Après 30 ans, le meurtrier d’Éric Vallée court toujours

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Par Ghyslain Bergeron
Après 30 ans, le meurtrier d’Éric Vallée court toujours
Le 31 août 2020, des fleurs ont été déposées au pied de l’arbre où Éric Vallée a été découvert, assassiné. (Photo : Ghyslain Bergeron)

MEURTRE. Il y a pratiquement 30 ans jour pour jour, Éric Vallée était retrouvé sans vie au pied d’un arbre par un pêcheur, près du pont Curé-Marchand, à Drummondville. Le visage tuméfié, il a été assassiné d’une balle dans la tête et, bien que beaucoup d’eau ait coulé sous les ponts depuis, le meurtrier court toujours.

Il avait 18 ans et devait fêter son anniversaire le mois suivant. Sans le nier, les proches ont avoué qu’il avait quelques problèmes de consommation et de comportements au moment du drame. L’aîné d’une famille de quatre enfants a vécu un événement déclencheur qui a fait basculer sa vie.

«Éric avait une belle complicité avec son père, mais il est décédé alors qu’il n’avait que 15 ans. Ç’a été un choc pour lui. C’était un bon petit garçon jusqu’à ce qu’on déménage à Drummondville», ont expliqué Rita Guillemette et Nancy Vallée, la mère et la sœur de la victime.

Nancy Vallée (soeur) et Rita Guillemette (mère) sont appuyées par Alain Parenteau (beau-père), espèrent toujours que justice sera rendue. (Photo Ghyslain Bergeron)

C’est donc en 1987 que la famille quitte Thetford Mines pour venir s’installer en ville. Éric retourne à l’école et se crée un réseau d’amis peu recommandable. «On a eu des ouï-dire qu’il brassait des choses illégales et qu’il consommait. Malgré tout, il faisait ses affaires et avait même par la suite commencé un DEP en soudure (qu’il n’a pu terminer). Il avait une copine. Ce n’était pas toujours facile, mais il allait aussi devenir père. Malheureusement, elle a perdu le bébé pendant la grossesse», a ajouté Mme Vallée.

Lorsque la victime a célébré ses 18 ans, il a réclamé sa part d’héritage laissé en veille jusqu’à sa majorité. «À cet âge, 30 000 $ c’est beaucoup. Il s’est acheté une voiture et des meubles, mais avec le reste je crois qu’il est entré dans l’abus, ce qui n’a pas aidé à sa situation», a précisé la mère.

Même si les proches n’étaient pas inquiets pour sa sécurité, ils pouvaient facilement remarquer que tout n’était pas rose dans la vie d’Éric. «Je n’ai pas côtoyé mon frère beaucoup dans ces années-là, mais on se parlait et on se disait qu’on s’aimait. Il ne me parlait pas de ses problèmes, il était secret, mais une chose est sûre, il a rapidement manqué d’argent. Il en réclamait souvent et tentait régulièrement de vendre ses choses, dont sa voiture», a relaté sa sœur Nancy.

Éric Vallée avait aussi des idées noires avant le drame. Son beau-père se souvient de l’avoir raisonné au téléphone. «Il était en panique au bout du fil. Il racontait qu’il était allé sur la tombe de son père au cimetière. Il n’allait pas bien. Il est revenu à Drummondville et là, on a eu une discussion assez mouvementée. Il voulait récupérer des armes pour les vendre. Il a finalement abandonné et est parti», a mentionné Alain Parenteau.

Le récit du meurtre

À l’époque, l’histoire avait fait les manchettes des journaux spécialisés en enquêtes policières. (Photo Ghyslain Bergeron)

Bien consciente que son fils fréquentait des personnes peu recommandables, la mère d’Éric a tenté de le raisonner, en vain. «Je l’avais vu dans une taverne avec des gens et je lui ai servi une mise en garde. Il était quand même majeur… il n’était plus obligé d’écouter sa mère. À cette époque, il passait aussi beaucoup de temps au Motel Drummond où, justement, il a été vu pour la dernière fois aux petites heures, la nuit du meurtre», a-t-elle raconté.

