Site d’enfouissement de Saint-Nicéphore : la Cour supérieure annule le décret de Québec

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Par Marilyne Demers
Site d’enfouissement de Saint-Nicéphore : la Cour supérieure annule le décret de Québec
(Photo : Archives - Ghyslain Bergeron)

JUSTICE. Un nouveau chapitre s’écrit dans le dossier du site d’enfouissement de Saint-Nicéphore. La Cour supérieure annule le décret du gouvernement du Québec autorisant la poursuite des activités de Waste Management (WM) à Drummondville.

En septembre 2021, Québec donnait le feu vert à la création d’une zone d’intervention spéciale (ZIS), permettant à WM d’enfouir 430 000 tonnes de matières résiduelles par année pendant 10 ans sur la phase 3B. Pour le gouvernement, il s’agit de la «seule option possible pour éviter une crise sanitaire inévitable en cas d’interruption de service», qui représenterait annuellement «l’équivalent de camions remplis de matières résiduelles et enlignés pare-chocs à pare-chocs sur l’autoroute 20, entre Québec et Drummondville, aller-retour».

Le Tribunal tranche que ce décret est non conforme à sa loi habilitante. «Il en résulte que la décision du gouvernement de l’adopter est déraisonnable et que le décret 1235-2021 est invalide», indique la juge Katheryne A. Desfossés, dans sa décision rendue ce mardi.

Dans le jugement de 50 pages, la Cour supérieure reproche au gouvernement du Québec et au ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques de ne pas respecter certains éléments de la loi habilitante relativement au périmètre et de ne pas avoir procédé à une opération cadastrale pour subdiviser les lots nécessaires à la création de la ZIS, sous prétexte que le ministère a «manqué de temps».

Lors des audiences tenues du 30 mai au 3 juin dernier, des fonctionnaires du gouvernement ont notamment reconnu que le périmètre retenu pour la ZIS dépassait largement ce qui est nécessaire pour l’exploitation du site d’enfouissement «pour le moment». «Cette nuance n’est pas banale. On y comprend que l’objectif réel du périmètre retenu est d’avoir libre cours pour permettre ultérieurement un agrandissement du LET à une phase additionnelle. Or, ce motif occulte n’apparait évidemment pas de la décision du gouvernement et n’est certainement pas compatible avec la lettre de la loi qui vise la résolution d’un problème environnemental», écrit la juge Katheryne A. Desfossés.

Par ailleurs, celle-ci fait également référence à la durée de la ZIS qui est de 10 ans. «Pour justifier sa décision de créer la ZIS, le gouvernement soutient qu’il y avait urgence d’agir afin d’éviter un grave problème. Soit, mais comment cette urgence d’agir peut-elle se justifier à si long terme?», questionne la magistrate.

Selon les affirmations du directeur de la Direction des matières résiduelles au ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Martin Létourneau, lors des audiences, le décret ne prévoit aucun délai parce que le gouvernement voulait éviter d’avoir à revenir à la table pour créer une nouvelle à ZIS tous les deux ans.

Toujours selon ce fonctionnaire, le fait d’indiquer que la ZIS était valable pour 10 ans aurait été incompatible aux yeux de «monsieur et madame Tout-le-monde» avec la notion d’urgence.

«Étant une mesure d’exception qui vise à solutionner une problématique urgente ou grave, son application doit être limitée à ce qui est nécessaire pour régler le problème existant ou imminent et le gouvernement doit faire preuve de transparence dans cette application», écrit la juge, ajoutant qu’il est insuffisant d’indiquer que le décret peut être abrogé à tout moment.

Bien que le Tribunal soit du même avis que la Ville de Drummondville quant à l’absence d’une durée d’application de la ZIS, il n’a pas retenu son argument concernant l’absence réelle de consultation publique.

La juge dit ne pas pouvoir conclure que le gouvernement ne s’est pas prêté à l’exercice requis pour la création d’une ZIS. Une assemblée publique a eu lieu en août dernier. «Tenir une consultation publique ne signifie pas qu’il faille suivre ce que le public demande, aussi frustrant que cela puisse sembler pour les personnes qui sont consultées», soutient la magistrate.

Dans sa décision, la juge Katheryne A. Desfossés indique que la création d’une ZIS est tout de même possible dans les circonstances. Pour cette raison, le Tribunal suspend ce jugement pour une durée de 120 jours pour permettre au gouvernement d’adopter, s’il le souhaite, un nouveau décret visant la création d’une ZIS qui serait conforme à la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme.

Au moment d’écrire ces lignes, la Ville de Drummondville n’avait pas commenté le jugement. La mairesse de Drummondville, Stéphanie Lacoste, tiendra un point de presse demain.

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