Jonathan-Hugues Potvin, chasser le naturel et il revient au galop

Jonathan-Hugues Potvin, chasser le naturel et il revient au galop
Jonathan-Hugues Potvin (Photo : Photo archives, L'Express)

CULTURE. Jonathan-Hugues Potvin assume la direction du Musée national de la photographie depuis 2016. S’il ne connaissait pas grand-chose à cet art à son arrivée en poste, l’artiste a su tailler sa place après avoir fait sa marque dans le domaine de l’improvisation et du théâtre.

«Je ne connais rien à la photographie et c’est une des raisons pourquoi je travaille au Musée national de la photographie», dévoile Jonathan-Hugues Potvin, directeur du musée qui vient de déménager au 400 rue Heriot. Rencontré à son nouveau lieu de travail, le passionné de théâtre et d’improvisation ne connaissait rien au 8e art.

«À mon arrivée, je me disais, enfin un médium artistique que je ne connais pas, je vais être objectif, ça ne va pas me prendre au cœur, je vais être capable de rester froid. Oublie ça après deux semaines, je m’injectais de la photo dans les bras», dit-il en mimant avec humour le geste de s’insérer une seringue dans le bras.

Cette passion combinée d’un sens profond de l’organisation ne date pas d’hier. «Ma mère m’a rappelé récemment qu’à 9 ans, lors de la semaine de relâche, j’avais monté un tournoi de hockey de rue. J’avais été à l’hôtel de ville pour avoir une carte. J’avais fait des secteurs, divisé des équipes et fabriqué des médailles en papier d’aluminium pour les gagnants», se souvient celui pour qui le sport a été un exutoire à son trop-plein d’énergie.

Durant un match d’impro. (Photo Stéphane Lévesque)

Cette fougue va également se canaliser à partir d’un certain soir de 1977. Un dimanche, devant son téléviseur, il syntonise Radio-Québec et fait une découverte qui le marquera à jamais : la Ligue nationale d’improvisation. C’est pour le jeune Jonathan-Hugues un déclic, une jonction entre deux de ses passions : le théâtre et le hockey.

En 1984, à 11 ans, il participe à son premier tournoi à Québec. Victoire de son équipe, joueur du tournoi, il a la piqûre. Une belle dépendance qui le mènera jusqu’à la Ligue nationale d’improvisation. «J’ai été substitut dans la LNI en 1997. J’ai joué seulement deux matchs», relate-t-il un peu déçu. C’est quand même deux parties de plus que la quasi-totalité des gens qui liront cet article, peut-on lui répondre.

«L’improvisation n’est jamais sortie de moi. Elle a fait de moi la personne que je suis aujourd’hui. Cela a forgé mes valeurs personnelles comme le respect mutuel, l’écoute et la sensibilité. L’improvisation m’a permis de me faire connaître et de me bâtir un cercle d’amis. Ça m’a fait grandir», constate Jonathan-Hugues Potvin. Et enfant, il fallait qu’il reste sage s’il voulait regarder l’impro à la télé.

Mais être sage, Jonathan-Hugues Potvin ne l’a pas toujours été. Arrivé à Drummondville au cœur d’une adolescence qu’il qualifie d’un peu difficile, il devient père relativement jeune par la suite. C’est à ce moment-là, à 21 ans, que sa route croise un grand homme qui va le marquer positivement : Yvon Garneau. Nouveau propriétaire d’un ranch et percevant en Jonathan-Hugues un potentiel que lui-même ne voyait pas, il le recrute comme palefrenier. Le garçon devient un homme… au galop! Il prend ses responsabilités.

Un peu plus tard, il est à l’emploi de Verdures Drummondville. Il y occupe un poste de directeur pendant quatre ans. Cependant, la passion de la culture continue de l’habiter. Il avait toujours en arrière-pensée ce que lui avait dit le regretté professeur d’art dramatique, André Huet : «Toi, si tu ne fais pas du théâtre, tu vas passer à côté de quelque chose d’important.»

