m’ont bien expliqué les choses. Il n’y a pas eu de pression. Ils veulent mettre une éolienne sur ma terre. C’est sûr que ce sera un peu fatigant d’avoir ça au milieu du champ, mais les redevances sont alléchantes. C’est intéressant, surtout quand on considère que la municipalité aussi aura sa part. Il n’y a plus rien ici à Sainte-Brigitte. On n’a même pas de dépanneur. Ça va peut-être aider la communauté.»

À moins d’un kilomètre de chez lui, Gabriel Collin, 75 ans, s’est dit contre. «Je n’ai pas été approché, mais j’aimerais mieux qu’on n’en ait pas dans le village. Ça gâcherait le paysage. J’ai vu le résultat en Gaspésie et ce n’est plus pareil», a-t-il indiqué.

Gérant une entreprise laitière située sur le chemin Allard, un propriétaire dans la quarantaine a signé son contrat il y a quelques jours à peine.

«J’ai été le dernier rencontré dans le village. Je n’étais pas supposé signer. J’avais dit à tout le monde que j’étais contre, mais j’ai changé d’avis. Je suis mieux d’être avec la gang que contre. J’étais inquiet pour le bruit, mais on m’a expliqué que les structures seront à 900 pieds des maisons. Je vais dire comme mon banquier : aussi bien que ce soit dans ma cour que chez le voisin pour que j’empoche l’argent qui va avec», a-t-il exprimé en précisant au passage que l’éolienne qui pourrait lever de terre chez lui générera 6,3 mégawatts d’électricité par année. «C’est trois fois plus que la centrale de Sainte-Brigitte!»

Questionné à son tour, le maire de Sainte-Brigitte-des-Saults, Jean-Guy Hébert, a fait savoir qu’il se prononcera sur le projet le mois prochain.

Éoliennes. (Photo Ghyslain Bergeron)

«L’entreprise Innergex est supposée participer au début du mois de juin à une rencontre citoyenne qu’on organise. Tout le monde pourra poser ses questions et le conseil pourra alors s’assurer de l’acceptabilité sociale du dossier. On ne sait pas beaucoup de choses. On n’a que des bribes d’information, a-t-il fait savoir. La semaine prochaine, je vais aller à Rivière-du-Loup pour y voir le parc éolien et discuter des impacts avec les élus en poste. J’ai besoin de me faire une tête pour être en mesure de bien comprendre le dossier pour mes citoyens. Entre autres, je vais vérifier si les éoliennes amènent des pertes au niveau foncier.»

Enfin, les députés de la région, Sébastien Schneeberger et André Lamontagne, voient dans ce projet «une occasion à saisir» pour la communauté.

«Je suis persuadé qu’une telle stratégie énergétique panquébécoise sera bénéfique notamment en ce qui a trait aux redevances financières», a indiqué M. Schneeberger, par l’entremise d’un communiqué de presse. Son collègue de la circonscription de Johnson considère pour sa part qu’il «s’agit d’un outil stratégique dans le contexte d’électrification, de transition énergétique et de décarbonisation de l’économie.»

Drapeau rouge

L’Union des producteurs agricoles du Centre-du-Québec lève de son côté un drapeau rouge. Le président Daniel Habel, craint que les agriculteurs qu’il représente ne manquent d’information.

Daniel Habel. (Photo gracieuseté)

«On s’insurge, car les promoteurs débarquent sur le terrain pour rencontrer les producteurs agricoles. Ils leur soumettent des contrats rédigés par des avocats en disant « signe en bas mon ami ». Plusieurs agriculteurs nous ont interpellés. On leur a dit de prendre leur temps et de bien évaluer cette « amitié » entre voisins. Cependant, on ne s’immiscera pas dans la décision des producteurs, mais on a un devoir d’information. On veut s’assurer qu’ils comprennent bien les contrats. Bref, c’est un peu difficile de savoir de quoi il en retourne actuellement», a-t-il indiqué à L’Express.

Le président s’inquiète notamment de l’empiétement sur les terres agricoles. «On ne veut pas voir ça en zone agricole pour les des questions d’aménagement du territoire et parce qu’on est le chien de garde du garde-manger des Québécois. Malheureusement, on ne dispose pas de tous les outils et de toute la rigueur qu’il faudrait du côté de l’État pour bien jouer notre rôle», a ajouté M. Habel.

L’ouverture des soumissions de l’appel d’offres est prévue pour le 13 septembre 2023. C’est à ce moment qu’on saura quelle entreprise et quels projets seront retenus par Hydro-Québec. Un total de 100 éoliennes pourrait être construit dans le Centre-du-Québec.

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