Une présence qui dérange et sème l’inquiétude

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Par Cynthia Martel
Une présence qui dérange et sème l’inquiétude
Isabelle Aubin. (Photo : Ghyslain Bergeron)

ITINÉRANCE. Le parc Saint-Frédéric n’est plus ce qu’il était. Des individus s’y attroupent, jour après jour, peu importe l’heure, et agissent comme si la place leur appartenait. Insultes, gestes grossiers et consommation de drogue et d’alcool perturbent la quiétude urbaine et les activités s’y déroulant, comme Les Bouquinistes.

Isabelle Aubin, organisatrice de la foire du livre Les Bouquinistes, connaît bien le parc Saint-Frédéric pour y tenir depuis une dizaine d’années son événement. Jamais elle n’a eu à faire face à des gens aux comportements dérangeants jusqu’à l’année dernière. Et le problème s’est accentué depuis.

«Je trouve que cette année, l’environnement n’est plus sympathique. Dans l’après-midi, ça se remplit de gens qui consomment beaucoup, il y a de l’agressivité et ça crie beaucoup. Je n’ai pas vu de bataille, mais les vibrations ne sont pas bonnes. Tu ne peux pas discuter avec eux parce qu’ils t’envoient promener et tu ne sais jamais comment ils peuvent réagir», déplore-t-elle, regrettant que cette situation mine l’ambiance conviviale de son activité.

Lundi matin, alors qu’elle ramassait les dernières boîtes de livres non vendus, L’Express l’a rencontrée et a même pu constater la situation. Une brève altercation entre un groupe et une femme est survenue lors de notre passage. Il était à peine 10 h 30.

Durant les quatre jours de l’événement, Mme Aubin a été témoin de plusieurs événements : un homme a insulté et dénigré une femme à grands cris; une dame a reçu une tape et un autre homme fortement intoxiqué et paranoïaque a intimidé deux citoyens de même que Mme Aubin en criant des noms.

S’attribuant une certaine responsabilité, celle-ci a appelé la police trois fois plutôt qu’une, craignant que les situations dégénèrent, mais les policiers ne sont pas intervenus.

«Ils viennent faire leur tour, mais ne font rien parce qu’aussitôt que les malfaiteurs les voient, ils se tiennent tranquilles. Puis, dès que la police quitte, ça recommence», se désole celle qui est dans la vie propriétaire de la librairie Tourne La page.

«Ma compréhension, c’est qu’il y a des territoires dans le parc. Certaines tables sont attribuées à des groupes en particulier.»

La consommation de drogue et d’alcool ne se fait pas dans la discrétion, dérangeant également Mme Aubin.

«Il y a une journée que j’ai eu très mal à la tête tellement l’odeur des substances était forte. Et je ne suis pas certaine que l’idée de la Ville d’autoriser la consommation d’alcool dans les parcs est si bonne. J’ai l’impression que ça ne fait qu’accentuer le problème. Je n’ai pas vu de petites familles venir s’assoir avec un repas ici en buvant un verre d’alcool», explique-t-elle.

L’an dernier, la libraire avait adressé le problème à la Ville de Drummondville et fait part de ses préoccupations, puisqu’elle sentait déjà l’inquiétude des visiteurs.

«Plusieurs individus consommaient; il y en a même un qui a disjoncté tout bonnement et a pris une palette de bois que l’on prend pour y déposer les boîtes de livres puis l’a lancée au bout de ses bras. Par chance, personne ne se trouvait à proximité», se remémore-t-elle, encore abasourdie.

Mme Aubin a été un peu déçue de la réponse de la Ville. Aucune solution n’a été proposée, sinon de lui rappeler de communiquer avec les services d’urgence en cas de besoin.

«J’avais demandé si c’était possible d’avoir plus de sécurité lors de l’événement. On m’avait répondu ceci par courriel : il est impossible pour la Ville d’engager des patrouilleurs ou des agents sur des sites précis. La place Saint-Frédéric demeure un endroit public accessible pour tous. Pour toute urgence ou s’il y a péril pour la sécurité de quiconque, en tout temps, contactez le 911», a-t-elle lu, restant sur sa faim.

Au moment où l’itinérance et les problèmes de santé mentale sont au cœur de l’actualité, celle-ci souhaite que les paliers gouvernementaux posent des actions précises avant que ça aille trop loin.

«Je n’ai pas de solution, car je ne connais pas ça et je ne travaille pas là-dedans, mais on doit s’occuper de ces gens désorganisés, en détresse. Il faut qu’il y ait plus de ressources», convient celle qui pense sérieusement à changer d’endroit pour y tenir l’activité l’an prochain.

Pour sa part, une des commerçantes de la foire, Anick Lapointe, craint qu’il n’y ait pas grand-chose à faire pour remédier à la situation.

«Je trouve ça triste parce que ces gens ont besoin d’aide et au final, il n’y a pas vraiment de ressources pour les aider. L’hôpital ne veut pas les prendre. On a appelé la police, mais elle ne peut rien faire parce que tant qu’il n’y arrive rien, ils ne peuvent pas agir. Va-t-il falloir qu’il arrive quelque chose?», lance celle qui a également travaillé en santé mentale à la résidence Saint-Charles il y a quelques années.

La Ville à la recherche de solutions

Se disant tout aussi préoccupée par la situation, la Ville de Drummondville précise qu’elle est limitée dans ce qu’elle peut faire de par son rôle, mais assure que les intervenants désignés agissent quand la situation le nécessite.

«La Ville ne peut à elle seule gérer cette problématique. La Sûreté du Québec a le mandat d’assurer la sécurité publique des citoyens sur notre territoire, dont à la place Saint-Frédéric. Nos partenaires sont informés qu’une clientèle itinérante est en progression au centre-ville, dont le Refuge La Piaule du Centre-du-Québec et la SQ», indique Dominic Villeneuve, directeur du service des communications.

Celui-ci fait savoir que des démarches sont en cours avec les partenaires «pour amenuiser les impacts de cette progression».

Soulignons d’ailleurs que la mairesse Stéphanie Lacoste participera au Sommet municipal sur l’itinérance (UMQ) qui aura lieu à Québec, ce vendredi 15 septembre.

La réglementation

Depuis 2020, les adultes peuvent prendre leur repas accompagné d’un breuvage alcoolisé dans dix parcs de la ville, soit : Woodyatt, Bellevue, des Voltigeurs, Sainte-Thérèse, Kounak, Boisbriand-Central, Rosaire-Smith, Saint-Frédéric, des Rapides-Spicer ainsi que la plage publique.

Cette permission est valide entre 11 h et 20 h et seulement dans les aires de pique-nique et de détente. La consommation d’alcool dans les sentiers de ces parcs, dans les pistes cyclables ou encore dans les modules et aires de jeux est donc interdite. Dans les autres parcs, la consommation d’alcool demeure interdite en tout temps, sauf lors d’un événement spécial ou d’une fête populaire qui a obtenu une autorisation en ce sens au préalable.

(Avec la collaboration de Félix Gallant)

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