La veille du drame, Mme Guillemette remarque que les armes à feu ont disparu de la maison. Comme Éric habitait maintenant en appartement, les proches étaient à sa recherche afin de lui demander des explications sur ses actes, mais ils n’ont pas pu le retracer.

«On est allés se coucher sans s’inquiéter. Il pouvait être n’importe où et il allait bien finir par rentrer dans son logement. Ce n’était que partie remise», a mentionné la famille.

Le 31 août 1990, l’employeur d’Éric téléphone à la maison parce qu’il ne s’était pas présenté au travail. «J’étais choquée. On s’est de nouveau rendus à son appartement pour le confronter, mais il n’était toujours pas rentré. C’est à notre retour à la maison que deux enquêteurs nous ont abordés», se remémore Mme Guillemette.

Sans trop comprendre la situation, le couple Guillemette-Parenteau est séparé par les enquêteurs afin de lui poser quelques questions. C’est après quelques minutes que la nouvelle est tombée. «Il (l’enquêteur) m’a dit qu’il fallait aller identifier mon fils. Je me souviens de m’être demandé ce qu’il avait encore fait et que je devais aller au poste de police avant qu’il ne me précise que c’est à la morgue que je devais me rendre… je me suis écrasée dans l’escalier, en pleurs», a raconté, calmement Mme Guillemette.

«J’étais avec une amie qui se souvient, tout comme moi, le moment exact où c’est arrivé. C’est comme si le ciel m’était tombé sur la tête. Mon cœur s’est arrêté de battre et tu tombes dans un état d’esprit inexplicable», a ajouté Nancy Vallée.

Une enquête peu convaincante

Éric Vallée n’était pas connu des policiers municipaux de Drummondville et n’avait pas d’antécédents judiciaires. La scène de crime, qui a été passée au peigne fin, n’a révélé aucun indice pouvant mener au tueur. Le dossier a même été remis à la Sûreté du Québec à cette époque.

À l’époque, l’histoire avait fait les manchettes des journaux spécialisés en enquêtes policières. (Photo Ghyslain Bergeron)

«L’arme du crime n’a pas été retrouvée, mais des douilles jonchaient le sol. C’est certain que le meurtre n’a pas été fait sur place, car Éric semble avoir été transporté dans une couverture sur laquelle il gisait. Il y a eu des décisions qui pourraient laisser croire que l’enquête n’a pas été faite dans les règles de l’art. Est-ce que ça aurait changé quelque chose?», a soulevé Alain Parenteau, le beau-père d’Éric.

La mère et la sœur de la victime se disent amères de la tournure des événements suivant la mort de leur proche. «On n’avait pas beaucoup de nouvelles des enquêteurs. On devait toujours courir après eux. Un moment donné, tu lâches prise sans oublier ce qui est arrivé. Trente ans plus tard, on ne se fait pas d’illusions, on ne rêve pas en couleurs, mais il doit certainement y avoir quelqu’un, quelque part qui sait quelque chose. On ne veut pas savoir qui a fait ça, on veut juste que cette personne paie pour son geste», ont ajouté les deux femmes.

Il y a deux ans, un enquêteur d’une unité spéciale sur les cas de décès non résolus a demandé à la famille de réactiver le dossier, ce qu’elle a accepté. «J’avais demandé à l’époque que si une personne avait des informations de les mettre dans une enveloppe de façon anonyme pour que nous puissions retrouver le meurtrier. Aujourd’hui, on s’accroche à l’espoir en réitérant la demande. Qui sait?», a conclu Rita Guillemette.

Si vous détenez des informations sur cet événement, il est possible de contacter la Sûreté du Québec de façon anonyme en composant le (819) 310-4141.

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