La débrouillardise des maisons d’édition de la région

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Par Emmanuelle LeBlond
La débrouillardise des maisons d’édition de la région
Mélanie Poirier a publié le livre Je vibre au tempo de... en pleine pandémie. (Photo : Myriam Bussière)

LITTÉRATURE. Les maisons d’édition travaillent pendant des années sur un roman avant qu’il voie le jour. Entre la correction, la vérification, les illustrations et la mise en page, tout est planifié à un détail près. La pandémie représente un imprévu de taille qui chamboule le lancement des ouvrages, forçant les artisans du livre à trouver des solutions originales.

Au cours des derniers mois, Mélanie Poirier, propriétaire des Éditions mp tresart, a fait preuve d’une débrouillardise sans borne, car elle a publié l’ouvrage collectif Je vibre au tempo de… en pleine pandémie.

Comme la majorité des éditeurs, elle devait composer avec des délais d’impression qui étaient retardés à cause du personnel réduit dans les usines. «L’impression des livres était prévue pour le début du mois d’avril. À cause du confinement, on a dû mettre notre mal en patience et rester positif. Pour moi, c’est très important de respecter les délais, même dans un cas de force majeure. Heureusement, grâce à notre imprimeur, on a réussi à obtenir nos livres», raconte l’éditrice Mélanie Poirier, qui précise que la situation relève d’un miracle.

Même si Mélanie Poirier avait ses trésors en main, une incertitude planait quant à la tenue du lancement, qui devait avoir lieu au mois de mai. «Les gens m’écrivaient pour savoir ce qui allait se passer avec le lancement. J’ai attendu jusqu’à la dernière minute pour prendre une décision. Finalement, le gouvernement a annoncé qu’on devait annuler tous les événements jusqu’au 31 août. J’ai eu un gros pincement au cœur. Sur le coup, ça m’a fait beaucoup de peine», exprime la Durhamienne.

L’éditrice ne pouvait pas tenir les célébrations qu’elle convoitait. «Je tenais vraiment au lancement. Il y avait deux ans de travail derrière le livre, mais il y avait aussi un an de travail d’organisation pour l’événement. On voulait faire ça en gros avec un chapiteau, une chanteuse et des musiciens. Environ 400 personnes étaient attendues», témoigne-t-elle.

En plus d’être éditrice, Mélanie Poirier est une artiste professionnelle. (Photo: gracieuseté).

Mélanie Poirier a décidé de rebondir avec une nouvelle initiative : un lancement virtuel. «L’événement virtuel consiste à avoir trois rendez-vous par semaine, soit les samedis, les dimanches et les lundis à 20 h sur la chaîne YouTube de ‘’Mp suppart’’. Il y a 45 capsules vidéo. Le lancement va se terminer à la mi-septembre», explique l’éditrice.

Les 90 créateurs – qui ont participé à l’ouvrage collectif – partagent un extrait de leur œuvre et témoignent de leur expérience. «À notre grand bonheur, ça a suscité un engouement autant auprès des jeunes qu’auprès des adultes», soutient Mélanie Poirier.

L’éditrice envisage de répéter l’expérience dans l’avenir. «J’ai envie de recommencer cette formule, même si c’est beaucoup de travail. Durant un événement ponctuel, c’est un certain nombre de personnes qui peut être présent. On ne peut pas rejoindre tout le monde. La magie avec les réseaux sociaux, c’est qu’on peut vraiment rejoindre beaucoup de monde. Les gens peuvent s’exprimer aussi. Pour moi, ça compte», assure-t-elle.

Un projet de taille

Pour sa part, Frédéric Lavoie revêt deux chapeaux. Il est illustrateur et éditeur chez les Éditions Histoires à Succès. Si ses contrats d’illustration ont été mis sur la glace pendant les derniers mois, ce dernier a profité de la période de confinement pour travailler sur ses projets en édition.

«Présentement, on est sur un gros projet pour le temps des fêtes. C’est un livre d’une légende des fêtes. On a mis tout le reste de côté. On travaille sur ça avec un auteur de Drummondville», explique-t-il. Cette année, Frédéric Lavoie a déménagé sa maison d’édition à Sherbrooke, mais son entreprise a œuvré pendant trois ans et demi à Drummondville.

Frédéric Lavoie est illustrateur et éditeur chez les Éditions Histoires à Succès. (Photo : gracieuseté)

«Ça fait plus d’un an qu’on travaille sur le projet étant donné qu’il y a des produits dérivés. On fait affaire avec un distributeur de Saint-Germain-de-Grantham. On va avoir des figurines associées au livre», ajoute l’éditeur.

Le déploiement de ce projet sera perturbé. «On avait prévu faire plusieurs défilés de Noël avec notre légende. La plupart des défilés sont annulés. Drummondville, c’est encore incertain. On ne sait pas trop où on s’en va avec tout ça. On va se reprendre d’une autre façon.»

À partir du mois de septembre, Frédéric Lavoie rencontrera son équipe, question de planifier le lancement. «On veut faire des déploiements un petit peu partout au Québec. On a peut-être une troupe de danse, une troupe de théâtre et des chanteurs qui vont faire quelque chose… Le COVID peut chambouler ça, mais on va trouver une façon de faire qui va être intéressante.»

Les ventes

La pandémie a aussi eu un impact sur la vente des livres, indique Mélanie Poirier. «C’est sûr qu’il y a eu un ralentissement, même si on a une librairie en ligne pour vendre nos livres. Les gens étaient plus préoccupés par leur survie et leur perte de revenus», exprime-t-elle.

Du côté des livres numériques, Pierre Corbeil, propriétaire des Éditions fpc, a été témoin du même phénomène. «Ma maison d’édition se spécialise dans les livres numériques. Je ne peux pas dire que les gens se sont précipités pour acheter nos livres. Les ventes n’ont pas changé beaucoup. Pourtant, je me serais attendu à un impact positif», avoue-t-il.

Comme ses homologues, l’éditeur rabat ses énergies sur ses nouveaux projets, que ce soit par la publication de nouveaux livres ou le développement de livres audio.

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