Reconnaître le Centre-du-Québec comme région sociosanitaire exigera un courage politique

Photo de Jean-Pierre Boisvert
Par Jean-Pierre Boisvert
Reconnaître le Centre-du-Québec comme région sociosanitaire exigera un courage politique
Pierre Levasseur a été directeur général de l’hôpital Sainte-Croix de 1993 à 2004. (Photo : (Photo archives, Ghyslain Bergeron))

SANTÉ. Bien que formellement promise par le gouvernement de François Legault, la reconnaissance officielle du Centre-du-Québec comme région sociosanitaire autonome provoquera un débat houleux au sein des représentants caquistes et exigera un courage politique énorme pour que ce soit réalisé. «Ça va brasser», avertit Pierre Levasseur, ex-directeur général de l’hôpital Sainte-Croix, de 1997 à 2004.

Conseiller municipal à la retraite et fort de ses 32 années d’expérience dans le réseau de la santé, Pierre Levasseur a une bonne idée des forces qui vont s’affronter pour que le Centre-du-Québec retrouve une réelle autonomie dans les services de santé au détriment de Trois-Rivières qui gère toutes les affaires administratives centricoises depuis la fameuse réforme Barrette, «une erreur dans l’histoire du Québec».

Dans un document qu’il propose pour faciliter la transition nécessaire et pressante vers une infrastructure propre au Centre-du-Québec, M. Levasseur soumet d’entrée de jeu que c’est un CIUSSS (Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux) et un non un CISSS (Centre intégré de santé et de services sociaux) qui convient le mieux à la région centricoise. La différence selon lui est importante.

Ouvrons d’abord une parenthèse pour un petit cours d’histoire : «La région administrative du Centre-du-Québec a été créée en 1997 pour développer notre autonomie en desserte de services gouvernementaux. Des bureaux régionaux gouvernementaux devaient s’installer au Centre-du-Québec pour que nous ne soyons plus à la remorque de Trois-Rivières. Malheureusement, nous devons constater l’échec : par exemple, il y avait 627 fonctionnaires provinciaux (toutes catégories) au Centre-du-Québec en 1997-1998 et il en reste 607 en 2017-2018, soit vingt ans plus tard. C’est une baisse de 3%. Trois-Rivières compte présentement 1465 fonctionnaires (hausse de 1% depuis 1997), soit deux fois et demie plus de fonctionnaires provinciaux pour une population identique au Centre-du-Québec. Pas sûr que nous nous sommes améliorés». Il a donné cet exemple pour illustrer que ce n’est pas d’hier que le pouvoir s’est déplacé vers Trois-Rivières.

«Dans le domaine de la santé, enchaîne-t-il, malgré les réactions politiques, le ministre Barrette a toujours refusé de reconnaître une évidence : pour lui, le Centre-du-Québec devait être maintenu sous la supervision de Trois-Rivières, de sorte que les besoins de la population centricoise sont identifiés à Trois-Rivières qui en définit également les solutions».

Levasseur est convaincu que ça prend un CIUSSS au Centre-du-Québec et il explique son point de vue.

«Le CIUSSS du Centre-du-Québec serait en lien avec l’Université de Sherbrooke tout comme l’est le CIUSSS du Saguenay Lac-Saint-Jean. C’est ce qu’indique le RIUS, le Réseau universitaire intégré de Sherbrooke. Notre CIUSSS aurait les mêmes responsabilités que les autres au Québec pour les services hospitaliers, de CLSC et des CHSLD, ainsi que le contrôle des ressources humaines, y compris la confection des horaires. Par contre, le CIUSSS-CQ aurait à établir des ententes avec la Mauricie ou l’Estrie pour les services dits régionaux comme la DPJ, la réadaptation et les ressources non institutionnelles. Cela pourrait par ailleurs signifier une nouvelle concertation Mauricie-Centre-du-Québec et Estrie pour une optimisation des services à la population de plus d’un million de personnes».

L’ancien DG de Sainte-Croix estime que Martin Beaumont, le PDG du CIUSSS à Trois-Rivières, est probablement nerveux à l’idée de perdre du personnel, «mais il n’en perdrait pas tant que ça, vu que plusieurs directeurs sont déjà en place à Victoriaville et Drummondville».

Pour arriver à compléter la passation des pouvoirs, il faudra selon lui mettre en place une équipe de gestionnaires dont la plupart sont déjà présents à Drummondville ou à Victoriaville. Le budget d’environ 500 millions $ devra passer de la Mauricie au Centre-du-Québec et les besoins réels de la population devront guider les choix. Un conseil administration représentatif de la région et un PDG devront être nommés et posséder des pouvoirs réels et non fictifs comme sous la gouverne du ministre précédent.

«Mais la chose la plus importante à faire dans un premier temps est de reconnaître Drummondville comme capitale régionale du Centre-du-Québec.  «Chaque région au Québec possède une capitale ou un centre majeur reconnu par le gouvernement. Il serait temps que la chicane de la 122 se termine pour le bien de la population», dit-il.

«Le mandat que les caquistes se sont donné exigera un courage politique énorme et une collaboration exceptionnelle du conseil des ministres. La commande soulèvera les passions à l’intérieur de notre région et surtout du côté de la Mauricie. Les élus qui réussiront le tour de force de libérer la région du Centre-du-Québec de Trois-Rivières passeront à l’histoire. Cela ne sera pas facile. Le ministre Jean Boulet, ministre responsable de la Mauricie, va recevoir des appels pour que sa région ne perde pas de pouvoirs en santé. Il faut s’attendre à ce que les régions d’Arthabaska et de Bécancour tirent la couverte de leur côté. Ma crainte, c’est que le député Éric Lefebvre (CAQ-Arthabaska) préfère avoir un boss à Trois-Rivières plutôt qu’à Drummondville. Ce genre de tiraillement est encore à prévoir. Ça va chauffer, mais il faudra bien qu’on arrête de taponner».

«François Legault, lors de son passage à Drummondville, Sébastien Schneeberger et André Lamontagne, en campagne électorale, ont promis la reconnaissance du Centre-du-Québec comme région sociosanitaire. Ils ont été élus. «Qu’ils mettent fin au contrôle de Trois-Rivières sur la gestion des services de santé et services sociaux du Centre-du-Québec».

Partager cet article