Ils mettent le doigt sur les failles de la DPJ

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Par Cynthia Martel
Ils mettent le doigt sur les failles de la DPJ
Nancy Roberge de l’Institut du nouveau monde, André Lebon, vice-président de la Commission, Régine Laurent, présidente, et Danielle Tremblay, commissaire (Photo : Cynthia Giguère-Martel)

FORUM. La règle de confidentialité trop rigide, le manque de stabilité, un système trop bureaucratique et les intérêts des enfants oubliés sont autant de constats soulevés par une quarantaine de citoyens réunis le 15 janvier pour le forum de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse.

Animé par l’Institut du nouveau monde, ce forum qui avait lieu au Centrexpo Cogeco de Drummondville était le deuxième d’une série de 21 tenus à travers la province. Il s’agit d’une occasion pour les citoyens de se prononcer sur les principaux défis entourant les droits des enfants et la protection de la jeunesse. Les discussions étaient centrées autour des enjeux de la prévention, du parcours des jeunes et parents, du cadre légal et processus judiciaire entourant les droits des enfants et de la gouvernance du système et des conditions des pratiques professionnelles.

«On a tenu beaucoup à les (forums) faire, a lancé Régine Laurent, présidente de la Commission. Ces forums sont complémentaires aux audiences publiques que nous tenons depuis le mois d’octobre et qui ont réuni des experts, des jeunes et des groupes communautaires. C’est important de vous entendre. Ça va nous aider dans nos réflexions pour en arriver à des recommandations qui reflèteront vos préoccupations.»

«Nous sommes très contents, parce qu’au départ, on se demandait si les gens viendraient et, actuellement, nous avons 1900 inscrits. Ça donne du poids ça à votre parole», a exposé André Lebon, vice-président de la Commission.

Constats

Pour la première partie de la soirée, les participants étaient invités à échanger en petits groupes sur leurs expériences afin de ressortir des constats. Volubiles, réfléchis et engagés, les citoyens ont largement alimenté la période de la plénière.

D’abord, ils dénoncent la lourdeur bureaucratique imposée au détriment des intérêts des enfants.

La stabilité est aussi l’un des enjeux qui a suscité plusieurs réactions.

«Ce n’est pas normal que des enfants fassent 5-10-15 ou même 20 familles en un an», a-t-on déploré.

Les participants ont aussi noté le taux de roulement élevé d’intervenants et le manque de spécialistes.

Qui plus est, la règle de confidentialité est très «mal appliquée» selon eux, limitant l’accès des familles d’accueil, entre autres, aux informations médicales des enfants.

«Avec les bruits de corridors, je sais plein de choses, mais je ne peux pas savoir par contre quand un enfant que j’accueille a été abusé sexuellement», a affirmé une participante.

«La confidentialité est appliquée de façon absolue, ce qui limite la capacité des acteurs à bien répondre aux besoins des enfants, car il y a un manque de compréhension de la situation. Dans le cas des situations qui mènent vers une tutelle ou une curatelle, l’information est perdue pour toujours», a souligné la porte-parole d’un groupe de discussion.

À ce sujet, la commissaire Danielle Tremblay a affirmé que la confidentialité était, pour la Commission, «l’un des grands sujets de préoccupation».

«À ne pas vouloir faire d’erreurs et ne pas vouloir briser les règles de confidentialité, on ne se partage pas l’information essentielle. Cela peut donc nous amener à faire d’autres erreurs dans l’intérêt de l’enfant. C’est un grand enjeu», a-t-elle soutenu.

La longueur des délais judiciaires, la place des enfants négligée dans les décisions et la lenteur du système à réagir sont autant d’autres constats qui ont été entendus lors de la plénière.

Au final, «l’enfant est souvent perdant», ont-ils conclu.

Propositions

La seconde partie était consacrée aux propositions. Voici en vrac quelques-unes d’entre elles.

– Favoriser une intervention intensive avant de procéder à un déplacement vers une nouvelle famille;

– Fonds d’urgence pour soutenir la transition vers la vie adulte;

– Plus grande participation du système scolaire via des campagnes de sensibilisation ciblées;

– Mettre sur pied des équipes multidisciplinaires pouvant analyser les dossiers à la lumière des diagnostics qui reçoivent, dans le but de mieux répartir les dossiers vers les services appropriés;

– Revoir la qualité des formations des intervenants, par exemple, comment capter le langage corporel;

– Pairage entre les nouveaux et les intervenants terrain d’expérience pendant un an;

– Éviter la présence des jeunes à certains postes stratégiques en attendant qu’ils acquièrent de l’expérience;

– Enlever un peu d’autonomie aux établissements et leur donner des règles à suivre plus strictes;

– Les intervenants doivent être imputables, comme tout le monde;

– Création d’un ombudsman de l’enfant;

– Instaurer une règle stipulant que l’avocat doit absolument rencontrer l’enfant 48 heures avant le Tribunal et non quelques minutes avant, comme c’est le cas présentement.

La Commission doit soumettre au gouvernement son rapport et ses recommandations, au plus tard le 30 novembre 2020.

Rappelons en terminant que la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse a été constituée le 30 mai 2019 à la suite du tragique événement survenu à Granby un mois auparavant. Le gouvernement avait donc pris l’engagement d’entreprendre une réflexion qui porterait non seulement sur les services de protection de la jeunesse, mais également sur la loi qui l’encadre, sur le rôle des tribunaux, des services sociaux et des autres acteurs concernés.

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