Le niqab et l’assermentation à visage couvert

Monsieur Yves-François Blanchet, notre ancien député de Drummond, dans un article qu’il a publié dans le Huffington Post Québec en date du 22 octobre 2015, craint la généralisation de la pratique de l’assermentation ou du vote à visage couvert. Ce sont là des craintes non fondées. Au Canada, depuis 2011, il y a eu 680 000 nouveaux citoyens qui ont été assermentés citoyens canadiens. De ce nombre, 200 femmes sont voilées et seulement deux d’entre elles ont refusé de se dévoiler, dont Mme Zunéra Ishaq qui a gagné sa cause devant la Cour suprême.

Pour la votation, lors de l’élection québécoise du 14 avril 2014, seule une femme voilée a refusé de se dévoiler pour voter. Cette femme s’est quand même dévoilée devant un travailleur d’élection dans un endroit privé afin d’être identifiée positivement avant de pouvoir voter le visage voilé. On ne peut vraiment pas parler de généralisation et cette question a fait déraper la campagne électorale qui vient de se terminer, les conservateurs croyant pouvoir faire tourner cette question à leur avantage.

Le résultat de l’élection leur a donné tort. Je pense que l’on voit un problème là où il n’en existe pas dans les faits puisque cette situation est extrêmement marginale.

Cependant, considérant les débordements causés par des citoyens outrés de cette situation et qui ont été votés à visage couvert en signe de protestation, les travailleurs d’élections étaient plutôt inconfortables à gérer le phénomène. Il est, selon moi, totalement inacceptable de laisser voter une personne le visage voilé sur la base d’une simple assermentation sur son honneur et cela sans la forcer à se dévoiler en privé comme cela a été exigé au Québec lors des dernières élections provinciales ou comme dans certains cas, sans même exiger de présenter des documents d’identification.

C’est à ce niveau qu’il faut légiférer, soit sur la procédure à respecter pour pouvoir voter à visage couvert. La procédure imposée au Québec lors des élections provinciales est tout à fait acceptable. J’ajouterais cependant une autre formalité, soit d’exiger une preuve écrite de l’appartenance à la religion musulmane pour pouvoir se prévaloir du vote à visage voilé. Quant à adopter une loi qui interdirait le vote à visage couvert, même si je suis d’accord avec une telle loi, je ne rêve pas en couleur. Cette loi serait vite déboutée par la Cour suprême parce qu’inconstitutionnelle. Seul un amendement constitutionnel pourrait corriger la situation, mais cet amendement nécessiterait l’unanimité des 10 provinces canadiennes. Ou alors recourir à la clause nonobstant, mais dans ce cas, il faut renouveler ce recours tous les 5 ans. C’est un peu comme une roue de secours sur une automobile : il faut tôt ou tard trouver une solution plus permanente.

Quant à la crainte de M. Blanchette de voir les immigrants se ghettoïser en raison du niqab, je lui rappellerai que toutes les communautés culturelles ont leurs quartiers, que ce soit les Grecs, les Italiens, les Portugais, etc., et ces communautés n’ont pas de femmes voilées. Le risque de ghettoïsation est beaucoup plus risqué par l’interdiction du niqab dans l’espace public comme le suggèrent certaines personnes. Cette interdiction risquerait de voir certaines de ces femmes rester recluses à la maison sans sortir parce qu’elles ne voudraient pas se retrouver en public le visage découvert. Tôt ou tard, la société d’accueil fera son effet sur ces femmes et je suis convaincu qu’elles finiront par se dévoiler. Il suffit seulement de laisser le temps faire son oeuvre. Il faut être patient.

Dites-vous que l’on ne fait pas pousser une fleur plus vite en tirant sur sa tige.

 

Gilles Bugeaud, Saint-Cyrille-de-Wendover

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