Mission : convertir 3,6 millions de documents papier municipaux au numérique

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Par Cynthia Martel
Mission : convertir 3,6 millions de documents papier municipaux au numérique
La technicienne Martine Barbeau numérise un plan. (Photo : Ghyslain Bergeron)

MUNICIPAL. C’est un véritable travail de moine auquel s’affairent les techniciens en documentation de la Ville de Drummondville. D’ici six ans, ils auront numérisé pas moins de 3,6 millions de pièces. Incursion dans les voûtes d’archives municipales.

Le sous-sol de l’hôtel de ville regorge de documents, dont plus de 60 000 dossiers de propriété datant du début des années 1900 à aujourd’hui. Ceux-ci sont conservés et archivés depuis dans la voûte où se trouvait jadis la salle de tirs du poste de police.

Alexis Corbin-Giroux, Martine Barbeau et Jérôme Delisle s’y trouvent. Ils sont bien concentrés à la tâche. L’un est posté devant le numériseur; les deux autres entrent minutieusement des informations à l’ordinateur. Une fraction de seconde d’inattention pourrait altérer les documents.

«Étant donné que ces dossiers-là peuvent être portés en cours pour différentes raisons, il faut s’assurer de conserver leur valeur légale. C’est la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information qui encadre ça et qui stipule grosso modo qu’un document électronique et un papier ont la même valeur légale seulement si on est capable de montrer qu’il n’y a pas eu d’altération. Pour le garder authentique, le technicien doit remplir un registre en inscrivant son nom, la date et l’heure et en indiquant le numériseur utilisé ainsi que les particularités, s’il y a lieu. Les techniciens ont également signé des déclarations affirmant solennellement que le papier est exactement comme le document électronique», explique Jonathan Guilbeault, archiviste depuis 2015 à la Ville de Drummondville et qui chapeaute le projet.

À titre informatif, les dossiers de propriété peuvent contenir permis, lettres envoyées aux propriétaires, infractions, notes des urbanistes, documents en lien avec le zonage et les inspections. «Bref, tout ce dont la Ville a besoin pour s’assurer que les bâtiments sont conformes à la réglementation municipale», précise-t-il.

345 mètres linéaires de documents

Jonathan Guilbeault (Photo : Ghyslain Bergeron)

Déployée en décembre 2021, la numérisation des dossiers de propriété s’échelonne sur une période de sept ans.

«Il y a eu une portion de projet pilote à l’automne 2021, mais je dirais que depuis un an et demi, les techniciens y travaillent à temps plein. En date du 15 juin dernier, 5389 dossiers avaient été numérisés», fait savoir M. Guilbeault.

«Au début, on archivait et numérisait une quinzaine de dossiers par jour à trois. On faisait beaucoup d’essais-erreurs et on devait se familiariser avec les logiciels et les scanneurs. Maintenant, on a pris de la vitesse, donc on en fait au moins 50», raconte la technicienne Martine Barbeau.

Les employés se concentrent uniquement sur les dossiers datant de 1950 et plus. Un an après la numérisation, les documents papier peuvent être jetés.

«On a eu une discussion avec BAnQ (Bibliothèque et Archives nationales du Québec) concernant les documents avant 1950. Dans l’éventualité qu’on veuille les numériser puis les détruire, il faudrait avoir leur autorisation en raison de leur caractère patrimonial. À leur suggestion, dans une seconde phase, on va évaluer la valeur patrimoniale de tous ces dossiers, ce qui nous permettra de prendre une décision éclairée», mentionne M. Guilbeault, en soulignant que toutes les photos, peu importe la date, sont conservées.

«On a aussi préservé certains échantillons uniques, dont les tout premiers permis et des dossiers des anciennes villes de Saint-Nicéphore et Saint-Joachim.»

À terme, les 60 000 dossiers, ce qui représente 345 mètres linéaires de documents ou 1150 boîtes d’archives, seront plus facilement accessibles. «Pour consulter les documents, les urbanistes doivent aller au sous-sol de l’hôtel de ville. Aussi, les employés des services incendie et de l’environnement consomment parfois ces informations. On s’est rendu compte durant la pandémie, quand tout le monde était en télétravail, que ça aurait été pratique d’avoir accès à tous ces fichiers au même endroit dans un dossier numérique», indique-t-il.

Soulignons que les dossiers de propriété constituent 20 % de la masse documentaire papier de la Ville de Drummondville. «Il s’agit d’une des plus grandes séries documentaires de l’appareil municipal. Au dernier recensement en 2020, on possédait 1,4 kilomètre linéaire de documents papier», note l’archiviste, ajoutant que ce projet a pour but de diminuer la consommation de papier et donc, ultimement, de réduire les coûts et la manipulation ainsi que libérer de l’espace.

«Et pour assurer une meilleure conservation des documents, c’est la solution», conclut-il.

 

Quelques éléments inusités retrouvés

À travers cet intense projet, les techniciens en documentation font des découvertes pour le moins inusitées. En voici quelques exemples :

– Un bout de tôle;

– Un permis pour le poste à essence de l’ancien magasin Sears des Promenades Drummondville;

– Une lettre d’excuse de la part d’un citoyen envers un employé pour avoir été impoli;

– Un calendrier Coca-Cola de 1953;

– Un livret de rabais datant de 1990 concernant les commerces de Drummondville;

– De vieilles photographies de bâtiments qui n’existent plus ou qui ont carrément changé d’allure.

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