COVID-19 : des intervenants sur la ligne de front, mais sans protection

COVID-19 : des intervenants sur la ligne de front, mais sans protection
Les intervenants de la DPJ de Drummondville sont déçus de mesures mises en place par leur employeur pendant la pandémie. (Photo : Unsplash)

SANTÉ. Les intervenants de la DPJ doivent continuer à donner des services à domicile, et ce, sans protection supplémentaire malgré la pandémie. La situation est venue aux oreilles du syndicat, qui demande à ce que l’on rectifie le tir, immédiatement. 

Une intervenante de la Protection de la jeunesse (DPJ) à Drummondville déplore le peu de mesures d’hygiène mis en place dans son milieu de travail depuis le début de la pandémie: «On ramène tous les microbes des enfants suivis par la DPJ au bureau. On risque de contaminer nos collègues, mais aussi toute la population», lance-t-elle.

Celle-ci a accepté de raconter son quotidien à L’Express, mais sous le couvert de l’anonymat par peur de représailles de son employeur, la DPJ.

L’intervenante cumule les histoires qui n’ont, selon elle, «aucun sens» à l’ère du coronavirus. «Le conjoint d’une collègue revient d’Europe et elle est obligée de rentrer travailler. Il est pratiquement impossible de garder deux mètres de distance entre nos collègues, car nos bureaux sont petits et partagés. Il y a des gens qui reviennent de voyage, par exemple dans les pays du Sud, et qui sont au bureau. On ne désinfecte pas notre lieu de travail ni les salles de rencontre. Une collègue qui ne voulait pas envoyer ses enfants à la garderie a dû prendre un congé sans solde, etc».

D’ailleurs, mercredi, Andrée Poirier, la présidente du syndicat, l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), a fait une sortie publique à ce sujet.

«Notre patience a atteint ses limites. Ça fait près de 12 jours que le gouvernement Legault a décrété l’état d’urgence sanitaire et rien n’est fait pour assurer la sécurité de nos membres sur le terrain. Les établissements se fichent éperdument des consignes de la ministre McCann et du directeur national de la Santé publique, le Dr Horacio Arruda. Attendons-nous qu’il y ait une mort dans le réseau pour assurer la sécurité du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux ?», a-t-elle lancé dans un communiqué envoyé aux médias.

Pas d’équipement de protection

Par-dessus tout, l’intervenante contactée par L’Express déplore de ne pas avoir accès à de l’équipement de protection, elle qui doit quotidiennement se rendre au domicile de ses clients. «Mon problème n’est pas d’aller dans les milieux familiaux, car on est un service essentiel. J’aimerais simplement avoir droit à des mesures de protection. J’adore mon travail, mais je ne le ferais pas au détriment de ma santé», lance-t-elle.

Si elle veut davantage de protection, comme des gants ou un masque, pour une rencontre à domicile, l’intervenante doit se rendre à l’hôpital Sainte-Croix pour en récupérer. Elle a droit à un ensemble de protection.

«Pendant ma journée, je me déplace d’une famille à une autre avec aucune protection. Chaque jour, je risque de me contaminer ou de contaminer mes collègues et mes clients», souligne-t-elle avec exaspération.

Cette dernière a également fait savoir qu’elle n’a pas accès à des lingettes désinfectantes. «On a refusé de m’en donner à l’hôpital et il n’y en a pas sur mon lieu de travail. Si j’en veux, je dois m’en acheter moi-même», dit-elle.

«Pour nos employés qui travaillent dans les hôpitaux, les mesures de désinfection sont assez claires. Ils sont habitués à cela. Mais dans l’ensemble de nos autres établissements, il n’y a pas eu de consignes précises quant aux mesures sanitaires», appuie Véronique Neth, présidente de l’APTS, région Mauricie/Centre-du-Québec.

«J’ai des équipes qui achètent ou fabriquent elles-mêmes des produits d’entretien ménagers, car on ne leur en fournit pas», ajoute Mme Neth, en précisant que l’employeur, bien qu’il soit collaboratif, réagit trop lentement aux demandes qui lui sont adressées.

À quand le télétravail ?

Véronique Neth remarque également que le télétravail est très peu encouragé, même si les membres du syndicat demandent à y avoir droit.

«On souhaite maintenir les services réguliers, mais il y a plusieurs services qui pourraient se donner à distance. Par exemple, certaines rencontres peuvent avoir lieu par téléphone. On a des intervenants qui pourraient faire du télétravail, mais qui doivent encore se déplacer au travail. Considérant les demandes du gouvernement de limiter nos déplacements, c’est un non-sens», souligne-t-elle.

«Je ne pense pas qu’on demande la lune. Nos membres veulent des consignes sanitaires claires, de l’équipement de protection, cesser les contacts présentiels non nécessaires et avoir droit au télétravail lorsque c’est possible. On a quand même une collaboration de l’employeur en Mauricie/Centre-du-Québec. Il veut bien faire, mais c’est très lent et fastidieux avant d’avoir des réponses réelles sur le terrain», précise-t-elle.

Questionnée à savoir comment est l’ambiance à la DPJ de Drummondville, l’intervenante répond :

«L’ambiance est lourde. On marche sur des œufs avec nos dirigeants. On demande des mesures que l’on se fait refuser. Si on ne met pas ces mesures en place maintenant, c’est dans deux semaines qu’on va voir les effets négatifs, comme des collègues contaminés par le coronavirus».

Elle souligne qu’il y a aussi des tensions qui se créent entre les employés. «Prenons l’exemple de ma collègue qui revient de voyage et qui rentre au bureau, car elle n’a pas d’autre choix. C’est clair que personne ne veut travailler près d’elle. Elle est comme rejetée», laisse-t-elle tomber.

«La critique que l’on adresse à notre employeur est faite dans le but de pouvoir continuer à offrir un service. On a peur de contaminer nos membres tout autant que la population», conclut Véronique Neth.

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