Une nouvelle maison pour aînés vivant avec l’Alzheimer sort des sentiers battus

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Par Cynthia Martel
Une nouvelle maison pour aînés vivant avec l’Alzheimer sort des sentiers battus
Cette approche centrée sur la personne mise sur la relation de confiance entre les employés et les résidents. (Photo : Gracieuseté)

AÎNÉS. Sur un étage du Centre d’hébergement St-Joseph, des aînés atteints d’un déficit cognitif vivent dans un environnement non conventionnel. Chacune de leur journée est dictée par leurs envies et leur rythme. Pas de routine, pas d’horaire préétabli. La Maison de l’Être propose une approche prônant la contribution du résident dans sa demeure.

Unique au Centre-du-Québec, la Maison de l’Être est une résidence qui s’adapte aux résidents.

«On veut que les résidents s’approprient le lieu et leur journée, sans trop de structure, et ce, dans une approche bienveillante. On s’assure qu’on ne va pas plus vite que la personne. Le but est que les résidents fassent les choses par eux-mêmes, en étant accompagnés par le personnel, ce qui favorise le maintien de leur autonomie», détaille Jasmin Gélinas, directeur général du Centre d’hébergement St-Joseph.

«Il ne s’agit pas d’un milieu d’adaptation. C’est tout simplement de vivre au jour le jour en ayant des petites victoires», ajoute Martine Pineault, coordonnatrice des soins.

Le résident se lève et se couche à l’heure qui lui convient. Il peut aussi satisfaire une petite fringale à tout moment, la cuisine étant accessible et la nourriture à portée de main. Il a également la possibilité de se laver et de se vêtir lui-même.

«Il y a évidemment une certaine supervision», fait savoir M. Gélinas.

La cuisine est accessible en tout temps. (Photo gracieuseté)

Cette approche centrée sur la personne mise sur la relation de confiance entre les employés et les résidents.

«Nous sommes dans l’accompagnement, c’est-à-dire que chaque intervention est adaptée à la condition de la personne», précise-t-il.

«C’est vraiment de retourner à la base, de répondre aux 14 besoins fondamentaux de l’humain», souligne Mme Pineault.

Une trentaine de personnes vivant avec l’Alzheimer ou atteintes de déficit cognitif y sont accueillies. Et les demandes d’hébergement ne cessent de s’accumuler.

De nombreux bénéfices

S’il le désire, le résident participe aux tâches de la vie quotidienne, soit, la lessive, la cuisine, le ménage. On y encourage beaucoup l’engagement : construire une cabane à oiseaux, socialiser entre résidents, cueillir et cuisiner des petits fruits, bricoler des éléments de décor, inviter ses petits-enfants à jouer dans le module extérieur, ne sont que quelques exemples. Tout est proposé en misant sur les forces et capacités des résidents.

En s’impliquant de la sorte, le résident se sent utile, ce qui favorise un sentiment de satisfaction et le maintien de son autonomie. Les bénéfices sur la santé physique, mentale et émotionnelle sont alors nombreux et éloquents, si l’on se fie à M. Gélinas et Mme Pineault.

«On a des gens qui retrouvent un sentiment de valorisation, de production, ce qui fait que ces personnes-là ont moins de comportements agressifs, car elles ont été actives toute la journée et que tous leurs besoins de base ont été répondus. Ils s’isolent moins aussi», affirme le directeur général.

«J’avais des gens qui n’exprimaient plus leurs besoins, maintenant, ils le font. Nous avons des résultats tangibles et éloquents», complète la coordonnatrice des soins.

Par ailleurs, la liberté accordée aux résidents fait en sorte que l’errance est moins observée.

«Ici, ils ne sont pas embarrés dans leur chambre. Le problème de vouloir s’évader vient souvent du fait qu’ils sont prisonniers de leur chambre. Ici, s’ils veulent par exemple suivre leurs proches jusqu’à la porte lorsqu’ils quittent, ils peuvent le faire, on va les accompagner. Le départ se fait donc en douceur. Ça va limiter tout ce qu’on appelle de l’errance. Quand le besoin est comblé, ça ne se produira pas», explique Mme Pineault.

«Et ce n’est pas parce que quelqu’un circule, c’est nécessairement de l’errance. C’est peut-être juste que par le passé, la personne aimait marcher. Lorsque la personne ne présente pas de problématique, pourquoi l’empêcher de circuler?» tient-elle à préciser.

Par ailleurs, le ratio employé par résident est d’un pour six avec des quarts de travail de 12 heures. Pour une personne ayant un trouble cognitif, voir les mêmes visages familiers toute la journée diminue l’anxiété.

«Dans un milieu conventionnel, il n’y a pas d’infirmières ni de préposées disponibles instantanément. Ici, il y a toujours quelqu’un à portée de main. Ainsi, ils savent que leurs besoins peuvent être immédiatement répondus», fait valoir Mme Pineault.

Malgré un contexte de main-d’œuvre difficile, le Centre d’hébergement St-Joseph a réussi à recruter tout le personnel nécessaire. Le concept, «grandement influencé» par celui de la Maison Carpe Diem de Trois-Rivières, a été un élément attractif, selon Mme Pineault.

(Photo gracieuseté)

«On n’est pas un milieu axé sur la tâche, mais plutôt sur le bien-être des résidents. C’est un concept gagnant et c’est comme ça qu’on a réussi à attirer les gens.»

Les gestionnaires croient fermement que ce concept sera porteur pour l’avenir.

«C’est certain que c’est de l’apprentissage pour tout le monde, ça nécessite des ajustements. Le CIUSSS était d’ailleurs réticent au début, mais nous laisse beaucoup de latitude. On sent qu’on est en train de semer une graine», conclut Martine Pineault.

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