La concurrence déloyale dans la balance des inconvénients

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Par Jean-Pierre Boisvert
La concurrence déloyale dans la balance des inconvénients
Condor Chimiques et ses deux grandes bâtisses le long de l’autoroute 20 à la hauteur de Saint-Eugène. (Photo : Gracieuseté)

AFFAIRES. Y a-t-il une concurrence déloyale qui passe entre les mailles du filet dans la définition de ce qu’est un service essentiel en marge de la pandémie de Covid-19 ? Les avis sont partagés.

Louis Lepage, président-directeur-général de Condor Chimiques, croit que oui. Il avance que son entreprise, qui a dû mettre à pied une quarantaine d’employés et cesser la transformation et la fabrication de ses produits chimiques, asphaltiques et cimentaires, par respect des consignes du gouvernement Legault, est défavorisée par rapport à des compétiteurs, comme Soprema, qui poursuivent leurs activités.

Condor Chimiques a fait construire récemment une nouvelle bâtisse de 100 000 pieds carrés, derrière celle, tout aussi imposante, que l’on aperçoit en bordure de l’autoroute 20 à la hauteur de Saint-Eugène. Un investissement de 3,5 millions de dollars. Le bâtiment est déjà loué pour trois ans à Gestion Stock.

«Mon entreprise, qui compte 45 employés, est en arrêt alors que je vois des compétiteurs, comme Soprema, qui continuent leurs activités. Moi aussi j’offre des produits d’étanchéité. C’est injuste. Je crois qu’il faut vraiment préciser la notion de service essentiel dans le cadre de la crise actuelle et assurer des suivis», suggère Louis Lepage.

L’homme d’affaires dit qu’il a tenté de joindre les services gouvernementaux pour obtenir une dérogation, mais que ses démarches, longues et fastidieuses, n’ont pas pu aboutir.

Chez Soprema, le directeur général Richard Voyer comprend la situation très difficile dans laquelle se trouvent actuellement de nombreux entrepreneurs.

«Ce n’est pas drôle pour personne. Nous avons plusieurs usines qui sont fermées et d’autres qui ne sont ouvertes que partiellement, pour desservir des secteurs essentiels comme le chantier sur lequel on travaille à Québec où se construit une usine qui fera des vaccins. Je connais Condor et il est davantage un partenaire qu’un compétiteur. Nous ne sommes pas dans le même créneau. Les directives sont claires. Nous les avons analysées plus d’une fois. Nous sommes une multinationale et nous avons vu venir ces consignes. En Chine, on a fermé une usine dès le mois de janvier en raison de la pandémie de Covid-19. Même chose en France et en Italie. Nous avons mis sur pied une cellule de crise de trois personnes à temps plein pour se pencher là-dessus. Dans un groupement d’une centaine d’entreprises exportatrices et nous sommes très actifs, nous donnons des conférences à ce sujet. Ce n’est pas simple cette affaire. Tu ne peux pas jouer là-dedans comme tu veux, sinon tu vas te faire ramasser», soumet Richard Voyer.

«Oui on regarde»

Ce type d’inégalités commerciales se vérifie dans d’autres domaines, notamment dans le secteur des grandes surfaces ou des spécialités saisonnières telle que la vente de barbecues, fort populaire au printemps.

Le journal a tenté de joindre André Lamontagne, ministre de l’Agriculture et député de Johnson, pour savoir si le milieu de l’entrepreneuriat lui avait adressé des plaintes en ce sens dans la région de Drummondville.

Laurence Voyzelle, attachée de presse au cabinet du ministre Lamontagne, nous a indiqué que le gouvernement, pour l’instant, s’en remet à la déclaration du premier ministre François Legault qu’il a faite hier (lundi) lors de son point de presse quotidien.

En résumé, voici cette déclaration : «Il y a de petits commerces qui se sentent un peu lésés parce qu’il y a de grandes surfaces qui offrent certains produits non essentiels… là on est dans la balance des inconvénients. Je comprends que ça ne paraît pas juste pour les petits commerçants. Mais en même temps, quand les Québécois vont chercher de la nourriture dans une grande surface, ils peuvent prendre d’autres éléments qui sont non essentiels mais utiles dans leur vie… Je suis très conscient de ça. Est-ce qu’on pourrait ajouter des petits commerces où on garde la distance de deux mètres dans les prochaines semaines? Je n’exclus pas ça. Mais il va falloir avoir le ok du Dr Arruda et s’assurer qu’on a passé le sommet. D’où l’importance de bien estimer le sommet, pour être capable, dans la partie descendante, d’ouvrir certains commerces. Oui on regarde».

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