Contraint de parler à son épouse par Facetime

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Par Emmanuelle LeBlond
Contraint de parler à son épouse par Facetime
Richard Lebeau se plait à passer du temps en nature à son domicile. (Photo : Ghyslain Bergeron)

CORONAVIRUS. Richard Lebeau ignorait qu’un jour une pandémie allait créer un fossé entre lui et son épouse, qui vit dans une résidence de personnes âgées. Face à la crise sanitaire, le Drummondvillois de 66 ans est confiné à la maison, contraint de parler à sa tendre moitié à travers un téléphone.

Malgré les mesures de confinement, M. Lebeau désirait garder un contact avec sa conjointe. «J’ai demandé à une personne à la résidence s’il était possible de voir Susanne par Facetime. Ça fait deux fois que je le fais. J’ai vu sa physionomie. J’ai vu qu’elle a l’air bien», explique-t-il.

Pendant un an et demi, le retraité rendait visite à sa conjointe trois fois par semaine. Il s’est toujours plu à lui amener des petites surprises sucrées comme du chocolat. Ces rencontres étaient pour lui une source de réconfort. Maintenant, il doit se restreindre à un appel par semaine.

«Je ne veux pas non plus prendre le temps de l’infirmière qui s’occupe de ça. L’appel dure une à deux minutes. Susanne n’a pas de conversation. Même si je lui racontais ma journée, deux phrases après, elle ne s’en rappelle plus», témoigne M. Lebeau, tout en précisant que sa femme souffre de démence frontotemporale.

Même si la présence de son épouse lui manque, le retraité est conscient de la gravité de la situation. Il reste chez lui, tout en s’occupant différemment. «Je suis un lève-tôt. Je me lève vers 6h30. J’écoute les nouvelles une demi-heure, après j’écoute de la musique en déjeunant et je sors dehors. Aujourd’hui, je vais aller couper un peu de bois pour l’hiver prochain», raconte-t-il.

Si M. Lebeau accepte cette nouvelle réalité, il invite les Drummondvillois à faire de même. «Je ne suis pas inquiet pour moi parce que je fais attention. Ce qui m’inquiète, ce sont ceux qui ne font rien et qui ne prennent pas les consignes au sérieux», supporte-t-il.

D’ailleurs, L’Express de Drummondville a consulté d’autres aînés qui voulaient s’exprimer sur la situation. Diane Boucher, une retraitée qui vit dans la municipalité de L’Avenir, est soucieuse quant aux comportements que certains téméraires adoptent.

«Je commence à avoir peur. Il y en a qui ont la tête dure et qui ont de la difficulté à comprendre. Je garde des chevaux en pension chez moi. Il y a une locataire qui revient de voyage et c’est elle qu’on voit le plus. Elle n’a pas fait ses 14 jours d’isolement, c’est sûr. Elle s’occupe de ses cheveux et elle vient nous voir. J’essaie de prendre mes distances», soutient-elle.

Si certains craignent que le virus s’attaque à leur santé, d’autres anticipent le pire pour leur entourage. Monique Brisson s’inquiète pour sa fille, âgée de 40 ans, qui souffre de problèmes pulmonaires. «C’est sûr que si le virus se jette sur ses poumons, Karine ne passera pas à travers. Elle a eu le vaccin pour la pneumonie et elle s’en fait quand même. Ses poumons sont maganés», confie-t-elle.

Jongler avec la solitude

Richard Lebeau n’est pas le seul à vivre les contrecoups de la crise. Diane Bouchard, résidente de Drummondville, est catégorique : sa vie n’est plus comme avant. Cette grand-mère, qui côtoyait régulièrement ses petits-enfants, fait face à un appartement vide.

«Je suis habituée d’être avec ma famille à la semaine longue. Les enfants arrivaient de l’école et défaisaient leurs sacs. On parlait un peu. Après, je revenais souper chez moi. Maintenant, je tombe seule. C’est tout un changement», avoue-t-elle.

Diane Bouchard a complètement changé sa routine depuis les mesures de confinement. (Photo Ghyslain Bergeron) 

Pour contrer la solitude, Mme Bouchard a décidé de se tourner vers un mode de vie actif. «Je suis entrée dans une chorale depuis un an et demi. Je me suis fait une nouvelle routine. Tous les matins, après le déjeuner, je pratique mes chansons jusqu’à l’heure du dîner. Après avoir écouté les nouvelles, je vais prendre ma marche en réécoutant mes chansons. Je viens à bout de passer mes journées pour que ça aille bien», affirme-t-elle.

Ces personnes du troisième âge doivent faire preuve de créativité pour s’occuper. Marcelle Bessette a quant à elle trouvé des alternatives pour continuer ses activités. «Ça fait quarante ans que je vais à la messe tous les jours. Actuellement, j’écoute la messe tous les matins sur YouTube avec mon ordinateur. C’est beau. Il y a parfois six, sept, huit prêtres en même temps. C’est une richesse. Sans ça, je trouverais le temps plus long», concède la dame de 88 ans qui se range vers la foi pour garder le moral.

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