Ébénisterie d’art : de Paris à Saint-Bonaventure

Photo de Jean-Pierre Boisvert
Par Jean-Pierre Boisvert
Ébénisterie d’art : de Paris à Saint-Bonaventure
Dominique Repetti a récemment procédé à l’embauche d’un maître ébéniste en la personne d’Alexandre Cecchi. (Photo : Photo Jean-Pierre Boisvert)

Un ébéniste d’art, c’est un artiste qui ne sait pas ce qu’il va faire demain, mais il sait qu’il dira oui.

C’est le genre de réflexion que vous allez entendre si vous parlez à Dominique Repetti, à sa conjointe Odile Richer, et à ce monsieur qu’ils viennent d’embaucher, Alexandre Cecchi, qui a quitté le prestigieux Faubourg Saint-Antoine, à Paris, ce quartier parisien reconnu mondialement pour ses artisans ébénistes, pour atterrir dans le village de Saint-Bonaventure.

C’est en effet dans cette petite municipalité de la MRC de Drummond que se trouve l’atelier de Dominique Repetti qui, avec son équipe de six employés, conçoit, dessine et fabrique des meubles sur mesure. «On fait que des pièces uniques ici. Selon le goût du client, selon son budget. C’est pour ça que la machinerie numérique n’entrera jamais dans mon atelier. Rien n’est fait en série. Tout est fait à la main, même les outils. Nous avons ainsi plus de contrôle et il n’y aura jamais deux pièces pareilles», assure-t-il.

La manière de travailler de ces ébénistes d’art est assez particulière. Ils commencent à œuvrer sur une commande spéciale, par exemple une cuisine, et les clients vont venir sur place à plusieurs reprises pour vérifier le travail et y apporter des améliorations. «Toute la cuisine est montée ici dans l’atelier et les gens peuvent constater le travail qui avance. Parfois, on nous dit : ah finalement j’aimerais mieux avoir des tiroirs ici au lieu d’une porte. Et on corrige aussitôt, on peut se revirer sur un dix cents», image le Français arrivé au Québec il y a 10 ans. L’espace commençant à manquer, un agrandissement de 3000 pieds carrés est en cours. C’est un investissement de 100 000 dollars. «Cet endroit nous permettra de monter les meubles tout en libérant notre atelier», annonce-t-il avec enthousiasme.

Une perle rare

Voyant le carnet de commande se garnir, Dominique Repetti a cherché un bras droit, un homme de confiance. Ne trouvant pas cette perle rare ici, il a passé une annonce internationale, en collaboration avec la Société de développement économique de Drummondville, et, en septembre dernier, un CV est parvenu de Paris, celui d’Alexandre Cecchi. «Il est d’abord venu voir. On a discuté et le courant est passé très rapidement. Alexandre est un maître ébéniste. Il travaillait à faire des copies, des copies conformes, de meubles anciens que l’on retrouve au Louvre et à Versailles. Il y a un marché mondial pour ça. Son expertise est fort utile puisque plusieurs de nos clients demandent le style européen et il a cette connaissance-là», fait valoir son nouveau patron.

Alexandre Cecchi a saisi l’occasion de sortir de Paris. «C’est une belle ville pour visiter, mais pour y habiter, c’est autre chose. Les appartements sont petits, c’est dispendieux et c’est pas idéal pour élever une famille», de raconter le nouvel arrivant qui est d’origine italienne. Il a traversé l’Atlantique avec sa compagne qui a la double nationalité belge et canadienne. «Son passeport a facilité les choses».

Membre des Compagnons du Tour de France, une société créée au moyen-âge pour transmettre aux jeunes leurs connaissances et les initier aux métiers de l’ameublement, Alexandre Cecchi en sait long sur l’histoire de l’ébénisterie, qui est née au 18e siècle. «Le mot vient de «ébène», un bois précieux qui, comme les autres essences exotiques, exigeait des expéditions risquées pour en rapporter en France. Comme on voulait en profiter le plus possible, on s’est mis à trancher le bois en fines feuilles afin d’avoir plus de surfaces. Et le métier d’ébéniste est né non pas dans la façon de faire des meubles mais dans la manière de les replaquer. On prend un bois massif qui est moins dispendieux et on le plaque avec une fine feuille de bois, du noyer par exemple. Le plaquage est difficile à maitriser mais il assure un esthétique qui n’existait pas avant», explique celui qui n’exclut pas d’offrir éventuellement des formations.

Dominique Repetti ajoute aussitôt que de mettre sur pied un genre d’école pour enseigner l’art de l’ébénisterie est effectivement un projet à moyen terme.

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