«J’ai réellement vu l’enfer» – Jean-Pierre Laterreur

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Par Emmanuelle LeBlond
«J’ai réellement vu l’enfer» – Jean-Pierre Laterreur
Jean-Pierre Laterreur et sa conjointe Hélène Denault dans un nouvel appartement. (Photo : Ghyslain Bergeron )

TÉMOIGNAGE. Jean-Pierre Laterreur a été pris au piège dans son appartement où un incendie faisait rage. L’homme de 69 ans a été marqué par la couleur ardente des flammes, l’odeur suffocante de la fumée et la chaleur insoutenable du brasier. Mais surtout, il n’oubliera jamais le bruit de la sirène des pompiers.

Un mois s’est écoulé depuis que la vie de Jean-Pierre Laterreur et sa conjointe Hélène Denault a basculé en raison d’un incendie. Le couple vient à peine de se sortir la tête de l’eau. Après une série de démarches, ils ont enfin trouvé un endroit où se loger. Les Drummondvillois habitent dans un immeuble à logements sur la rue Cockburn.

«On a récemment signé le bail. Enfin, on a une adresse. On a un toit sur la tête. Ce n’est pas rien», lance Jean-Pierre Laterreur.

Leur nouveau chez soi est fonctionnel et confortable. Table à manger, chaises, divans, lampes, matelas, tables à chevet, rideaux : tout y est. «Il n’y avait rien de tout ça la semaine passée», dit-il.

Le sexagénaire prend la télécommande de la télévision pour désactiver les haut-parleurs. Il s’assoit sur le fauteuil, en fixant les flammes qui dansent dans le foyer.

Jean-Pierre Laterreur replonge dans ses souvenirs de la nuit du 17 janvier. Ses émotions sont à fleur de peau. Toutes sortes de pensées bousculent son esprit.

Après un moment, l’homme rassemble ses idées. Il se lance dans le vif du sujet.

«Tout veut sortir en même temps… Il faut que je raconte mon histoire du début.»

Un cauchemar éveillé

Jean-Pierre Laterreur habitait dans un immeuble locatif sur le boulevard Jean-De Brébeuf. Son appartement était situé au deuxième étage.

Cette nuit-là, il dormait avec sa conjointe. Ce sont les aboiements des chiens qui les ont réveillés. «Habituellement, ils jappent quand il y a quelqu’un à la porte. J’ai décidé de me lever pour aller répondre. En arrivant dans la cuisine, j’ai vu la fumée. Il y en avait beaucoup. Lorsque j’ai ouvert la porte, j’ai vu les flammes qui passaient à travers le plancher. L’incendie était en dessous de nous», raconte-t-il.

Sans attendre une seconde de plus, Hélène Denault a filé à l’extérieur en utilisant une autre porte de sortie, localisée au salon. Pour sa part, Jean-Pierre Laterreur a revêtu quelques vêtements. Une fois dans la cuisine, l’homme a été plongé dans le noir. Un délestage électrique a été effectué à distance, ce qui a eu pour effet de couper le courant.

Jean-Pierre Laterreur se trouvait derrière cette porte au moment de l’incendie.(Photo : Ghyslain Bergeron)

Jean-Pierre Laterreur s’est dirigé avec empressement vers la deuxième porte. «Quand je suis arrivé dans le salon, j’ai vu le feu. Il avançait. C’était tellement rouge. Mon réflexe était de sortir. Quand j’ai ouvert la porte, je l’ai refermé tout de suite. J’ai senti la chaleur des flammes. La fumée était de plus en plus épaisse et toxique.»

Le locataire a tenté d’appeler aux secours, en vain. Il avait de la difficulté à respirer. À bout de force, Jean-Pierre Laterreur s’est écroulé au sol. «La mort approchait à chaque planche. J’ai réellement vu l’enfer», souffle-t-il.

Lorsqu’il a entendu le bruit de la sirène des pompiers, il a éprouvé un profond soulagement. «J’ai dû perdre connaissance à force de respirer de la fumée. Ça m’a saisi quand les pompiers ont arrosé la porte. J’ai entendu quelqu’un dire : ‘’Il est ici’’.»