Et il l’écoutera. À 26 ans, récemment séparé, père de deux filles, en retard pour les auditions des écoles de théâtre, il se retrouve à auditionner pour la dizaine de candidatures que retient l’École nationale de l’humour chaque année. Il appelle le mercredi pour réserver sa place pour les auditions se terminant le vendredi… de la même semaine! Du front tout le tour de la tête, au galop, il prépare pendant les deux jours qui lui reste un monologue de 10 minutes. Il est la 1286e personne auditionnée par Louise Richer et Pierre Brassard et, devinez quoi, il est choisi.

Mais Jonathan-Hugues Potvin a bifurqué alors de sa vraie passion : le théâtre. L’humour n’étant pas sa forme d’art favorite, il quitte l’École nationale pour l’UQAM. Baccalauréat en interprétation en poche, après beaucoup de théâtre d’été, il atterrit à Mont-Joli et deviendra professeur de théâtre à l’école secondaire de l’endroit. Il est piqué à nouveau, mais, cette fois-ci, par l’enseignement, par la transmission de sa passion. Dans les 14 années suivantes, il va combiner enseignement et théâtre de la Gaspésie à l’Abitibi, de Victoriaville à Drummondville.

Ce retour dans sa ville d’adoption sera une occasion de renouer avec un autre homme qui l’a influencé positivement dans son adolescence : Jean-Marie Richard. Fondateur de la Piaule, il l’engage comme intervenant en réinsertion scolaire. «Je faisais faire du théâtre aux jeunes délinquants pour qu’ils fassent une introspection, qu’ils se posent les bonnes questions, qu’ils développent leur plein potentiel. On montait des projets avec eux. La salle Gaston-Mandeville s’est réalisée dans ce temps-là. C’est quand j’étais à la Piaule que j’ai aussi fondé le Développement régional d’improvisation», indique Jonathan-Hugues Potvin. Sur son X comme il le dit, il fera le même type de travail au Carrefour jeunesse emploi par la suite.

La retraite de l’improvisation au printemps

En 2009, Francine Lemire, de Loisir sport Centre-du-Québec, pense à lui pour former une ligue secondaire d’improvisation. «Cela a mené à une belle explosion partout au Centre-du-Québec. Ce n’est pas pour rien que je vais prendre ma retraite ce printemps», fait savoir celui qui considère que la boucle est bouclée.

Une retraite définitive pour celui qui a l’improvisation tatouée sur le cœur? «Noui», répond-t-il en riant. «Mais je ne veux plus être engagé comme je l’ai déjà été. C’est au tour des plus jeunes de prendre le relais. On va leur donner les bandes, les gilets, les lumières que j’ai payés avec ma femme.»

Et, il confie, après toutes ces années, ressentir un certain épuisement bien normal. «J’ai beaucoup supporté l’improvisation à Drummondville. Bien qu’il y ait maintenant un peu d’aide de la Ville, ça me coûte encore quelques milles par année de faire de l’improvisation. Mais, maintenant, j’ai le gout de m’investir autrement dans la culture drummondvilloise.»

Vision de la culture de la Drummondville?

Et cette culture à Drummondville, en 2018, elle est florissante pour le directeur général du Musée national de la photographie. «Je sens une vague, une très belle vague. Avant, on fonctionnait en silos. Il y avait peu d’échanges entre les organismes culturels. Depuis deux ans, je sens le contraire. On a maintenant des projets intégrateurs». Jonathan-Hugues ne se cache pas pour identifier un facteur capital dans ce changement majeur. «Celui qui a défoncé la porte à Drummondville, c’est Alexandre Cusson en nous disant : «Parlez-vous!»

Jonathan-Hugues Potvin va même jusqu’à affirmer que le Centre-du-Québec est l’avenir de la culture du Québec. «En ce moment, on est en train de démontrer qu’il y a une viabilité culturelle en dehors des grands centres», termine fièrement le passionné.

 

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