C’est le pompier Jordan Descheneaux qui lui a porté assistance. Une fois l’escalier descendu, Jean-Pierre Laterreur s’est assis sur un fauteuil roulant.

L’homme a été épaté par le travail des sapeurs. «Je veux prendre le temps de les remercier. Ils ont été rapides et efficaces. Le feu était à ma porte. Grâce à leur intervention, je suis en vie», exprime-t-il, avec reconnaissance.

Un total de neuf locataires se sont retrouvés à la rue. La Croix-Rouge est venue rencontrer les sinistrés qui ont été accueillis précédemment par les intervenants du Service d’intervention d’urgence civil du Québec. La Société protectrice des animaux de Drummond était également présente sur les lieux.

Notons que l’incendie est considéré comme suspect. Le dossier a été transmis à la Sûreté du Québec. Une enquête est en cours.

Les répercussions

Cet événement a eu des impacts physiques et psychologiques sur Jean-Pierre Laterreur. «Le soir même, je voyais encore des flammes qui passaient au-dessus de moi. Le cerveau a enregistré ça. J’ai pris panique. Le feu m’a marqué.»

Assis sur un fauteuil roulant, Jean-Pierre Laterreur regardait les pompiers à l’œuvre. (Photo: Ghyslain Bergeron)

«J’ai passé quatre jours au centre des grands brûlés à Québec et quatre jours aux soins intensifs à l’hôpital Sainte-Croix à Drummondville», explique-t-il.

L’homme n’a pas souffert de brûlures, mais l’exposition à la fumée a fragilisé sa santé. Entre autres, ses voies respiratoires ont été irritées. Il tousse encore aujourd’hui et sa voix est rauque.

Son retour à Drummondville n’a pas été de tout repos. Sa priorité? Trouver un appartement. Il s’est tourné vers l’Office d’habitation Drummond. «Quand j’ai fait ma demande, on m’a dit que j’avais 12 jours à partir de l’incendie pour fournir les documents. J’avais passé huit jours dans les hôpitaux. Il m’en restait quatre. C’était un non-sens», mentionne celui qui a tout perdu dans le brasier.

Déterminé, Jean-Pierre Laterreur a cogné à plusieurs portes, dont le Centre d’action bénévole Drummond. «Ils ont travaillé fort pour que j’aie un toit sur la tête. Ils m’ont aidé à rassembler les documents. Ils ont même fait intervenir le député André Lamontagne dans le dossier. Je n’étais pas capable d’avoir les relevés de cotisation.»

Grâce au support de la communauté, le sinistré a réussi à remettre ses papiers à temps.

Repartir de zéro

Sans assurance habitation, Jean-Pierre Laterreur et Hélène Denault ont recommencé de zéro. Le retraité a fait face à un mur lorsqu’il a tenté d’acheter des meubles. Les vendeurs demandaient de fournir deux pièces d’identité avec des photos. Il n’en avait pas. «Le feu a pris mon identité. La seule chose que j’avais pour m’identifier, c’étaient mes bracelets d’hôpitaux.»

Jean-Pierre Laterreur et sa conjointe Hélène Denault dans un nouvel appartement. (Photo : Ghyslain Bergeron)

Selon lui, la Croix-Rouge devrait avoir un mandat élargi, en émettant temporairement une pièce d’identité aux sinistrés.

«Quand tu perds ton identité dans notre système, on n’a plus grand-chose», souligne-t-il, en ajoutant qu’il est toujours en attente de sa carte d’assurance maladie.

Le sinistré a réussi à acheter quelques items. Et puis, il a pu compter sur plusieurs dons de la part de son entourage.

Un nouveau chapitre s’est amorcé sur la rue Cockburn. Jean-Pierre Laterreur est maintenant prêt à tourner la page de cet événement pour aller de l’avant.

Celui qui a contacté L’Express pour partager son histoire souhaite inspirer son prochain. «Je veux donner de l’espoir à d’autres personnes qui passent à la même place que moi.»

À lire également: «Un incendie du genre, ça soude les liens entre les pompiers» – Martin Boisvert, chef aux opérations du SSISCD

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